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Impolitesse rime avec stress!

L’impolitesse est aujourd’hui monnaie courante dans la société, et pas seulement dans la pratique du droit.

Man leaning desperate
Photo by Road Trip with Raj on Unsplash

L’impolitesse est aujourd’hui monnaie courante dans la société, et pas seulement dans la pratique du droit.

Dans le cadre d’une récente étude parue dans le Harvard Business Review, l’immense majorité des répondants ont dit avoir subi eux-mêmes (98 %) une impolitesse au travail ou en avoir été témoins (99 %). Or, la recherche nous indique que les travailleurs à qui cela arrive souffrent personnellement et affichent un rendement moindre au travail. Mais cela touche aussi les témoins, qui peuvent avoir du mal à assimiler l’information et avoir une mémoire à court terme diminuée, ce qui tend à hypothéquer leurs aptitudes cognitives.

Il existe aussi un lien complexe entre l’impolitesse et le bien-être d’une personne. Songez à votre dernier accrochage avec quelqu’un dans un dossier, quand vous vous êtes senti traité cavalièrement, voire avec condescendance ou mépris. Songez à présent à ce que vous ressentez quand un juriste réputé pour son impolitesse fait apparaître son nom dans votre boîte de courriels. Avez-vous des palpitations? Devenez-vous soudainement tendu? Ressentez-vous une boule au ventre?

Ce sont là des réactions au stress. Quand nous percevons un agent stressant (l’arrivée d’un courriel que nous craignons de trouver blessant ou humiliant), notre corps met en branle un processus biochimique complexe qui nous prépare au combat ou à la fuite ou encore nous cloue sur place. Entre autres réactions, notre circulation sanguine accélère et notre corps met en veilleuse les systèmes moins essentiels, comme le système digestif.

En tant que juriste, fuir est impossible. Le courriel est là; il faut le lire et en subir les conséquences. Nous pouvons décider de rester coi pendant un certain temps, mais nous finissons par nous en remettre à notre instinct combatif.

Parfois, le courriel du juriste mal élevé n’est rien du tout — la confirmation d’une date ou une mise à jour factuelle. Du coup, vous commencez à vous détendre. Mais s’il ne faut que quelques fractions de seconde pour déclencher une réaction de stress, notre corps peut mettre jusqu’à une heure pour retourner à son état normal.

Lorsque le courriel s’avère aussi offensant que nous l’avions craint, les émotions prennent le dessus — nous ressentons colère et douleur et crions à l’injustice. Selon la chercheuse Christine Porath, il est difficile de venir à bout d’un sentiment d’injustice parce que nos souvenirs associés à des émotions fortes resurgissent plus facilement. Nous avons tendance à ressasser ces accrochages déplaisants, ce qui peut nous empêcher d’avancer et finit ainsi par nuire à notre développement cognitif.

Lorsque les impolitesses nous assaillent souvent, nous finissons par en pâtir. Nous le savons, cela peut être cause de dépression, d’anxiété, d’hostilité, d’insomnie et d’abus de substances. L’impolitesse nuit au bien-être de l’avocat.

Dans un récent article du Lawyers Daily, Ryan Wozniak, avocat ontarien, fait remarquer que les actions impolies présentent une composante active (la façon dont nous parlons aux autres et les traitons) et une composante passive (la façon dont nous interprétons les actions ou paroles d’autrui). Selon lui, lorsque nous essuyons un manque de savoir-vivre, nous devrions nous arrêter et réfléchir aux problèmes qui peuvent être à l’origine de cette attitude peu aimable, et faire un effort d’empathie avant de réagir (essayer de penser à ce que l’autre est peut-être en train de vivre).

Il énumère plusieurs comportements communs aux problèmes de santé mentale et aux comportements impolis : réactions émotives inappropriées, indifférence pour les sentiments et droits d’autrui, malentendus, impulsivité et froideur. Lorsqu’un juriste réagit de façon émotive ou impulsive, nous pouvons nous demander s’il n’a pas perdu son objectivité. Les juristes qui ne répondent pas du tout sont perçus comme des personnes peu coopératives, voire déficientes en gestion de leur pratique.

Ces comportements peuvent aussi être des signaux d’alarme indiquant que le juriste est aux prises avec des difficultés qui n’ont rien à voir avec votre dossier. En général, l’empathie n’est pas notre réaction naturelle quand nous recevons une communication peu courtoise (ou quand nous ne recevons rien du tout). Nous voulons montrer que nous sommes intelligents et brillants dans notre profession, et peut-être remettre le malotru à sa place de la façon la plus cinglante possible. Cela dit, réagir avec empathie permettrait-il d’obtenir de meilleurs résultats que de rendre au goujat la monnaie de sa pièce en lui décochant une réponse pleine de fiel?

La prochaine fois que vous recevrez un courriel d’un juriste réputé malpoli, prenez de grandes respirations et tâchez de savoir où sont vos sensations de stress. Faites un effort, restez calme et pensez à la plage ou au sentier pédestre que vous préférez, ou faites un exercice de relaxation par la respiration. Enfin, ouvrez le courriel quand vous vous sentez prêt et avez le contrôle de vos émotions.

Si le courriel est offensant, prenez note de vos émotions. Nommez-les sans les juger, puis essayez un simple exercice de ressourcement pour passer par-dessus. Balayez votre bureau du regard; nommez cinq objets que vous pouvez voir; quatre choses que vous pouvez toucher; trois choses que vous pouvez entendre; deux odeurs que vous pouvez sentir, et une chose que vous pouvez goûter.

Pour chaque sens, vous pouvez imaginer des choses absentes de votre environnement présent.

Lorsque vous nommez chaque chose et y attachez vos pensées, vous sollicitez vos sens et vous vous détachez de votre réaction émotive, ce qui vous aidera à réagir avec tact et objectivité.

Vous pouvez aussi songer à la situation du juriste malpoli. A-t-il affaire à un client aussi déraisonnable qu’ingérable? Son comportement pourrait-il s’expliquer par des ennuis de santé mentale ou un problème de dépendance?

En tâchant de vous mettre à la place de ce juriste, vous faites preuve d’empathie. Parfois, le simple fait de constater qu’une communication peu aimable reflète un problème chez l’autre et que cela n’a rien de personnel est suffisant pour que vous répondiez avec empathie plutôt qu’avec colère. Vous pouvez alors choisir de passer outre et de communiquer avec lui comme d’habitude.

Voir l’impolitesse comme un signal de détresse plutôt qu’un manque de savoir-vivre, c’est faire preuve de compassion, et cela apporte une touche d’humanité dans la pratique du droit; nous y gagnons tous à long terme. L’impolitesse est, et sera toujours, un élément indésirable de notre profession, mais avec de l’empathie, nous pouvons travailler à établir des relations professionnelles plus solides et constructives et renforcer les réserves d’énergie qui nous permettent de rebondir. Optez pour l’empathie. Elle vous rendra plus fort, et vous pourriez même vous lier d’amitié avec un avocat adverse.