Une aide juridique aux artistes
Regard sur nouvelle une initiative de l’Université du Manitoba.
La plupart des artistes canadiens et canadiennes, si ce n’est tous, auront un jour ou l’autre besoin de services juridiques qu’ils ne sont pas en mesure de s’offrir. Des étudiants et étudiantes en droit du Manitoba lancent une clinique juridique pour que les artistes puissent obtenir des conseils et de l’assistance juridiques à titre gracieux. Cette initiative peut inspirer les juristes exerçant seuls ou en petit cabinet qui cherchent à mieux soutenir cette clientèle historiquement mal desservie.
La Manitoba Legal Clinic for the Arts aidera les artistes et les organisations artistiques avec divers problèmes, notamment en matière de droits d’auteur et de propriété intellectuelle, de rédaction et d’interprétation de contrats, d’emploi, d’utilisation de la technologie, et de structures d’entreprises.
Selon une évaluation du Réseau national de cliniques juridiques pour les arts, 94 % des artistes canadiens et canadiennes sont convaincus d’avoir des besoins juridiques uniques, et 90 % des artistes et des organisations artistiques considèrent que l’accès aux services juridiques pour les artistes est inadéquat.
« Autant arrondir à 100 % », selon Nick Slonosky, juriste superviseur et membre de l’équipe de gestion de la Manitoba Legal Clinic for the Arts.
La clinique des arts compte actuellement 22 étudiants et étudiantes de troisième année, trois assistants de recherche de deuxième année, et des juristes superviseurs. Cette initiative est née de la volonté de la L. Kerry Vickar Business Law Clinic de l’université.
Me Slonosky explique que les étudiants et étudiantes ont découvert que si les groupes artistiques avaient besoin d’une assistance juridique, les clients potentiels étaient souvent réticents à recourir aux services d’une clinique spécialisée dans le droit des affaires.
« Nous n’avions qu’une poignée d’artistes comme clients, explique-t-il. Nous avons commencé à discuter avec des artistes et des groupes artistiques, et ils ont convenu que les artistes ne se considèrent souvent pas comme des entreprises — et que le dernier endroit où ils rechercheront des conseils serait une clinique spécialisée dans le droit des affaires. »
Toutefois, la communauté artistique continue de se développer au Manitoba. Un rapport de 2023 produit pour le Conseil des arts du Manitoba fait état de 5 200 artistes professionnels dans la province, soit un travailleur ou une travailleuse sur 140. Le rapport, basé sur le recensement de 2021 et publié en septembre 2023 par Hill Strategies Research, révèle que le revenu personnel médian des artistes n’est que de 10 100 $, soit 42 % de moins que celui des autres travailleurs et travailleuses au Manitoba.
« Nous savons qu’il y a un besoin et qu’il n’est pas satisfait. Alors, quelle est la meilleure façon de combler cette lacune et de résoudre ce problème? Nous avons décidé de créer une clinique juridique spécialisée pour desservir la communauté artistique », explique Me Slonosky.
La clinique juridique spécialisée dans les affaires artistiques fournira des services à des clients individuels, tels que des musiciens, des peintres, des sculpteurs, des céramistes et des danseurs, qu’ils soient employés d’une organisation ou qu’ils soient artistes à la pige. Elle s’adressera également aux organismes ou coopératives artistiques et culturels et à leurs besoins spécifiques.
Randy Joynt, directeur général du Conseil des arts du Manitoba, estime que la nouvelle clinique juridique profitera à la communauté artistique de la province.
« L’un des principaux obstacles auxquels se heurtent les organismes artistiques et culturels ainsi que les artistes est de savoir par où commencer s’ils ont un problème juridique, dit-il. Je pense qu’il s’agira d’un point d’entrée fantastique pour dissiper toute appréhension et toute confusion quant à la manière de contacter un juriste. »
Kassandra Taverner, étudiante en deuxième année de droit à l’université du Manitoba et artiste céramiste, se dit très enthousiaste à l’idée de travailler à la clinique juridique spécialisée dans les affaires artistiques, qui combine ses passions pour l’art et le droit.
Elle travaille comme assistante de recherche et souligne que les statistiques mettent en exergue une lacune que la clinique espère combler.
« Il est très clair que les artistes ont ces besoins juridiques et qu’ils n’ont pas le budget nécessaire pour y répondre, dit-elle. La COVID a particulièrement touché nos organismes artistiques et culturels ainsi que les artistes. Même avant cette pandémie, de nombreux artistes vivaient sur ou en dessous du seuil de la pauvreté, et les choses n’ont fait qu’empirer. Pouvoir fournir ce service est énorme ».
Selon Mme Taverner, la clinique prévoit également de créer des ressources numériques, notamment des vidéos d’information générale auxquelles les artistes et les organisations artistiques pourront accéder sur demande.
Brendan McKeen, président de Manitobans for the Arts, décrit la clinique juridique spécialisée dans les affaires artistiques comme une « initiative extraordinaire » pour les nombreux artistes qui manquent de connaissances fondamentales ou d’éducation pour interpréter les contrats qu’on leur demande de signer.
« Cette clinique aura un impact considérable sur notre communauté, car elle lui permettra d’avoir accès à des connaissances et à des ressources qui l’aideront à prendre des décisions commerciales et financières dans des domaines comme les droits d’auteur et les contrats », souligne Kara Joseph, gestionnaire des programmes de formation chez Creative Manitoba.
Pour sa part, Emily Palmer, assistante de recherche à la clinique, rappelle que les artistes ont des besoins juridiques uniques qui ne sont souvent pas traités par les autres ressources juridiques gratuites ou peu coûteuses.
« Les artistes ont besoin de conseils juridiques adaptés à leur situation spécifique, explique Mme Palmer. Les services des juristes ne sont pas bon marché ajoute-t-elle. Le simple fait de disposer d’un service gratuit est tellement bénéfique et utile pour la communauté artistique. »
L’un des avantages de la clinique est qu’elle contribue à former des juristes qui seront conscients des besoins de cette clientèle historiquement mal desservie. « Les étudiants et étudiantes ne restent que trois ans à la faculté de droit, puis ils s’en vont, dit Me Slonosky. Ce que nous essayons de faire, c’est de développer une base et une compréhension pour qu’ils puissent utiliser ces connaissances dans leur carrière. »
La nouvelle clinique juridique spécialisée dans les affaires artistiques sera la première et la seule en son genre au Manitoba et la seule de ce type dans une université au Canada. Me Slonosky espère que cette initiative incitera d’autres universités à envisager d’adapter leurs cliniques étudiantes aux artistes. Il ajoute : « Nous allons documenter toutes nos étapes et leçons apprises afin de les partager avec d’autres personnes ».