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Concevoir une stratégie d’innovation efficace

La présidente du comité Avenirs en droit, Martine Boucher, coanimera ce mois-ci un atelier de conception créative à l’intention des juristes à Calgary. Elle a parlé à ABC National de l’importance pour les avocats d’apprendre à ne plus s’en faire et à aimer la collaboration.

Martine Boucher, Simplex Legal, Calgary
Martine Boucher, Simplex Legal, Calgary

Dans le cadre d’une série de forums qui auront lieu partout au Canada au cours des six prochains mois, l’ABC et la Faculté de droit de l’Université de Calgary tiendront un premier atelier (uniquement en anglais) sur l’élaboration et l’application de solutions conceptuelles collaboratives à des problèmes courants dans le secteur juridique. C’est ADB Insights qui donnera l’atelier du 25 septembre à Calgary; il y en aura aussi un à Toronto (novembre 2019) et à Vancouver (janvier 2020). ABC National s’est entretenu avec Martine Boucher, présidente du comité Avenirs en droit de l’ABC, pour savoir pourquoi les juristes trouvent si difficile de mettre en branle des projets d’innovation.

ABC National : Ce forum sur l’innovation dans le secteur juridique canadien a lieu à un moment où l’on constate une certaine frustration devant la difficulté qu’ont les cabinets d’avocats à innover concrètement. Comment expliquez-vous ce phénomène?

Martine Boucher : C’est ce que j’appelle le syndrome de l’expert. Nous sommes habitués à être les experts dans la salle, à apporter notre expertise. Or, l’innovation ne tient pas qu’à l’expertise; c’est aussi une question de collaboration. Et dans notre secteur, nous n’avons pas appris à miser là-dessus. Pour embrasser l’innovation, il nous faut vraiment découvrir de nouveaux outils et de nouvelles façons de faire.

N: Avez-vous déjà été réticente à accepter les conseils d’autres experts?

M.B. : Oui, il m’est déjà arrivé de penser que je pouvais tout faire moi-même. Comme toute bonne experte, quand je vois un problème, j’ai tendance à penser tout de suite à la solution. Le problème, c’est que mes idées brillantes n’aboutissent pas toujours à quelque chose. Il n’y a pas de suivi, parce que je ne prends pas le temps d’engager un dialogue, de mobiliser les bons intervenants. Et pour innover, il faut être conscient qu’en procédant de cette manière, on arrive à une solution bien mieux adaptée – et appliquée – par les parties concernées. J’ai moi-même fait preuve du perfectionnisme qui est typique de notre secteur. Il ne suffit pas de régler le problème : on veut trouver la meilleure solution possible. Et la perfection étant hors de portée, le processus devient interminable. On doit donc y aller pas à pas. Bref, ce perfectionnisme a probablement été pour moi le plus gros obstacle à surmonter.

N: Alors comment convaincre les perfectionnistes d’adopter une démarche comme la conception créative?

M.B. : Il faut leur faire comprendre que s’ils visent la perfection dès le départ, ils ne mèneront probablement jamais le projet à terme. La conception créative, en fait, repose sur l’empathie. C’est se mettre à la place des personnes qui emploieront la solution. Le perfectionnisme est alors un obstacle: on veut concevoir la meilleure solution pour tout le monde, on veut tout faire, et les projets deviennent des montagnes au sommet inatteignable. Alors que si l’on y va pas à pas, la solution ne sera peut-être pas parfaite, mais on pourrait atteindre d’abord 80 % de l’objectif. Ajoutons-y ensuite un autre 80 %, et encore un autre… Et bien vite, on frôle la perfection. Ce n’est qu’une question de temps. 

N: Et que demandez-vous aux gens qui participeront au forum?

M.B. : Arrivez avec l’esprit ouvert, amusez-vous et donnez une vraie chance à la collaboration. Surtout si vous exercez seul ou dans un petit cabinet, cet événement est un incontournable. On vit à une époque formidable où les technologies ouvrent la porte à l’évolutivité qui était autrefois l’apanage des grosses pointures. Pour s’épanouir dans la profession – et dans la vie! –, il faut simplement profiter de l’instant présent et établir un cadre où concrétiser nos idées et tirer le maximum des possibilités. Nous travaillons avec une excellente animatrice qui a dirigé d’innombrables séances de conception créative dans des conditions très difficiles. Au bout du compte, c’est l’occasion de goûter à l’innovation dans un milieu sans risque. Tout le monde se trouve dans le même bateau, alors ne vous laissez pas intimider : commencez par essayer, et venez apprendre quelque chose qui changera votre façon d’aborder certains des plus gros problèmes qui vous attendent. Dites-vous qu’il s’agit d’une mission d’exploration. Et ce qui est bien avec un atelier du genre, c’est qu’on y crée un réseau de gens aux idées similaires à qui s’adresser plus tard pour déterminer comment faire avancer un projet.