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Restructuration du milieu de travail

L’expérience, la flexibilité et la mobilité sont mises de l’avant dans les réaménagements de bureaux.

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Alors que des changements sans précédent continuent de modeler le marché juridique, plusieurs cabinets d’avocats ont réorganisé leur espace de travail, s’éloignant de plus en plus d’une structure hiérarchique au profit d’un milieu collaboratif.

La pression exercée sur les honoraires, combinée à des loyers et à des salaires en hausse, oblige les cabinets à améliorer leur efficacité opérationnelle, selon un audit récent des cabinets d’avocats nord-américains effectué par le bureau d’étude technique et esthétique international Gensler. D’après l’audit, les cabinets commencent à miser sur trois grandes tendances conceptuelles pour obtenir un avantage concurrentiel : des bureaux haute performance, des choix technohabilités et un sentiment d’appartenance. Ils créent de plus petits bureaux et jouent avec les meubles, l’ergonomie, la technologie et la transparence.

Qu’ils soient débutants ou chevronnés, les avocats ont un espace de travail de même taille, ce qui influe sur la superficie immobilière nécessaire, déclare Franca Rezza, associée principale et directrice de studio chez Gensler, à Toronto. Elle ajoute que les cabinets du Canada procèdent plus progressivement que ceux des États-Unis à l’uniformisation des espaces de travail. « Les cabinets peuvent économiser de 15 à 30 % sur leurs frais immobiliers en optant pour cette façon de faire. »

Mme Rezza affirme que les avocats de la génération Y représentent, dans une large mesure, les instaurateurs du changement. Ils veulent un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle et une meilleure qualité de vie, notamment pouvoir travailler de la maison une ou deux fois par semaine. Beaucoup de juristes nouvellement admis au barreau décident de ne pas pratiquer en cabinet; ils travaillent plutôt pour le service juridique d’une entreprise ou d’autres organisations, dont de grands cabinets comptables.

Les cabinets d’avocats ne se font pas concurrence pour le recrutement uniquement en fonction du salaire. « Les avocats choisissent un lieu de travail d’après l’expérience offerte, la flexibilité donnée et la qualité de vie », dit Mme Rezza. « Les cabinets doivent sortir des sentiers battus lorsqu’ils réfléchissent à la façon d’attirer et de retenir les meilleurs candidats, et tenir davantage compte de la promotion de la santé et du bien-être, des options alimentaires saines et d’un fort ensoleillement, entre autres choses. »

Les milléniaux aiment socialiser et avoir un sentiment d’appartenance au travail, mais dans les cabinets traditionnels, selon Mme Rezza, « il n’y avait pas de lieu de rassemblement et de socialisation. Les avocats allaient au bureau pour cumuler les heures facturables. » Elle dit que les cabinets sont de plus en plus « à la recherche d’un lieu de travail qui montre leur unicité en offrant une expérience mémorable, qui ne se contente pas de raconter l’histoire de la marque et de la culture d’entreprise, mais qui dynamise et inspire ses ressources humaines. C’est ce type de lieu de travail qui attire les candidats. »

Les enfants du millénaire veulent aussi pouvoir travailler ailleurs que dans un bureau fermé, donc la présence d’espaces de travail diversifiés dans un cabinet leur offre souplesse et choix. « On ne parle pas que de télétravail; on parle de travailler de n’importe où, même de son propre bureau. Il suffit d’avoir l’espace et l’intimité nécessaire, un accès à la technologie et un endroit pour tenir des réunions autrement que dans une salle de conférence traditionnelle ou un bureau » déclare Mme Rezza.

