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Protéger les droits des personnes trans au Canada

Le groupe Juristes contre la transphobie se prépare à lutter

LGBTQ+ community, activists and supporters
iStock/piotrmilewski

Alors que l’administration Trump annonce une série de politiques et de décrets ciblant les droits des personnes queer et trans, les juristes et les cabinets juridiques canadiens se préparent à protéger les droits des personnes 2SLGBTQ+ contre l’intensification des attaques dans notre pays.

Les décrets du président Donald Trump — notamment pour ordonner au Pentagone de bannir les personnes trans de l’armée, supprimer l’aide aux transitions de genre pour les personnes de moins de 19 ans et définir le genre comme binaire — ont transformé le paysage pour les personnes queer et trans aux ÉtatsUnis. Toutefois, les effets de cette rhétorique ne s’arrêtent pas là.

« Trump repousse les limites du discours politique acceptable », déclare barbara findlay, cofondatrice du groupe Juristes contre la transphobie.

« Ce discours va encourager les personnes anti-trans au Canada et ajouter un élément toxique dans notre propre discours politique ».

En ciblant un groupe minoritaire, Trump rend légitime un modèle politique « susceptible d’avoir une forte incidence négative sur les personnes trans partout dans le monde », soutient Me findlay.

Pour certains juristes, cette situation a des effets immédiats puisqu’ils se mobilisent pour aider des personnes queer et trans des États-Unis qui souhaitent émigrer.

Connie Campbell, juriste en droit de l’immigration de Vancouver, reçoit des appels de personnes qui souhaitent déménager au Canada et qui s’intéressent au processus de détermination du statut de réfugié. Toutefois, malgré le caractère impitoyable des décrets, Me Campbell ne sait pas si une revendication du statut de réfugié serait accueillie.

Selon ce qu’iel en comprend, y compris d’après les demandes d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (AIPRP) de chaque revendication du statut de réfugié visant les ÉtatsUnis au motif de l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, aucune revendication contre les ÉtatsUnis n’a jamais été acceptée.

« Leur expérience sert de test et la vérité de ce qui se passe change tellement rapidement qu’il est difficile de dire si les conditions constituent ou non de la persécution partout aux États-Unis », convient Me Campbell.

Étant donné que l’un des décrets de Trump indique que le gouvernement américain ne reconnaît que deux genres – homme et femme –, certains défenseurs et défenseures de droits et juristes exhortent le gouvernement fédéral à créer une exclusion à l’Entente sur les tiers pays sûrs de sorte que les demandeurs d’asile trans et non binaires qui se présentent à la frontière canadienne ne soient pas automatiquement renvoyés aux États-Unis.

Les avertissements aux voyageurs à l’intention des personnes LGBTQ qui se rendent dans certaines parties des États-Unis précisent que le gouvernement canadien ne considère pas que le pays est dangereux. Toutefois, selon Me Campbell, le Canada hésite à reconnaître les réfugiés de ce pays en raison de la relation étroite entre les deux pays. Cela dit, Me Campbell et d’autres juristes travaillent à créer des ressources en ligne à l’intention des personnes qui souhaitent déménager ici.

En outre, bien que les gens n’aient pas tort de penser que le Canada est plus sûr pour les personnes trans que notre voisin du sud, Me Campbell est d’avis que les gens doivent évaluer leurs options avec soin, puisque la présentation d’une revendication du statut de réfugié peut faire obstacle aux autres moyens d’immigration.

En même temps, certains juristes se préparent à la hausse du nombre d’attaques dont feront l’objet les personnes queer et trans dans notre pays. L’Association canadienne des libertés civiles embauche un étudiant ou une étudiante d’été qui se concentrera sur les droits des personnes trans. En 2023, le groupe de défense des droits des personnes 2ELGBTQI Egale Canada a embauché une personne à la direction juridique, reconnaissant que les tendances aux États-Unis et ailleurs rendent le recours aux tribunaux davantage nécessaire.

