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La collaboration a bien meilleur goût

Bien que l’organisme de surveillance de l’éthique des sociétés au Canada ne puisse pas infliger de sanctions pénales, les sociétés doivent tenir compte des répercussions sur leur réputation.

Daniel Baum, Langlois
Daniel Baum, Langlois, Montréal

Il n’y a pas d’avis Yelp pour les ombudsmans fédéraux. Cependant, si vous avez cherché l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) sur Google avant la mi-juillet, il est possible que vous ayez trouvé une longue liste d’avis à une étoile se plaignant du manque de pouvoir de contrainte du bureau, de son incapacité à contraindre les témoins à comparaître et de son manque apparent de progrès en ce qui concerne les plaintes.

L’OCRE fait désormais l’objet de manchettes différentes. Le 11 juillet, l’OCRE a annoncé le début d’enquêtes sur les allégations de travail forcé de Ouïghours touchant les chaînes d’approvisionnement de Nike Canada et les activités minières de Dynasty Gold en Chine. Au cours du mois d’août, l’OCRE a annoncé avoir lancé des enquêtes sur Ralph Lauren Canada, Walmart Canada, Hugo Boss Canada et Diesel Canada en lien avec le recours au travail forcé de Ouïghours dans les chaînes d’approvisionnement.

« Je comprends pourquoi les gens pensaient qu’il n’y avait aucun progrès étant donné que rien n’avait été publié, déclare l’ombudsman Sheri Meyerhoffer.

Dans le cadre de notre travail, nous devons inciter les sociétés à collaborer avec nous pour régler ces problèmes. La confidentialité est donc requise. Notre travail parlera de lui-même. Nous souhaitons traiter toutes les parties de manière équitable et cela prend du temps. »

Le mandat de l’OCRE est d’enquêter sur les accusations de violations des droits de la personne visant les sociétés opérant à l’étranger dans les secteurs des mines, des vêtements, ainsi que le secteur du pétrole et du gaz. Étant un nouvel intervenant sur la scène internationale, l’OCRE n’accepte les plaintes que depuis mars 2021.

Daniel Baum, associé chez Langlois Avocats ayant représenté des multinationales, affirme que plusieurs cabinets n’étaient pas certains de la manière dont l’OCRE exercerait ses pouvoirs avant le début des enquêtes.

« Il est difficile de parler pour ces cabinets, mais il est probable qu’ils aient commencé à comprendre le mandat et le fonctionnement de l’OCRE grâce à ces premières enquêtes, déclare-t-il.

Même s’il est vrai que l’OCRE n’est pas en mesure de contraindre les témoins à comparaître ou d’imposer des amendes, ses enquêtes suscitent de la publicité et attirent l’attention des médias… Les problèmes liés à la réputation ont également des conséquences pour les sociétés, en particulier s’ils sont soulevés par des rapports du gouvernement du Canada. »

Il est possible que les multinationales soient aujourd’hui plus attentives au travail de l’OCRE et aux conséquences possibles d’un refus de collaborer avec le bureau de l’ombudsman dès que possible.

Par exemple, prenons le cas de Walmart. Dans une déclaration publiée après l’annonce de trois des enquêtes, l’OCRE a indiqué que Walmart « nie en général » les allégations, mais sans « fournir de réponse précise ».

La déclaration indique également que « compte tenu de la décision de l’entreprise de ne plus participer au processus de règlement des différends de l’OCRE, l’OCRE mènera une enquête en recherchant, de manière indépendante, des faits pour résoudre le conflit entre les allégations et la position de l’entreprise ».

L’OCRE a publié une déclaration semblable concernant la réponse de Diesel Canada : « Diesel Canada nie les allégations, affirmant qu’elle a examiné sa chaîne d’approvisionnement et qu’elle n’est impliquée dans aucune violation des droits de la personne et qu’elle n’achète pas de matériel de la région du Xinjiang.

Diesel Canada n’a pas participé au processus d’évaluation initiale de l’OCRE, ce qui soulève des questions quant au degré de transparence de ses pratiques de diligence raisonnable en matière de droits de la personne. »

Ron Kugan, associé chez PwC Canada travaillant auprès des entreprises clientes, dit qu’il ne pense pas que les multinationales n’aient pas pris l’OCRE au sérieux.

« Ce n’est pas du tout l’impression que j’ai, affirme-t-il. Je crois plutôt qu’il y a eu une certaine réticence à s’engager dans une voie peu empruntée. Selon moi, certaines sociétés n’ont pas su réagir d’une manière adéquate et n’ont pas nécessairement compris la pertinence de l’OCRE.

Elles sont entièrement conscientes des risques à présent. C’est les risques liés à la réputation qui comptent le plus pour ces sociétés, car le marché est un mécanisme de mise en application qui peut faire une importante pression sur les sociétés individuelles. Il y a donc une forte inquiétude chez ces sociétés. »

L’OCRE tente de collaborer avec les sociétés au cours des premières étapes de l’évaluation des plaintes. Même lorsqu’il détermine si une plainte est recevable, l’OCRE peut communiquer avec la société concernée pour recueillir les faits avec la permission de la partie plaignante. La médiation est une option tout au long du processus.

Dans un article publié sur le site Web de Langlois Avocats, MBaum fait remarquer que « bien que les entreprises ne soient pas tenues de participer au processus d’examen et d’enquête, l’OCRE peut tirer des conclusions défavorables de leur abstention.

Il pourrait, par exemple, déterminer qu’une partie n’agit pas de bonne foi ».

Il est possible que les multinationales faisant affaire à l’échelle internationale se préoccupent peu de la menace que représentent les recommandations de l’OCRE incitant le gouvernement fédéral à interdire aux sociétés contrevenantes l’accès au financement ou aux services fédéraux.

Elles craignent toutefois d’être pénalisées sur le marché. À une époque où les sociétés craignent les révoltes des actionnaires face à des enjeux n’étant pas liés aux résultats nets, comme les politiques sur les changements climatiques et les droits de la personne, toute mauvaise publicité peut nuire aux affaires.

« Les sociétés pourraient faire face à des poursuites qui tentent de s’appuyer sur les rapports de l’OCRE, affirme MBaum. Elles pourraient subir des pressions des actionnaires. Il reste à voir comment les choses se dérouleront. »

Me Baum soutient qu’il est rarement recommandable pour une société d’ignorer les questions de l’OCRE.

« Une société sollicitée par l’OCRE devrait se demander s’il est possible de collaborer avec l’ombudsman dès le début plutôt que d’attendre la publication des conclusions, déclare MBaum.

Dans certains cas, l’ombudsman a décidé qu’une enquête n’était pas nécessaire après que la société a collaboré avec l’OCRE. Ma recommandation générale pour toute société se trouvant dans cette situation est d’obtenir de bons conseils et de répondre de la manière la plus directe, si possible. »

MMeyerhoffer soutient que les entreprises ont plus à gagner qu’à perdre en collaborant avec son bureau dès que possible.

Selon elle, le refus de collaborer « signifie que la société a perdu la chance d’aborder une question relative aux droits de la personne. Elle perd l’occasion d’apporter une contribution utile à mon bureau. C’est une perte pour les sociétés. Nous démontrons clairement que nous souhaitons collaborer.

Dans certains cas, les sociétés nous ont contactés pour collaborer une fois l’enquête commencée. Nous apprécions ce geste, évidemment, mais il serait injuste pour la partie plaignante d’interrompre le processus à ce stade. Nous devons enquêter ».