Passer au contenu

Être stratégique : ce que cela signifie et comment y parvenir

Au fond, être stratégique c’est se demander ce que vous pouvez proposer au client ce que personne d’autre ne lui propose, et identifier en quoi votre boîte est unique.

Mara Lederman

Le mot « stratégique » fait partie de ces termes dont la signification est la plus distordue dans le monde des affaires. Qui, de nos jours, ne s’efforce pas d’être « stratégique »? Avez-vous entendu parler de « service de la gestion non stratégique »?

C’est Mara Lederman qui fait cette observation. Elle est professeure agrégée de gestion stratégique à la Rotman School de l’Université de Toronto et formatrice dans le cadre du programme de leadership en entreprise pour les juristes d’entreprise proposé par l’ACCJE.

S’adressant au public de la conférence annuelle de l’ACCJE en avril, elle lui a demandé de réfléchir à ce que nous voulons dire lorsque nous affirmons que quelque chose est stratégique. Elle a ensuite proposé et rejeté un certain nombre de réponses toutes faites. Ce qui est stratégique n’est pas nécessairement important, et cela ne signifie pas non plus que c’est rentable. Être stratégique n’a rien à voir non plus avec le fait de surpasser la concurrence.

Mme Lederman cite Michael Porter, de la Harvard Business School, qui dit qu’un bon plan stratégique est « la création d’une précieuse position unique en son genre qui comporte différents ensembles d’activités ».

Ce qui importe, c’est le concept « unique en son genre ».

Le secret de la pensée stratégique au sujet de votre entreprise, c’est le choix de faire les choses autrement, ou de faire des choses différentes par comparaison avec vos concurrents. Elle illustre son propos avec l’exemple de Walmart et de Target aux États-Unis. Les deux visent essentiellement le même groupe de consommateurs dans la même catégorie de prix. Cependant, il ne fait aucun doute que ces deux chaînes de magasins sont différentes et offrent des produits uniques en leur genre. Walmart est intégré avec McDonald’s pour la restauration. Target a choisi Starbucks. Cela, en soi, constitue un choix stratégique qui « parle » aux clients en puissance. Choisir la différence et exceller dans sa gestion, c’est le secret de la réussite de ces deux grandes chaînes de magasins, et de leur efficace concurrence.

Selon Mme Lederman, la stratégie repose sur trois idées fondamentales :

  1. le positionnement, soit le domaine de la concurrence,
  2. le choix, soit ce que vous décidez de faire, et surtout, ce que vous décidez de ne pas faire,
  3. l’unicité, soit la question de savoir si l’on s’apercevrait de votre disparition, et si vos services seraient difficiles à remplacer, le cas échéant.

Alors qu’il s’agit d’un principe général pour faire prospérer son entreprise, il n’a pas le même caractère d’évidence en ce qui a trait aux cabinets juridiques ou aux contentieux, à moins d’exercer dans un domaine très spécialisé. Le droit, c’est le droit et si c’est votre domaine, c’est votre domaine.

Cependant, c’est ce à quoi vous devriez réfléchir si vous souhaitez qu’un client s’arrête à votre porte plutôt qu’à celle de votre concurrent. Que pouvez-vous lui proposer que personne d’autre ne propose? En quel sens votre cabinet est-il unique en son genre, et comment le présentez-vous aux clients pour lesquels vous constituez le meilleur choix?

La stratégie exige de vous que vous choisissiez de faire quelque chose, et de le faire parfaitement, et de ne pas faire ce que vous ne pouvez pas bien faire, dit Mme Lederman, qui illustre son propos avec l’exemple de l’échec retentissant de Lego lorsque l’entreprise a tenté de se fonder sur sa fabrication de briques en plastique très prospère pour ouvrir un parc d’attractions.

« L’essence de la stratégie, c’est de se différencier », affirme Mme Lederman qui ajoute cependant cette mise en garde : « Les sociétés ont souvent tendance à surévaluer leur degré d’unicité ».

Selon l’une des règles de base, rien de ce qui se trouve dans votre plan stratégique qui pourrait s’appliquer à toute entreprise ne devrait y figurer. Ce n’est votre stratégie que si elle ne s’applique qu’à vous, si vous avez choisi de vous démarquer de vos concurrents d’une certaine façon en refusant de sauter du haut de la falaise alors que tous les autres dans votre secteur le faisaient.

Si votre cabinet n’a pas de plan stratégique, il n’est pas le seul, et de loin : moins de 5 % des cabinets américains en ont un, selon un article paru en 2018 dans Legal Fuel (disponible uniquement en anglais).

Selon l’article, un plan stratégique devrait énoncer les objectifs du cabinet et ses moyens d’y parvenir dans les cinq ans. « Il devrait notamment indiquer quelle sera la taille du cabinet, où ses bureaux seront implantés, dans quels principaux domaines du droit il proposera des services et quelle sera l’allure de sa clientèle », dit l’article.

Les discussions menant au processus de planification devraient inclure des décisions sur les domaines de concurrence du cabinet et la valeur qu’il propose. Il s’agit là de ses principaux actifs stratégiques et des choix qui le démarquent, affirme Mara Lederman.

Ci-dessous sont énumérées certaines des questions que les dirigeants devraient se poser.

  • Notre stratégie formule-t-elle les domaines et modalités de la concurrence?
  • Notre stratégie indique-t-elle clairement ce qui fait que nous sommes uniques en notre genre?
  • Pourquoi notre stratégie est-elle inapplicable à nos concurrents?
  • Notre stratégie guide-t-elle les décisions à un niveau inférieur?
  • Quelles sont les mesures que nous ne prendrions pas si nous nous en tenions à notre stratégie?
  • Notre stratégie est-elle cohérente du point de vue logique?
  • Comment allons-nous mesurer notre succès?

Ci-dessous sont énumérés certains des éléments fondamentaux qui sous-tendent une planification réussie, présentés dans l’article paru dans Legal Fuel.

  • Établissez un sentiment d’urgence : les juristes doivent penser que la survie du cabinet dépend d’une orientation stratégique.
  • Faites en sorte que les cadres supérieurs du cabinet s’engagent : sans l’appui des dirigeants, tout effort est « voué à l’échec ».
  • Amenez tous les associés à participer au processus : faire en sorte qu’ils se sentent impliqués augmente les chances de succès.
  • La simplicité est essentielle : axez vos efforts sur les projets les plus importants, vous pourrez toujours faire des ajouts ultérieurement.
  • Concevez un plan « vivant » : il devrait être souple et dynamique et être fondé sur des principes qui peuvent être incorporés dans le quotidien du cabinet. Passez-le en revue et mettez-le à jour fréquemment.
  • Mesurez et récompensez les comportements souhaités : les comportements ne changent pas sans incitations.

Concrétisez : la mise en œuvre doit être une priorité quasi absolue.