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Le mentorat et la planification de la relève

Promouvoir une culture du mentorat, c’est préparer le terrain pour la prochaine génération d’associés.

L’importance du mentorat
L’importance du mentorat iStock

Tandis que la pandémie entre dans sa troisième année, plusieurs cabinets juridiques se soucient de leur relève. Or, développer une culture du mentorat en contexte de télétravail est un défi de taille pour de nombreux juristes chevronnés.

« Ces temps de COVID ont été difficiles, déclare Douglas E. Finkbeiner, c.r., associé chez Taylor McCaffrey LLP. Tant de gens ont travaillé à distance. »

Admis au barreau en 1975, Me Finkbeiner, basé à Winnipeg, a servi de mentor à de nombreux apprentis au cours de sa carrière. Mais la tâche était plus facile en personne, confie-t-il. 

« C’est tellement plus simple lorsque l’autre personne est en face de soi. Lors d’une conférence téléphonique, par exemple, elle peut écouter la manière dont vous traitez avec les autres juristes ou avec les clients. »

Et c’est aussi plus agréable et plus enrichissant pour les mentors de « réfléchir à voix haute en présence du jeune juriste sur la façon d’aborder un problème ».

Les juristes en début de carrière en temps de pandémie sont confrontés à des défis supplémentaires, fait valoir Me Finkbeiner. Il n’est pas rare que les juristes moins expérimentés s’interrogent sur la façon de remplir une mission et ressentent le besoin de demander conseil. « C’est si simple de passer au bureau d’un ou d’une jeune collègue et de demander : “As-tu déjà fait ce genre de chose?”, explique Me Finkbeiner. C’est une autre histoire que d’être seul, tapis dans sa tanière, en se disant : “Je ne sais pas comment faire, et je ne suis même pas sûr si je devrais consulter des collègues.” Les choses sont tout bonnement plus compliquées quand on travaille de la maison. »

Le cabinet McKercher LLP avait l’habitude d’organiser des apéros du vendredi et d’autres activités pour faire connaître les nouvelles recrues à leurs collègues, explique l’associée Caroline J. Smith, de Saskatoon. Mais la pandémie a tout fait cesser. 

De l’avis de Me Smith, qui travaille au bureau un à deux jours par semaine et à domicile le reste du temps, il est maintenant plus difficile d’apprendre à connaître les nouvelles recrues. 

« Vous les croisez dans le couloir sans les reconnaître, parce qu’ils portent un masque », dit-elle en riant. 

Pour faire connaissance avec les stagiaires de l’été 2021, Me Smith a adopté une nouvelle approche. 

« J’ai invité chacun de nos étudiants d’été à aller prendre au moins un café en tête à tête à l’extérieur afin que je puisse voir leur visage, leur parler, faire connaissance et développer une relation en vue d’une éventuelle collaboration, raconte-t-elle. À partir de là, ils avaient quelqu’un à qui parler au besoin. »

Me Smith a également revu le format de ses réunions virtuelles afin de prévoir du temps pour des discussions informelles et ainsi mieux connaître ses collègues. 

« Quand on ne se réunit pas en personne, on tient beaucoup moins de conversations anodines, affirme-t-elle. C’est pourquoi je réserve un moment au début de chaque réunion pour une discussion hors sujet. Quand je présidais une réunion d’un comité, je commençais par une question pour essayer de connaître un peu mieux les gens. Quelque chose comme “Si vous n’exerciez pas le droit, que feriez-vous?”, ou “Si vous aviez une heure de plus par jour, qu’en feriez-vous?” »

Quels que soient les défis, développer une culture du mentorat reste un élément essentiel de la planification de la relève dans un cabinet, conviennent Mes Finkbeiner et Smith.

« Le mentorat fait des juristes en début de carrière de meilleurs juristes, estime Me Finkbeiner. Ils sont beaucoup plus épanouis et détendus dans l’exercice du droit, et vous obtenez ainsi de meilleurs collègues avec qui travailler. Tout le monde y gagne. »

Spécialisé en droit commercial et en droit des sociétés, Me Finkbeiner confie avoir lui-même tiré profit du mentorat au début de sa carrière. 

« C’était il y a longtemps, mais je me souviens encore de m’être senti complètement démuni devant tant de choses, raconte-t-il. Heureusement, j’avais des supérieurs qui répondaient à mes questions, m’instruisaient et m’apprenaient à rédiger correctement. »

« Au début de ma carrière, j’ai profité de l’aide de mentors formidables », se rappelle également Me Smith, spécialisée dans les litiges commerciaux et les litiges en matière d’assurance. « Ils m’ont donné des conseils auxquels je pense encore aujourd’hui et que je mets en pratique tous les jours. » Pour elle, devenir mentor était une façon de donner aux suivants. Elle estimait qu’elle devait consacrer autant de temps et d’efforts que ses mentors à aider les plus jeunes à trouver leur voie dans la profession. « C’est, en toute franchise, l’aspect le plus gratifiant de mon travail : travailler avec ces jeunes juristes; les voir grandir et apprendre; les voir trouver quelque chose qui les intéresse, se l’approprier et aimer leur travail. »

Heather Gray-Grant, conseillère en stratégies commerciales à Vancouver, encourage les juristes plus âgés à réduire graduellement leur charge de travail en vue de leur départ et à utiliser le temps ainsi libéré pour encadrer leurs collègues plus jeunes.

En définitive, c’est tout le cabinet qui en profitera, affirme-t-elle. « Cela permet d’assurer une transition beaucoup plus douce pour les clients et de favoriser leur fidélité. »

C’est aussi une façon de mettre à profit l’expérience des juristes chevronnés. « Ils sont à une étape de leur vie où ils sont comme des sages; ce sont de véritables puits d’érudition, lance Mme Gray-Grant. Personne ne connaît mieux le droit que ceux qui l’exercent depuis plus de 30 ans. Ils connaissent les trois facettes de l’exercice du droit : la facette juridique, la facette commerciale et la facette client. » 

Trois facettes essentielles à la bonne gestion d’un cabinet et au développement d’une carrière enrichissante.