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Reconstituée et réimaginée

Après une longue absence du paysage juridique, la nouvelle Commission du droit du Canada a récemment célébré son deuxième anniversaire

Scale on top of a pile of books
iStock/porcorex

La Commission du droit du Canada reconstituée vient de célébrer son deuxième anniversaire et de déposer son deuxième rapport annuel au Parlement.

La commission originale a été dissoute en 2006; alors lorsqu’elle a été reconstituée, la majeure partie de la première année a dû être consacrée à la compréhension de son objet dans le paysage juridique actuel – une tâche que sa présidente, Shauna Van Praagh a abordée avec humilité.

« Même s’il n’y a pas eu de Commission du droit pendant 17 ans, le droit canadien n’a pas cessé d’évoluer », dit-elle.

« Nous ne voulions pas nous manifester et dire nous voici, nous pouvons maintenant commencer à réfléchir à la réforme du droit; des gens s’en étaient chargés. Nous devions donc prendre soin de ne pas refaire le travail accompli par les gens, d’être conscients de leurs accomplissements et de constater les domaines où la Commission du droit peut offrir son soutien, faciliter et compléter le travail et trouver sa propre place. »

Par conséquent, le travail a commencé par des rencontres intitulées « Dialogues d’écoute et de découverte », lesquelles ont mené à la création de trois principaux secteurs de recherche qui composent actuellement le travail de la Commission.

Le premier est une série de rapports « Au-delà de demain », présentée par des chercheurs établis sur des questions relatives au droit et à la justice – ce à quoi le Canada devrait réfléchir pour l’avenir selon ces gens. Ces propositions sont examinées tous les trimestres et une ou deux seront sélectionnées.

La Commission a également créé un programme de chercheurs émergents qui peut offrir une somme de 10 000 $ à des étudiants au doctorat pour les encourager à inclure un aspect d’engagement du public à leurs recherches. De même, les chercheurs choisis pour les rapports « Au-delà de demain » doivent intégrer des modules d’engagement du public dans leurs projets pour mettre en évidence le lien entre la recherche fondamentale et les réalités du terrain.

La deuxième série est un projet de recherche collaboratif dans le cadre duquel la Commission demande des textes sur la charité et le droit au Canada. Selon Me Van Praagh, la Commission est d’avis qu’il s’agit d’un domaine de recherche intéressant parce qu’elle voulait se pencher sur un sujet qui touche tout le monde au pays, que les gens font des dons ou qu’ils bénéficient de la charité.

« La charité est traditionnellement liée à la justice », dit-elle.

« Nous avons considéré que la première partie de ce projet serait un petit ensemble de textes établissant l’importance de la charité et l’influence du droit sur le comportement charitable dans les diverses traditions juridiques qui coexistent au Canada. »

La Commission tente également de trouver des façons d’inclure les traditions juridiques autochtones dans ses cercles de réflexion et de veiller à ce que chaque projet et programme reconnaisse la multiplicité des traditions juridique du Canada.

La troisième série concerne quatre brefs rapports thématiques et cercles de discussion sur le droit carcéral afin de comprendre et de cerner les enjeux émergents de ce domaine. Des textes ont été demandés sur l’accès à Internet dans les prisons, sur la façon dont les personnes incarcérées jouent un rôle dans la création de règles et du droit en milieu carcéral, sur les mères et leurs enfants dans les prisons et un autre de la part de sociologues sur les défis liés aux visites.

Me Van Praagh dit que la Commission a choisi la charité et le milieu carcéral parce qu’aucun de ces sujets ne va de soi. La Commission réfléchit déjà à ses projets à venir, tentant de faire preuve d’ambition, tout en renforçant la notion de réflexion générale sur la primauté du droit ainsi que l’importance du droit et des institutions de justice.

L’objectif est de s’assurer d’être attentif sur le terrain aux sujets d’avant-garde et aux questions qui se profilent et qui nécessitent une attention.

« Il ne s’agit pas de cibler une loi et de cerner ses faiblesses pour la changer », dit‑elle.

« Je ne dis pas que ce n’est pas un travail précieux, mais il existe un véritable potentiel pour reconstituer et réimaginer la Commission du droit comme ayant un rôle de chef de file pour montrer comment l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens, non seulement ceux qui rédigent les lois, devraient pouvoir constater que notre travail trouve écho auprès d’eux. »

La Commission de réforme du droit du Canada originale a été créée en 1971 pour fournir de façon continue des conseils d’expert sur la réforme de la loi. Le gouvernement Mulroney a mis fin aux activités de l’organisation en 1992 comme mesure de réduction des coûts. Une nouvelle Commission du droit du Canada a été créée en 1997, laquelle visait une approche plus vaste et multidisciplinaire que la simple réforme des lois existantes. Elle a existé jusqu’en 2006, année où le gouvernement Harper l’a démantelée par souci d’économie.

La nouvelle version de la Commission a un budget qui correspond à un cinquième de celui de la Commission de réforme du droit originale et à la moitié de celui de la deuxième version, Me Van Praagh est donc consciente de ce qu’elle peut offrir. En plus du programme de chercheurs émergents, la Commission accepte des propositions de soutien aux conférences qui correspondent à son cadre d’intersections.

La Commission a également démarré un programme de boursiers similaire à celui des auxiliaires juridiques de la Cour suprême du Canada, dans le cadre duquel de récents diplômés occupent un poste pendant un an. Il peut accueillir jusqu’à quatre boursiers par année.

« Le fait que plus de gens mettent la main à la pâte pour aider à trouver plus d’idées et à les mettre en pratique est très stimulant », dit Me Van Praagh.

