Conquérir votre auditoire
Raisons pour lesquelles la bonne vieille capacité à s’exprimer en public importe toujours.

Molly Bishop Shadel n’oubliera jamais sa première comparution devant un tribunal, ni l’aimable juge qui l’a empêchée de tourner au désastre.
Jeune juriste auprès du ministère de la Justice américain, elle ne pouvait trouver sa voix. « J’étais tellement impressionnée que, bien que sachant ce que je devais dire, j’en étais totalement incapable », se souvient-elle.
« Aucun son ne sortait. Mais le juge était compatissant. Voyant que j’étais terrifiée, il m’a dit : « Maître, respirez un bon coup. Pensez à ce que vous devez me dire et dites-le moi, tout simplement ».
C’est ce qu’elle a fait; apprenant par là même une leçon importante sur la façon de s’exprimer efficacement en public.
Me Shadel s’est posé la question suivante : « que doit savoir ce juge le plus simplement possible? ». Elle a retrouvé la parole et les mots lui sont venus.
« J’en ai tiré deux leçons », dit-elle. « Cela m’aide de prendre mon temps, de m’apprêter et de répéter un peu avant de faire un exposé important. Je respire un peu plus lentement, je parle à voix haute. Je dis quelques choses, je fais quelques exercices vocaux pour être fin prête. Puis, au lieu de penser à quel point j’ai peur d’intervenir, je pense à quel point c’est passionnant de le faire. Cet ajustement mental m’aide beaucoup. »
Professeure de plaidoirie à l’Université de West Virginia, Me Shadel a rédigé deux ouvrages sur l’art oratoire : Tongue-tied America: Reviving the Art of Verbal Persuasion et Finding your Voice in Law School. Elle est en outre une conférencière recherchée qui fait des exposés au sein de la profession juridique et pour d’autres organisations.
« Parler devant un public aide à polir vos compétences », dit-elle. « C’est aussi une façon de vous faire connaître. C’est le moyen de vous forger une réputation professionnelle qui fera que lorsqu’ils chercheront un juriste, c’est à vous que les gens s’adresseront. »
Elle est convaincue que l’art oratoire est encore plus important de nos jours, car trop nombreux sont les juristes qui se fient beaucoup trop aux blogues, aux courriels, aux interventions sur Twitter et autres médias sociaux.
« Être trop attaché aux médias sociaux et à la communication électronique peut être une véritable erreur », avertit-elle. « Si vous communiquez par les voies électroniques, vous ne vous exercez pas à communiquer en personne. Vous n’avez pas l’avantage de pouvoir lire les expressions corporelles de vos interlocuteurs. Vous perdez l’occasion de vous exercer afin de créer ce lien personnel. »
Être un bon orateur vous démarque du commun des mortels, dit-elle.
« Pour mes étudiantes et mes étudiants en droit, c’est l’aune à laquelle ils seront jugés. Les employeurs potentiels ne s’intéressent pas à ce que vous écrivez dans un blogue. Ils veulent savoir si vous pouvez vous exprimer correctement durant une entrevue. Vous devez savoir le faire, ne serait-ce que pour mettre toutes les chances de votre côté. »
Les juristes établis peuvent aussi tirer de précieux enseignements d’un passage derrière le podium. « La capacité de bien s’exprimer oralement est considérée comme gage d’intelligence. Si vous pouvez maîtriser cette compétence, elle vous enrichira. »
Cependant, entrer dans le cercle des conférenciers n’est pas chose facile. Me Shadell suggère de commencer par vous adresser à votre association du barreau locale.
« Elles organisent souvent des conférences. Si vous souhaitez être reconnu comme conférencier, sachez la date du prochain congrès, les thèmes présentés et trouvez-en un qui vous convienne. Informez ensuite les organisateurs que vous souhaitez être membre du groupe de discussion ou réaliser un exposé. Une fois que vous en aurez fait un ou deux, les gens voient ces programmes et le téléphone commence à sonner. »
Molly Bishop Shadel fera un exposé en juin lors d’une conférence sur l’art oratoire parrainée par l’Advocates’ Society et le Barreau du Haut-Canada.
Trouvez votre auditoire
- Renseignez-vous auprès de la bibliothèque locale, de la chambre de commerce, des associations profession- nelles, des ONG, pour voir s’ils ont un Bureau des conférenciers. Inscrivez-vous auprès de ceux-ci et donnez un aperçu de vos domaines de compétence.
- Trouvez un créneau. Si vous exercez en droit immobilier, proposez de prendre la parole lors d’une conférence des agents immobiliers d’une réunion annuelle des entrepreneurs ou auprès des associations professionnelles dans le domaine de la construction. Demandez quel est l’aspect du droit immobilier qui les intéresse le plus et adaptez votre allocution au sujet.
- Communiquez avec le barreau de votre province et proposez vos services de conférencier, de panéliste ou d’animateur de réunions, de conférences ou de déjeuners-causeries.
- Constituez pour votre cabinet un groupe de porte-parole auprès des médias. Informez les journalistes qu’en cas de nouvelle intéressante, un commentaire ou une interprétation juridique pourra être obtenu en communiquant avec vous ou l’un de vos collègues.
- Prenez la parole lors des conférences de presse. L’Association canadienne des journalistes organise une conférence annuelle qui attire des conférenciers s’exprimant notamment sur des sujets concernant le droit constitutionnel, les lois sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée. Spécifiez votre domaine d’expertise juridique et proposez vos services. Donnez votre avis sur les ramifications juridiques des sujets d’actualité.
- Exploitez les universités, les collèges ainsi que les cours de formation continue pour adultes qui recherchent fréquemment des conférenciers invités dans les domaines, notamment, du droit, de la médecine, des soins infirmiers, de la criminologie, du journalisme et des études sur le genre. Passez par le bureau du doyen ou de la doyenne, le service des communications ou le bureau des relations publiques.
Les conseils des experts
Juge Raymond E. Wyant,
Juge à la Cour provinciale,
Cour provinciale du Manitoba
« Parlez avec conviction, quel que soit le sujet. J’aime prendre la parole, sentir profondément mon discours et utiliser l’adrénaline et l’« énergie nerveuse » pour rester concentré. J’essaie d’établir un contact visuel avec le public et une connexion avec lui. Je n’ai pas recours aux outils d’aide tels que PowerPoint ou un discours déjà préparé. Je pense qu’ils nuisent à ma concentration sur le discours et à ma spontanéité. Je garde sur moi des morceaux de papier de « gribouillage » illisible, par prudence. Je sais comment entrer dans le vif du sujet, et comment terminer le discours. La partie du milieu est la plus intéressante! »


