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Problèmes de dépendance : c’est aussi le problème de votre cabinet

Selon certains spécialistes, les gestionnaires de cabinets d’avocats, pour le bien de leur entreprise et de leurs employés, devraient bien se renseigner sur les problèmes qu’entraînent les dépendances.

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Elke Churchman est bien placée pour en parler.

Il y a plus de 20 ans, elle travaillait dans un grand cabinet d'avocats qui ne comprenait rien de ce que cela signifiait, affirme-t-elle.

Lorsque sa dépendance à l’alcool a commencé à affecter son rendement, son cabinet lui a donné deux options : partir ou être congédiée.

« Puisque je n’avais pas le choix, j’ai remis ma démission. Bien sûr, ils ont organisé une fête pour souligner mon départ. Une situation tout à fait surréaliste. »

Me Churchman a finalement reçu des services de counselling par le biais du Programme d’aide aux juristes de la Saskatchewan, Lawyers Concerned for Lawyers, puis a suivi un traitement. Elle est depuis membre d’Alcooliques anonymes.

« La route a été plus tortueuse pour moi parce que tous les gens qui travaillaient dans mon domaine ne comprenaient pas ce qu’était la dépendance à l’alcool », ajoute Me Churchman, maintenant avocate chez Churchman & Co. Law Office, un petit cabinet de Saskatoon.

Selon elle, l’éducation est essentielle pour traiter cette maladie en milieu de travail.

« Les cabinets de juristes doivent être mieux renseignés sur la toxicomanie et la nature des dépendances, puis aider les juristes aux prises avec une dépendance qui veulent s’en sortir. »

Est-ce que l’un de vos juristes a un problème de dépendance?

La toxicomanie est un problème très répandu chez les juristes, explique Doron Gold, psychothérapeute et ancien avocat praticien de Toronto qui a contribué à l’élaboration du cours en ligne de l’ABC sur la santé mentale et le bien-être dans la profession juridique.

S’il y a un problème, il finira par affecter le rendement de la personne, croit-il. Il est important d’établir le niveau de rendement de base des juristes et de l’utiliser pour évaluer leur comportement.

« Puisque vous valorisez chacun des employés de votre cabinet et que vous considérez qu’il s’agit de personnes talentueuses, vous avez une certaine idée du rendement qu’elles peuvent offrir lorsqu’elles sont au sommet de leur forme », déclare-t-il. « La meilleure façon d’évaluer si elles ont un problème consiste à observer si elles s’éloignent du rendement de base attendu. Par exemple, si elles ne respectent pas les délais, si elles sont absentes, si elles traitent les gens différemment ou si elles manquent des dates d’audience. »

Que faire si vous pensez que l’un de vos juristes lutte contre une dépendance

Idéalement, précise M. Gold, tout cabinet de juristes devrait approcher leurs employés avec l’optique de leur proposer des soins.

Cependant, il y va d’une mise en garde : « Un milieu de travail de compassion n’est pas un milieu de travail habilitant. Un milieu de travail habilitant est un endroit qui rend la vie des employés plus facile, qui regarde ailleurs et qui espère que tout se replace sans aide. »

Un milieu de travail de compassion impose aux juristes des normes en matière de rendement et de comportement, soutient-il. « Si une personne s’écarte de ces normes, les responsables ont le droit d’aborder le sujet et de fixer des limites par rapport à leur comportement et à leur rendement. »

Il est important de noter, toujours selon Doron Gold, que la toxicomanie est un problème de santé avec lequel il est possible de composer. « Vous ne pouvez pas dire à quelqu’un que vous êtes au courant de son problème de dépendance à la cocaïne, que cela est bien dommage, mais qu’il doit se remettre au travail. »

Me Churchman souligne que la dépendance est une maladie. « Vous devriez vous soumettre à un traitement de la même manière que vous le feriez si vous aviez une pneumonie, un cancer ou une autre maladie. »

Que faire si un juriste refuse de recevoir des traitements

M. Gold déclare que les gestionnaires du cabinet doivent se rendre compte qu’ils ne peuvent contraindre leurs employés de dévoiler des renseignements sur leur dépendance.

« Il relève toujours de l’individu de s’ouvrir et de divulguer les épreuves qu’il traverse. Peu de gens sont prêts à le faire, car ils ressentent beaucoup de honte et ont peur d’être rejetés », dit-il.

Dans cette situation, le cabinet doit clairement définir ses attentes en ce qui concerne les heures de facturation et la courtoisie entre collègues, ainsi que les conséquences à tout manquement à ces attentes.

Les gestionnaires doivent aussi être conscients du fait qu’ils ne peuvent pas obliger leurs employés à se soumettre à des traitements.

« Si une personne n’a pas l’impression d’avoir un problème et adopte une attitude de déni face à sa dépendance, elle ne va pas aller chercher de l’aide », explique M. Gold.

Toutefois, le simple fait de lui parler des préoccupations du cabinet à son égard peut l’aider à se rendre compte qu’elle a bel et bien besoin d’aide, ajoute-t-il.

« L’une des conséquences les plus convaincantes pour un juriste aux prises avec une dépendance est la crainte que son permis d’exercer ou son poste soit en danger. Les juristes travaillent fort pour se bâtir une réputation et avoir une carrière à laquelle ils accordent beaucoup d’importance. L’idée de tout perdre par suite de la consommation de substances occupe leurs pensées. »

M. Gold recommande également aux gestionnaires d’avoir recours au programme d’aide aux juristes de leur provincial. En Ontario, le programme d’aide aux membres du Barreau de l’Ontario offre gratuitement des services aux juristes, aux parajuristes et aux membres de leur famille.

« Demandez conseil à un professionnel, » dit-il, ajoutant que les gestionnaires du cabinet peuvent également orienter leurs employés vers le programme de leur province pour les aider à vaincre leur dépendance.

Comment composer avec la « culture de l’alcool »

Elke Churchman recommande aussi aux cabinets de juristes d’examiner la culture qui règne dans leur bureau.

« Il existe toujours une véritable culture de consommation d’alcool dans les cabinets », dit-elle. « C’est très dangereux, car même si l’hérédité joue un rôle important dans la dépendance, c’est aussi le cas de la disponibilité de l’alcool et de la pression de faire partie d’un groupe. »

Par exemple, selon ce qu’elle a vécu, il est socialement acceptable de boire de l’alcool lors d’événements qu’organisent des cabinets ou des clients.

« Certains stagiaires sont chargés d’aller acheter de l’alcool pour tout le cabinet le vendredi après-midi », cite-t-elle en exemple.

De plus, elle croit que les cabinets de juristes devraient tenter de ne pas stigmatiser la dépendance.

« Les cabinets devraient aider leurs juristes à prendre part à des réunions d’Alcooliques anonymes ou de Narcotiques anonymes, et veiller à ce qu’ils aient le temps de s’y rendre. Ils deviendront de meilleurs juristes, de meilleurs citoyens et de meilleures personnes », conclut-elle.