« Je crois qu’il est essentiel que la rédaction et la production ne se fassent pas toutes à l’interne. J’ai pour ambition de faire croître ce réseau et voir qui d’autre pourrait accomplir du travail intéressant et de très haute qualité avec la Commission du droit. »

Dans le cadre de son rôle, elle s’efforce également d’attirer l’attention sur la Commission et de la faire connaître de nouveau, compte tenu de sa longue absence.

« Lorsque je visite les facultés de droit, je constate qu’un grand nombre des jeunes professeurs n’ont aucune expérience de rédaction pour la Commission du droit », dit Me Van Praagh.

« Ce sont en majorité les gens de mon âge qui ont écrit un chapitre dans un rapport ou encore un rapport complet dans le passé. Nous devons tout reconstruire. »

L’ancienne Commission rédigeait une partie des rapports à l’interne et demandait des textes de membres de la communauté juridique, dit Hoi Kong, professeur à la faculté de droit Peter Allard à l’Université de la Colombie-Britannique et premier titulaire du poste de professeur de droit constitutionnel de la très honorable Beverley McLachlin, C.P.

« L’un des mandats que la Commission a acceptés, de la part du ministre de la Justice, était un rapport sur la dignité retrouvée – la réparation des sévices infligés aux enfants », dit-il.

« Le rapport présente tout un éventail de réparations institutionnelles et juridiques à la question des sévices infligés aux enfants dans des établissements. »

Parmi d’autres rapports novateurs, on trouve « Au-delà de la conjugalité », lequel portait sur la façon de concevoir les relations intimes au-delà des « normes » hétérosexuelles d’une relation conjugale. Il s’agissait d’une étape importante sur la voie du mariage entre personnes de même sexe au Canada et de l’origine d’une conférence universitaire sur le sujet à l’Université Queen’s.

En même temps, certains travaux étaient plus conformes à la Commission de réforme du droit, portant sur des lois précises, comme les lois sur les transactions sécurisées en vertu de la Loi sur les banques.

Pour favoriser le rayonnement et l’engagement, la Commission a créé un balado appelé Obiter. Me Van Praagh dit qu’il porte sur la nature en évolution du droit et de la justice et qu’il doit son nom au fait que l’obiter peut représenter les parties les plus intéressantes d’un jugement.

« Ces conversations ont pour but de mettre en lumière des récits individuels inspirants sur l’engagement quant à l’évolution du droit, de montrer que la participation au changement peut prendre différentes formes », dit-elle.

Il existe également une nouvelle bourse en journalisme en partenariat avec l’Association du Barreau canadien. La bourse inaugurale a été attribuée à la journaliste travaillant à la pige Linda Besner, qui, dans une série d’articles, prévoit réfléchir aux leçons à tirer du dépeuplement des prisons pendant la pandémie; à la codification des traditions juridiques autochtones dans l’aide aux enfants et aux familles autochtones; au rôle du public dans l’adoption des outils d’IA dans le système de justice; et aux répercussions de la disparition des actualités régionales sur le principe de la publicité de la justice.

Le ministre fédéral de la Justice Sean Fraser dit que la Commission est importante parce que le système de justice ne fonctionne pas également pour tout le monde.

« La Commission du droit du Canada a été rétablie pour offrir des conseils indépendants fondés sur des faits afin d’aider à moderniser nos lois et à réagir aux enjeux juridiques et sociaux complexes auxquels font face les Canadiennes et les Canadiens », a-t-il dit dans une déclaration envoyée par courriel.

« Il y a plus à faire pour s’assurer que le système soit au service de l’ensemble des Canadiennes et Canadiens et je suis fermement résolu à faire en sorte que cette situation devienne réalité de manière efficace et efficiente. »

Bien que le ministre puisse envoyer des mandats à la Commission, il ne l’a pas encore fait. Me Van Praagh dit que la Commission a ainsi pu établir et découvrir sa capacité et son approche.

Elle aime l’idée d’être continuellement en mode écoute et découverte, mais elle a commencé à faire la transition vers le mode présentations et engagements, à la demande d’universités qui l’ont invitée à s’adresser à la nouvelle génération d’étudiantes et d’étudiants en droit. Elle pense également créer un cours sur les aspects fondamentaux du droit canadien pour les nouveaux venus sur la Colline parlementaire, qu’ils soient députés ou sénateurs.

Au moment de la publication de la lettre de mandat générale du premier ministre, Me Van Praagh l’a également parcourue.

« J’ai pris un moment pour écrire à mon personnel, soulignant des thèmes qui pourraient faire écho à certains de nos projets, qu’il s’agisse du travail intergénérationnel, de l’établissement de l’identité nationale ou de nouvelles idées et d’une énergie renouvelée », dit-elle.

Me Van Praagh, qui a longtemps été professeure de droit à l’Université McGill, note que les présidents des versions antérieures de la Commission étaient des universitaires, ce qui n’est pas le cas dans tous les pays. En Angleterre et au pays de Galles, le président de leur Commission est un juge, ce qui n’arriverait pas ici, mais il existe des modèles différents. Elle tente néanmoins de ramener la notion selon laquelle un professeur devrait occuper cette fonction.

« Un lien se crée automatiquement entre un réseau universitaire et l’importance de la recherche et des bourses d’études, tout comme entre cette situation et les gens qui adoptent les politiques », dit Me Van Praagh.

« Le métier de professeur comporte des aspects importants – l’engagement avec les autres, les conversations difficiles, l’apprentissage constant – et tous ces éléments constituent en fait, je l’espère, un atout pour la Commission du droit du Canada. »