Susan Lightstone,
Directrice de l’éducation,
Institut national de la magistrature (Canada)
« Avant de monter sur scène, consacrez du temps à la préparation. Pratiquez votre discours, lisez-le à haute voix pour qu’il ne soit pas monotone, et respectez le temps imparti. Rien n’est pire qu’un discours qui s’éternise.»


Juge Jim Williams,
Cour suprême de la Nouvelle-Écosse,
Division de la famille
« Faites en sorte de très bien comprendre ce que l’on vous demande de faire, votre environnement et votre public : y a-t-il d’autres intervenants; existe-t-il une envie de créer une certaine controverse; est-il prévu une période réservée aux questions ou une autre forme de participation du public; y a-t-il des sensibilités particulières dont il faut tenir compte? Bien comprendre les attentes des organisateurs et la raison d’être du discours vous aidera au moment de décider s’il faut prononcer le discours, son contenu et comment le dire. »
À l’écoute des maîtres
10 astuces pour faire un exposé réussi
Vous pourriez commencer avec une blague pour détendre votre public. Vous pourriez imaginer votre auditoire en sous-vêtements pour vous détendre. Mais il y a de meilleurs moyens de garantir que votre exposé se déroulera sans heurts. Toastmasters International, une organisation pédagogique sans but lucratif qui aide à raffiner les compétences en art oratoire, offre ces 10 astuces.
1. Parlez de ce que vous connaissez
Choisissez un sujet qui vous intéresse et que vous maîtrisez. Utilisez de l’humour, des expériences personnelles et un langage ordinaire, comme cela vous risquez moins d’oublier ce que vous devez dire.
2. La répétition, encore et encore!
Répétez votre présentation de vive voix. Révisez en fonction des besoins. Efforcez-vous de contrôler l’emploi de mots tampons. Exercez-vous, faites une pause et respirez. Utilisez un minuteur pendant votre répétition et prévoyez du temps pour les imprévus.
3. Connaissez votre auditoire
Souhaitez la bienvenue à certains des membres de votre auditoire lorsqu’ils arrivent. Il est plus facile de s’adresser à un groupe d’amis qu’à des inconnus.
4. Connaissez la pièce
Arrivez en avance, arpentez l’endroit qui vous est réservé en tant que conférencier et exercez-vous à utiliser le microphone et les aides visuelles.
5. Détendez-vous
Commencez par vous adresser à l’auditoire. Cela gagne du temps et vous détend. Faites une pause, souriez et comptez jusqu’à trois avant de parler. (« Un un-mille, deux deux-mille, trois trois-mille. Pause. Début de l’exposé.) Transformez la nervosité en enthousiasme.
6. Imaginez-vous en train de parler
Imaginez-vous en train de parler, votre voix est forte, claire et confiante. Imaginez les applaudissements de l’auditoire. Cela améliorera votre confiance en vous.
7. Réalisez que les gens souhaitent votre réussite
Les auditoires veulent que vous soyez intéressant, stimulant, informateur et divertissant. Ils souhaitent que vous y parveniez.
8. Ne présentez pas d’excuses
Pour votre nervosité ou quelque problème que ce soit, votre auditoire ne s’en est probablement pas rendu compte.
9. C’est le message qui importe, pas le messager
Centrez votre attention sur le message et sur votre audience, oubliez vos propres préoccupations.
10. Gagnez de l’expérience
Votre exposé devrait principalement vous représenter, en tant qu’autorité en la matière et en tant que personne. L’expérience est la clé de la confiance qui est elle-même la clé d’une expression orale efficace. Un club Toastmasters peut vous permettre d’obtenir l’expérience dont vous avez besoin sans prendre de risques et dans un milieu amical.