Autre grande tendance observée par Mme Rezza : une lente progression vers « l’implantation en espace décloisonné sans numéro », où les travailleurs n’ont aucun espace de travail qui leur est propre. Ce concept s’inspire de ce qui se fait dans les entreprises de technologie et que l’on voit maintenant ailleurs. Ce n’est pas quelque chose que les cabinets d’avocats auraient envisagé auparavant, mais certains aux États-Unis se sont jetés à l’eau, a-t-elle dit. « En Europe et au Moyen-Orient, les cabinets sont friands d’espaces de travail sans numéro. »

Plusieurs cabinets canadiens ont déjà réaménagé leurs locaux, notamment McCarthy Tétrault, à ses bureaux de Vancouver et de Québec. BLG, à Toronto, a déménagé plus de 700 personnes dans un nouveau bâtiment ayant des espaces de travail de surface identique, des cafés à chaque étage et des endroits où les clients peuvent tenir des événements.

Mike Walker, ancien associé directeur du bureau de Miller Thomson à Vancouver, a dit que le cabinet était déterminé à moderniser son approche de la profession juridique et que la conception des locaux de travail faisait partie de cette cure de rajeunissement. Il a déclaré qu’au lieu de penser vue et nombre d’avocats qui auraient leur propre bureau, le cabinet a décidé de miser sur la collaboration. Lorsque celui-ci a choisi de s’installer au quatrième étage de l’ancien grand magasin Eaton de 48 000 pieds carrés près de Robson Square, l’un des attraits était que tout le personnel partagerait un seul et même étage. Mais avec une telle superficie, il n’était pas question d’avoir de bureaux périphériques.

Miller Thomson a embauché le cabinet d’architectes australien BVN pour la conception de son nouveau bureau. Les premières semaines, les architectes ont discuté avec des membres du cabinet d’avocats de leur façon de travailler avec leurs collègues. « Ces discussions ont poussé certains des avocats de notre cabinet à se demander pourquoi ils travaillaient dans un bureau fermé », a déclaré Me Walker.

À l’instar de ce que font les urbanistes qui aménagent le territoire d’une ville, la maquette définitive des architectes divisait le plancher en ce que Me Walker qualifie de quartiers. « C’est comme s’ils avaient tracé des rues sur le sol, et que les bureaux, les salles de conférence et les autres pièces étaient des bâtiments aménagés sur ces rues. »

Au lieu de prévoir des endroits où s’approvisionner en eau et en café un peu partout, une seule cuisine a été aménagée pour encourager le personnel à se rassembler et à discuter. Le cabinet compte des bureaux fermés de 10 pieds carrés pour 35 avocats, et des bureaux à aires ouvertes pour les autres membres du personnel. Selon MWalker, les milléniaux du cabinet sont ravis du nouvel espace de travail, et les membres plus âgés « sont généralement très heureux du changement et n’avaient aucune idée de tout ce qu’il insufflerait de positif ».

Me Walker souligne que les avocats plus jeunes ont été habitués à travailler dans des milieux collaboratifs pendant leurs études. La génération Y recherche l’interaction, la collaboration et un « accès rapide à l’expertise et aux connaissances; c’est pourquoi elle aime ce type d’espace de travail – pour la proximité avec les avocats expérimentés », indique-t-il. Les architectes de BVN « avaient plusieurs choses à dire sur l’isolement et la collaboration, car l’interaction n’est pas toujours possible », aux dires de Me Walker. « Il faut des endroits où les gens peuvent être seuls. »

Les bureaux de Miller Thomson comptent une douzaine de salles de conférence et plusieurs autres petites pièces calmes pour le personnel en quête de concentration. Les étudiants qui visitent le cabinet et les stagiaires potentiels sont très impressionnés par la configuration.

Me Walker décrit les bureaux de Miller Thomson comme un espace de travail non traditionnel qui s’inspire de ce qui se fait dans les entreprises de technologie, avec une charpenterie légère, un plafond brut et une absence totale de marbre. Il suffit de jeter un regard au cabinet pour en respirer la quiétude. « Nous avons un espace de travail très serein », affirme-t-il. Les avocats ont accès à la technologie de partout, car les occupants des bureaux à aires ouvertes doivent pouvoir aller dans une pièce privée pour travailler en solitaire, participer à une conférence téléphonique ou rencontrer des collègues. « Nous ne sommes plus cantonnés à notre bureau », conclut Me Walker.