Un non-juriste pour gérer votre cabinet?
Il peut être très profitable d’intégrer au cabinet juridique des professionnels d’autres disciplines.
Le fait d’investir dans un gestionnaire qui n’est pas juriste peut améliorer l’efficacité et s’avérer profitable pour les cabinets juridiques. Cependant, les experts conseillent fortement de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter de perturber la culture du milieu de travail.
« Les compétences et les capacités qui font d’une personne un bon juriste n’en font pas nécessairement un bon gestionnaire », dit Tim Murphy, associé directeur chez McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. à Toronto.
Maître Murphy explique que plusieurs gestionnaires spécialisés dans des disciplines autres que le droit travaillent dans son cabinet. « En recherchant des gestionnaires qui ne sont pas juristes, vous pouvez ajouter à votre personnel des experts en gestion financière et en gestion des personnes, en ressources humaines, des gens qui ont suscité et géré le changement, dit-il. Ils apportent un point de vue différent, des connaissances différentes, une formation différente, des compétences différentes de celles des juristes ».
Angela Tancock est comptable agréée qui a des antécédents dans le secteur des services bancaires d’investissement. Elle a récemment été nommée chef de l’exploitation du cabinet Norton Rose Fulbright Canada LLP / S.E.N.C.R.L., s.r.l. Elle est de l’avis que les professionnels de la gestion qui ne sont pas des juristes peuvent apporter une dimension pluridisciplinaire au cabinet. « Nous nous efforçons de veiller à ce que les juristes puissent être des juristes, dit-elle. Ils peuvent alors exercer le droit au lieu de centrer leur attention sur les rouages du fonctionnement du cabinet. »
Steve Bragg, comptable agréé et chef de l’exploitation pour le cabinet Cox & Palmer à Terre-Neuve, dit que sa capacité à concentrer son attention sur les tâches administratives permet aux juristes de son cabinet de consacrer leur temps au service des clients. « C’est un meilleur emploi du temps des juristes et cela leur permet de faire ce qu’ils devraient faire, à savoir développer leur clientèle et accroître les revenus du cabinet », ajoute-t-il.
Monsieur Bragg, qui a travaillé pendant plus de 20 ans en comptabilité publique est également expert en évaluation d’entreprise. À son avis, son expérience en matière de vérification et d’évaluation d’entreprise lui permet d’apporter à son cabinet juridique de précieuses connaissances des pratiques exemplaires. « Les cabinets juridiques ne sont pas si différents que cela des autres entreprises, dit-il. Toute personne qui travaille dans une entreprise différente peut penser qu’elle est différente des autres, mais en fin de compte, si vous voulez accroître la rentabilité de l’entreprise, cela se résume à soit accroître les revenus, soit réduire les coûts, soit une combinaison des deux solutions. Certes, le modèle n’est pas le même si vous vendez des gadgets ou le temps de vos employés, mais en fin de compte, l’accroissement de la rentabilité dépend des mêmes principes. »
Son expérience des cabinets juridiques en tant que cliente est un autre des avantages qu’Angela Tancock amène à son cabinet. « Je peux comprendre les choses du point de vue des clients, dit-elle. Je sais ce qui me plaisait et ce qui me déplaisait, alors je peux leur indiquer ce que je recherchais. »
Si un cabinet juridique envisage d’intégrer des non-juristes au sein de son équipe de direction, Me Murphy conseille de ne pas oublier que la gestion d’un cabinet comporte deux volets : la gestion quotidienne et le leadership stratégique.
Il recommande que les cabinets juridiques laissent les non-juristes s’occuper de l’exploitation quotidienne de l’entreprise. « Les factures sont-elles envoyées à temps? Les mises au rôle ont-elles lieu en temps opportun? Les ressources en personnel sont-elles réparties de manière appropriée? »
Il dit que cela permet aux juristes de l’équipe de direction d’avoir le temps d’envisager les objectifs stratégiques du cabinet. « Sommes-nous présents sur les marchés appropriés? Que recherchent nos clients? Comment le marché évolue-t-il? »
Selon lui, les cabinets juridiques qui envisagent d’engager des professionnels de la gestion doivent penser à trois éléments : la crédibilité, l’autorité et l’autonomie. Il avertit que « si vous introduisez un non-juriste dans votre cabinet juridique, vous devez considérer le fait que les juristes tendent à ne pas se laisser diriger par des gens dont ils remettent en cause la crédibilité. Vous devez axer vos efforts sur l’établissement de la crédibilité de cette personne dès le départ pour que les juristes comprennent ce qu’elle fait et qu’elle le fait bien. Cela peut être justifié par son expérience. »
Madame Tancock, elle aussi, conseille que les non-juristes qui intègrent un cabinet juridique s’efforcent tout d’abord de développer des relations et de gagner la confiance des juristes et des autres employés. « Vous devez y investir beaucoup de temps. Il faut apprendre à connaître les partenaires, le cabinet et ses pratiques, ainsi que l’équipe de direction, dit-elle. Si vous travaillez avec des partenaires, vous travaillez avec tout un tas d’entrepreneurs, et ils veulent être autonomes quant à la manière dont ils exercent le droit et gèrent leurs affaires. »
Dans l’absolu, les non-juristes devraient apporter leurs connaissances et leur savoir-faire sans perturber indûment les pratiques du cabinet juridique, dit-elle. « Il ne s’agit pas d’exiger le contrôle quand vous arrivez. C’est dans l’optique de fournir un service que vous devriez vous intégrer au cabinet. Les bonnes questions à poser sont “Comment puis-je vous aider? Comment puis-je vous faciliter les choses?” »
Maître Murphy ajoute que certains juristes pourraient remettre en question l’autorité d’un gestionnaire qui n’est pas juriste. « Il faut accorder des pouvoirs décisionnaires correspondant aux fonctions dont est investie la personne qui entre dans le cabinet en tant que non-juriste, car dès que le doute plane sur ses pouvoirs, la personne perd toute crédibilité », dit-il.
N’oubliez pas que les juristes tiennent à leur autonomie. « Il faut donc bien réfléchir aux tâches que vous allez confier au non-juriste et à la manière dont les juristes vont réagir face à l’érosion de leur autonomie, dit-il. En tant que dirigeant d’un cabinet juridique, il faut ne laisser aucun doute et communiquer clairement les tâches et les raisons pour lesquelles elles sont confiées à cette personne afin que les juristes et les non-juristes sachent exactement à quoi s’attendre en ce qui concerne la réduction de l’autonomie et les raisons pour lesquelles il est logique que ces juristes y renoncent. »
En fin de compte, dit Steve Bragg, les cabinets juridiques qui ajoutent des non-juristes à la liste de leurs employés devraient faire confiance au processus. « Il peut être difficile de sauter le pas, et cela comporte manifestement un coût, car ces personnes ne vont pas facturer leurs heures à des clients, explique-t-il. Cependant, lorsque vous commencez à engager des professionnels qui ne facturent pas leur temps, vous devez les considérer comme un investissement et non pas comme un coût. »