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D’une carrière juridique à une autre

La profession juridique a toujours offert diverses possibilités en matière de carrière. Seulement, les juristes d’aujourd’hui ont beaucoup plus de liberté pour faire ce qu’ils veulent vraiment.

Fondatrice et PDG de Mante Molepo Consulting
Fondatrice et PDG de Mante Molepo Consulting

Randi Bean a su très tôt qu’elle devait changer de carrière et tracer son chemin vers une carrière non conventionnelle. Une fois admise au barreau, en 1996, elle a commencé à travailler dans un petit cabinet spécialisé en droit criminel. Bien qu’elle ne se plût pas dans cet emploi, elle n’avait pas accès aux ressources nécessaires pour l’aider à en trouver un autre.

« C’était une idée nouvelle à l’époque, explique Me Bean. Les carrières non conventionnelles ont toujours existé, mais ce n’était pas la prochaine étape logique après la pratique privée. J’ai voulu aider les autres à se trouver une nouvelle carrière. »

Sa curiosité et son enthousiasme à découvrir les autres débouchés que son diplôme en droit lui présentait l’ont amenée à occuper un poste de gestionnaire de contrats dans une grande entreprise manufacturière. Elle est ensuite passée à un poste de recruteuse au sein d’une société-conseil en ressources humaines, avant de lancer sa propre entreprise de recrutement en 2003, Life After Law.

Ce qui était autrefois considéré comme « non conventionnel » – aller travailler en entreprise ou sortir complètement du domaine du droit – n’est plus inhabituel. Les juristes ont beaucoup plus de liberté qu’avant dans leur cheminement de carrière – même au sein des cabinets juridiques. 

« Les employeurs potentiels connaissent la valeur des juristes, soutient la juriste. L’idée que les juristes puissent occuper des rôles diversifiés est mieux acceptée aujourd’hui qu’avant. »

Les raisons qui poussent des juristes à emprunter des voies différentes et originales sont nombreuses. Certains constatent au début de leur carrière que l’exercice traditionnel du droit ne leur convient pas. D’autres s’inscrivent à la faculté de droit sans véritable intention de faire carrière en pratique privée. Puis, il y a ceux qui ont entrepris une carrière « traditionnelle » au sein d’un grand cabinet, pour découvrir plus tard qu’ils avaient besoin d’un travail mieux adapté à leur mode de vie. Certains cabinets ont essayé d’accommoder ces personnes en leur proposant une voie différente de celle qui mène au rôle traditionnel d’associé. Il y a des personnes qui convoitent le rôle de juriste sans s’attendre à devoir faire de la prospection de clientèle.

« Certains grands cabinets se sont adaptés aux nouvelles habitudes de vie, par exemple en réduisant les heures de travail, convient Me Bean. Mais ce n’est pas suffisant pour tout le monde. »

Il y a aussi des juristes qui ont exercé le droit pendant 15 ou 20 ans et qui souhaitent passer à autre chose qui soit complètement différent. Pour eux, l’étape suivante consiste souvent à occuper un poste de conseiller juridique d’entreprise, mais il existe d’autres façons de se renouveler. « Un spécialiste en brevets, par exemple, pourrait passer à la gestion de la propriété intellectuelle dans une société pharmaceutique, illustre la recruteuse. Ou une spécialiste du droit du travail pourrait briguer un poste de gestion en ressources humaines. Ce serait une progression naturelle, dans le monde des affaires, il y a des possibilités. »

Mante Molepo n’aurait jamais imaginé faire un détour dans sa carrière juridique. En grandissant, elle savait ce qu’elle voulait être : avocate spécialisée en droits de la personne. Son père parlait beaucoup de Nelson Mandela à la maison, en Afrique du Sud. Après l’exil du père pour avoir dénoncé l’apartheid, la famille de Me Molepo s’est installée au Canada.

« Je me suis engagée dans la défense des droits de la personne et le travail de représentation, raconte l’avocate. J’ai été inspirée par mon père, qui a consacré sa vie à lutter contre l’injustice et à promouvoir les droits des femmes. Mon père est le premier féministe que j’aie connu. »

Pendant ses études en droit, Me Molepo a donc décidé de sortir des sentiers battus et de faire ses stages dans l’administration fédérale plutôt qu’en pratique privée. Une partie de son année de stage en 2007 s’est déroulée au Bureau de la concurrence du Canada et à l’Organisation mondiale du commerce.

