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La formation juridique permanente bien pensée

Les avocats devraient la considérer non pas comme une obligation, mais comme une occasion à saisir.

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Photo by Clay Banks on Unsplash

Au Canada, les avocats doivent tous suivre des activités de formation juridique permanente, la plupart des barreaux en exigeant un certain nombre d’heures par année. Mais de nombreux avocats n’utilisent pas au mieux cette formation obligatoire, selon le juriste Jordan Furlong.

Me Furlong, consultant et analyste juridique d’Ottawa, affirme qu’il y a deux façons pour les avocats de voir les choses dans ce domaine.

« La première, c’est de considérer cette obligation comme une tâche administrative ou une case à cocher », dit-il. « Vous vous inscrivez à une formation ou vous téléchargez une conférence, et vous la faites jouer sur votre ordinateur pendant le déjeuner, pendant que vous jouez aussi à Wordle ou à un autre jeu. Mais essentiellement, vous considérez qu’il s’agit de quelque chose qui doit bien être fait, mais qui ne vous procurera aucun avantage particulier. »

Mais Me Furlong dit qu’il y a une autre façon d’envisager la formation permanente.

« L’autre façon d’aborder la question, qui est bien meilleure, c’est de voir cette formation comme une occasion à saisir. Vous pouvez en profiter pour vous recentrer sur le travail que vous faites ou vous concentrer sur les compétences que vous essayez d’acquérir. »

Ces compétences peuvent comprendre des connaissances juridiques, comme la jurisprudence, voire des compétences en affaires et en réseautage.

« Pour ce faire, l’avocat doit s’arrêter et se demander : “Quels sont mes objectifs d’ici un an? Qu’est-ce que je veux avoir accompli en tant qu’avocat, professionnel, personne d’affaires, entrepreneur?” Élaborez ce plan et dressez-en un tableau bien clair, et ensuite vous pourrez déterminer la formation et le perfectionnement des compétences qu’il vous faut. »

Les avocats devraient essayer de voir la formation juridique comme une occasion à saisir plutôt qu’une corvée obligée, recommande Me Furlong.

« Si vous vous sentez obligé de le faire, vous ferez juste ce qu’il faut pour en finir avec tout cela, mais je doute sérieusement que vous appreniez grand-chose et vous n’en retirerez pas autant que les autres avocats de votre milieu qui y voient une occasion de s’améliorer, de devenir plus concurrentiels, plus efficaces, plus rentables, plus satisfaits, au fond, d’atteindre leur objectif. »

Linda W. Russell, cheffe de la direction de la Continuing Legal Education Society of British Columbia (CLEBC), convient que les avocats doivent tenir compte de leurs propres objectifs d’apprentissage.

« Je pense qu’il est vraiment important pour les avocats d’élaborer leur propre plan, qui devrait idéalement être pluriannuel », dit-elle. « Ils doivent s’auto-évaluer, c’est-à-dire voir où ils en sont dans leur carrière, où ils en sont dans ce qu’ils veulent apprendre, et créer leur propre plan. »

Selon Mme Russell, bien que le droit substantiel et la procédure soient importants, les avocats devraient également envisager d’acquérir des compétences qui peuvent les aider à améliorer leur pratique, comme l’éthique, les compétences culturelles, la gestion de la pratique et la pratique qui tient compte des traumatismes.

« La maîtrise de ces sujets vous aidera à devenir un avocat plus complet et à mieux résoudre les problèmes de votre client », poursuit-elle.

Un domaine où Mme Russell a constaté une hausse de la demande : le bien-être.

« L’une des choses que nous avons constatées, particulièrement au cours des deux dernières années, c’est l’importance du bien-être dans la pratique du droit. C’était déjà difficile avant la pandémie, et les taux d’alcoolisme et de toxicomanie chez les avocats sont étonnamment élevés. »

Les avocats ne peuvent pas être performants dans leur profession s’ils ne se sentent pas bien, dit Mme Russell.

« De plus en plus, on considère le bien-être comme une compétence de base, ce qui est formidable. C’est quelque chose dont les avocats ont vraiment besoin pour bien représenter leurs clients. Difficile de pratiquer le droit convenablement si vous êtes vous-même à la peine, et nous avons donc prévu toute une gamme de cours dans ce domaine. »

Mme Russell recommande également aux avocats de tenir compte de leurs propres styles et préférences d’apprentissage lorsqu’ils élaborent leur plan de formation.

La CLEBC, un prestataire de formation juridique, s’efforce d’intégrer différents styles d’apprentissage dans ses cours, dit-elle.

« Dans les cours, nous tâchons d’intégrer différentes activités d’apprentissage qui correspondent à ces différents styles. Les deux dernières années ont été particulièrement difficiles parce que tout était fait en ligne. Nous avons intégré beaucoup plus d’exercices interactifs dans les appels Zoom, simplement pour faire participer les gens. »

D'où l'importance, selon Me Furlong, d'aller chercher des occasions d’acquérir les compétences de la manière qui leur convient le mieux.« Tout le monde a sa façon de s’approprier et d’assimiler l’information », dit-il. « Certaines personnes apprennent sur le tas. Pour d’autres, cela se passe lors de discussions avec autrui ou au contact de leurs pairs. »

Me Furlong croit que la méthode traditionnelle, les cours magistraux, n’est pas la meilleure façon d’apprendre pour la majorité des avocats, même si « c’est ce que nous faisons par automatisme depuis des dizaines d’années ».

« Je pense qu’il est difficile de rester assis pendant une heure et de capter l’information que quelqu’un ânonne en avant de la classe pour ensuite l’utiliser afin de devenir plus efficace dans ce qu’on fait. Je souhaite vraiment que la profession dans son ensemble adopte l’idée que l’apprentissage par l’expérience, l’apprentissage avec ou par les pairs, c’est mieux que de simplement s’asseoir et d’être un absorbeur passif lors d’une conférence. »

Mme Russell, pour sa part, affirme que l’un des objectifs de la CLEBC est de rendre ses cours amusants et intéressants.

« Nous savons que lorsque nous avons des avocats en ligne, ils gardent probablement un œil sur leurs courriels sur un autre écran. Il faut que nous les fassions revenir à nos moutons, pour ainsi dire. »

À l’avenir, Mme Russell dit qu’elle s’attend à ce que les cours soient offerts en ligne et en personne.

« Je pense qu’il y a un désir – je l’ai entendu de la part de notre conseil d’administration et de nos clients – de poursuivre cet apprentissage en ligne, en partie du moins. Les choses ne vont pas revenir à ce qu’elles étaient avant. Nous vivons dans un monde qui change, et il va continuer à changer. Nous n’allons donc pas tous nécessairement retourner travailler au bureau comme avant; la main-d’œuvre, comme l’environnement de travail d’ailleurs, est désormais beaucoup plus hybride. »