Ces efforts ont inclus des luttes contre des initiatives comme la politique de la Saskatchewan exigeant le consentement parental pour que les enfants de moins de 16 ans utilisent des noms ou pronoms différents à l’école. Egale, qui représente une organisation locale, a obtenu une injonction au motif que la politique porterait atteinte aux droits des jeunes de diverses identités de genre. Le gouvernement a répondu avec la disposition de dérogation, passant outre les droits à l’égalité. Une décision de la Cour d’appel de la Saskatchewan est imminente.

Egale a également élaboré des ressources pour lutter contre la mésinformation et la désinformation au sujet des personnes queer et trans et pour fournir du matériel à ses alliés pour les aider à réagir.

« L’époque est réellement terrifiante pour les personnes trans ainsi que leurs amis et leurs familles. Je trouve réconfort dans l’idée qu’au Canada, un nombre impressionnant de personnes n’accepte pas qu’un groupe minoritaire serve de bouc émissaire », dit Bennett Jensen, directeur juridique d’Egale.

« J’espère réellement qu’en tant que pays, nous pouvons tirer des leçons des scènes de cruauté et d’horreur qui se déroulent au sud de la frontière et reconnaîtrons que ce n’est pas le genre de pays dans lequel nous voulons vivre ».

Il reste pourtant d’autres défis à venir. Même si les faits diffèrent, Me Jensen est d’avis que la situation en Saskatchewan reflète celle visée par l’examen par la Cour suprême de la décision de la Cour d’appel du Québec qui a confirmé la validité du projet de loi 21, la loi sur la laïcité de la province.

C’est la première fois que le recours à la disposition de dérogation pour nier les droits à l’égalité sera examiné par la Cour suprême, et Me findlay dit que de nombreux défenseurs et défenseures de droits attendent avec impatience le résultat.

« À mon avis, cette décision appuiera ou éliminera les droits à l’égalité pour la prochaine génération », indique-t-elle.

L’affaire sera probablement entendue à l’automne. Me findlay dit qu’il est impératif que les juristes réalisent l’urgence du moment.

Me findlay suggère que les entreprises prennent d’abord des mesures pour indiquer qu’elles appuient les personnes queer et trans dans les toilettes publiques, l’affichage et les formulaires.

Entre-temps, le groupe Juristes contre la transphobie créée une ressource à l’intention des conseils scolaires pour traiter avec la transphobie et planifie une conférence nationale à l’automne. Bien que ce travail ait été accompli avant les politiques de l’administration Trump, Me findlay est d’avis que ces changements font en sorte qu’il est urgent d’agir.

Des organisations comme l’Association du Barreau canadien considèrent la situation aux ÉtatsUnis comme une mise en garde et offrent des formations sur les questions trans aux juristes.

« Sans cette éducation, il est plus difficile pour les personnes de comprendre l’étendue des préjudices causés par ce genre de politiques », selon lea président∙e de la Division de la ColombieBritannique de l’ABC, Lee Nevens.

Au cours des dernières années, l’ABC a également adopté des résolutions pour lutter contre la transphobie et a proposé des lignes directrices sur l’utilisation de la disposition de dérogation afin d’aborder son emploi de plus en plus fréquent dans les politiques ciblant les jeunes queer et trans.

Me Nevens dit que si les attaques visant les personnes trans étaient normalisées, les membres de la communauté ne seraient pas les seuls touchés.

« Les attaques commencent avec les personnes trans, mais elles ne s’arrêteront pas là. Un grand nombre des droits qui sont devenus la norme avec les décennies commenceront à s’éroder ».

Selon Me Nevens, il est important, lorsque les droits des personnes trans sont menacés, que les alliés participent à la lutte et n’abandonnent pas leurs principes devant la possibilité de représailles.

« Ce n’est pas le moment », dit-iel. 

« C’est le temps de continuer d’aller de l’avant, d’éduquer et de lutter ».