Me Molepo s’est finalement retrouvée à Affaires mondiales Canada, où elle a exercé le droit commercial international. Mais en 2014, elle a commencé à sentir que son travail entrait en conflit avec sa vie de famille.

« J’avais une jeune famille. Il y a eu ces petits incidents où j’ai postulé pour des promotions que je n’ai pas obtenues, et il y avait des tiraillements entre ma vie de famille et le travail. »

Au même moment, ses enfants ont commencé à être victimes de racisme anti-Noirs à l’école. L’avocate s’est confiée à ce sujet à une ancienne camarade de la faculté de droit, Julia Nicol. Alors qu’elles faisaient une longue promenade après le travail, elles décidèrent toutes les deux qu’il était temps d’agir. En 2016, avec d’autres parents, elles ont fondé Parents for Diversity (Parents pour la diversité), un OBNL voué à la promotion d’une éducation équitable et inclusive pour tous les élèves.

« Ma fille ne se reconnaissait pas parmi ses camarades d’école, et elle s’en ressentait, Me Molepo. Les parents ne savaient pas comment s’orienter dans le système d’éducation. Parents for Diversity travaille avec les parents et les conseils scolaires pour éliminer les obstacles systémiques auxquels les élèves sont confrontés. »

En 2019, Me Molepo a pris un congé pour travailler comme conseillère en équité et en diversité pour le Commission scolaire catholique d’Ottawa. Elle est ensuite devenue conseillère à temps plein et, en janvier 2020, a lancé Mante Molepo Consulting, où elle travaille avec des conseils d’administration et des cadres supérieurs sur des initiatives de diversité et d’inclusion. Récemment, elle a été nommée « innovatrice en résidence » pour l’année 2022-2023 à l’Association du Barreau de l’Ontario, où elle dirigera le nouveau programme d’accélération de carrière pour les juristes autochtones et racialisés.

« Comme je ne voulais exercer que le droit commercial international, je croyais que je passerais toute ma carrière dans la fonction publique, explique-t-elle. Mais mon travail avec Parents for Diversity m’a ouvert de nouvelles perspectives qui ont modifié ma trajectoire professionnelle. »

Ce n’est un secret pour personne que la pandémie a conduit de nombreuses personnes à reconsidérer leur travail ces deux dernières années, ce qui a entraîné des changements majeurs sur le marché du travail. Aux États-Unis, la « Grande Démission » a vu des millions d’Américains quitter leur emploi.

« Au cours de mes 23 années d’expérience dans le recrutement, je n’ai jamais été témoin d’un marché des candidats aussi solide », déclare Me Bean, qui croit que le balancier finira par revenir vers les employeurs.

Cependant, si vous souhaitez changer d’emploi, les conditions sont encore favorables.

« Il faut d’abord connaître sa valeur, et déterminer ce qu’on veut et ce qu’il nous faut, lance la spécialiste. Je recommande fortement de travailler avec un recruteur. C’est un monde compliqué. La nature des rôles et de la rémunération peut varier considérablement. Les candidats doivent savoir ce qui est important pour eux et ce que ça implique pour leur développement professionnel. »

Il faut aussi tenir compte des délais d’exécution rapides. Dans ce marché du travail concurrentiel, les candidats et les employeurs constatent que le cycle de recrutement est plus rapide qu’à l’habitude. Les traditionnelles rondes de trois entretiens peuvent être remplacées par une seule rencontre avec plusieurs cadres supérieurs. « Le processus se déroule parfois plus vite que ce que les candidats avaient prévu », explique Me Bean.

Mais la chose la plus importante dont vous aurez besoin dans votre recherche est de savoir qui vous êtes et de vous ouvrir à la nouveauté. Me Molepo savait qu’elle voulait travailler dans le domaine des droits de la personne, que ce soit comme avocate ou non.

« La décision de ne plus exercer le droit est un défi pour de nombreuses personnes, et ça a été le cas pour moi, confie-t-elle. Mais les compétences que j’ai développées en tant qu’avocate continuent de me servir aujourd’hui. »