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Repenser la fiabilité

Il n’est pas nécessaire de toujours dire oui, d’être constamment disponible, ou d’arriver le premier et de partir le dernier tous les jours

Juggling too many tasks
iStock/Nuthawut Somsuk

En tant que juristes, notre fiabilité fait notre fierté. Cependant, lorsque vous pensez à ce à quoi ressemble la fiabilité dans la pratique, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit? Être disponible 24 heures par jour, sept jours sur sept? Arriver en premier, partir en dernier? Dire oui à tout?

C’était le cas d’un avocat nommé Sam que j’encadrais récemment. Quand je l’ai interrogé sur ses réussites dans ses postes précédents, il a parlé de sa fiabilité, de sa volonté à dire oui, de sa disponibilité constante et du fait qu’il arrivait le premier et partait le dernier tous les jours.

Cependant, Sam était célibataire à l’époque. Aujourd’hui, avec une jeune famille à la maison et d’autres engagements importants, dire oui à tout n’est plus faisable, et encore moins durable. Compte tenu de l’importance de la fiabilité dans la pratique du droit, la conversation avec Sam m’a amenée à me demander si les comportements qu’il évoquait sont vraiment la meilleure façon de démontrer cette qualité. Si la réponse est non, comment s’y prendre?

Essentiellement, la fiabilité consiste à tenir nos promesses. C’est un moteur essentiel de la confiance, et nous y avons sans cesse recours au travail parce que nous prenons régulièrement des engagements et parce que nous demandons aussi aux autres d’en prendre. Malheureusement, dans notre monde de frénésie et de distraction, nous pouvons faire de faux pas ou mal communiquer, ce qui peut nous contraindre à ne pas tenir des engagements, partiellement ou totalement. Cela peut mener des gens à croire que nous ne sommes pas fiables et nous pousser à trahir involontairement la confiance d’autrui, ce qui peut nous laisser un sentiment de grand stress, de tension excessive et de manque de soutien.

Si l’approche par défaut de la fiabilité consistant à tout accepter nous mène à travailler plus fort à un débit plus faible et nous empêche de bâtir la confiance, il est peut-être temps de repenser cette notion de la fiabilité. Après tout, êtes-vous plus susceptible de vous fier à une personne qui dit toujours oui, indépendamment de sa capacité et de la probabilité qu’elle puisse livrer la marchandise, ou à quelqu’un qui est transparent quant à sa disponibilité, qui fournit une échéance qui tient compte de possibles embûches, et qui respecte ses engagements?

Charles Feltman, auteur d’un ouvrage s’intitulant The Thin Book of Trust, affirme qu’il existe de nombreuses façons de démontrer sa fiabilité (et de renforcer la confiance) au travail, y compris en faisant preuve de franchise, de clarté et de cohérence dans l’évaluation et dans la communication des capacités, des engagements et des attentes. Rien de tout cela n’exige d’être constamment disponible ou de ne jamais dire non.

Avant de vous engager, déterminez si vous avez le temps et les ressources nécessaires pour respecter cet engagement. N’hésitez pas à partager certaines de ces informations avec le demandeur. En tant qu’humains, lorsque nous n’avons pas toutes les informations (raisons des retards, inexactitudes, etc.), nous comblons les vides, souvent sans donner le bénéfice du doute. Par conséquent, soyez généreux lorsque vous fournissez des informations pour contrôler le schéma narratif. Obtenez des éclaircissements sur la demande et sur les attentes. Cela peut inclure des conversations de suivi pour réitérer votre compréhension et pour obtenir une confirmation. Lorsque vous faites une demande, ne la confondez pas avec un ordre. Interrogez-vous des capacités, exprimez clairement les attentes et résumez les mesures à prendre. Même en l’absence d’une demande, ne faites que des offres que vous êtes prêt à respecter et que vous serez capable de respecter. Rappelez-vous qu’une fois que vous faites une offre, vous avez la responsabilité de l’honorer.

Si vous n’êtes plus en mesure de remplir votre engagement pour quelque raison que ce soit, communiquez-le dès que possible et faites partie de la solution.

La fiabilité ne consiste pas à ne pas avoir de limites et à être la personne qui travaille le plus d’heures. La fiabilité se manifeste dans la façon dont nous abordons les demandes, faisons des offres et respectons nos engagements. Les compétences connexes comprennent l’écoute attentive et la capacité à poser des questions de clarification, à revenir en arrière pour comprendre, et à faire preuve d’ouverture et de transparence quant à votre disponibilité.

Sur ce dernier point, plutôt que de prendre en charge une tâche (ou un dossier ou un projet) que vous n’avez pas la capacité d’accomplir et de livrer, dites ce que vous pouvez faire à la place : « J’ai trois projets qui sont attendus vendredi, mais je pourrais vous remettre le vôtre mardi matin, ou je peux m’informer pour voir si mon collègue peut s’en occuper ».

Si vous lisez ceci et que vous êtes la personne qui fait des demandes, l’une des meilleures façons de vous assurer qu’elles sont satisfaites est de gagner la confiance des gens à qui vous souhaitez confier une tâche. Si vous assumez vos fonctions de façon compétente, que vous êtes sincère lorsque vous faites des demandes et que vous vous souciez des personnes à qui vous souhaitez confier des tâches, celles-ci s’engageront volontiers, travailleront incroyablement fort pour respecter ces engagements, se sentiront en sécurité et auront la certitude qu’elles peuvent refuser quand elles ne peuvent s’en occuper.

Les juristes et les clients veulent s’occuper avec succès d’affaires et de projets. Ils veulent travailler avec des gens sur qui ils peuvent compter. À cette fin, il sera utile à Sam, et à nous tous, de repenser la fiabilité : dire ouvertement ce qui peut et ce qui ne peut pas être fait, poser des questions pour clarifier les attentes et tenir nos promesses.