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Une vie hors norme

Comment Angela Ogang est passée de personne déplacée à avocate canadienne prospère

Angela Ogang
Photo soumise

Le logo du cabinet d’Angela Ogang, AngeLAW, est un acte conscient d’autoprotection.

L’avocate exerçant seule au centre-ville de Toronto dit que « la discrimination est réelle » et ne veut pas que son nom de famille dissuade d’éventuels clients.

Le logo reflète également son parcours de découverte de soi. Pendant longtemps, Me Ogang, qui agit à titre d’agente de communication pour le Forum des avocates de l’ABC, a essayé de s’adapter à des normes définies par d’autres. C’est pourquoi elle a laissé un petit espace ouvert dans le rectangle qui encadre le nom de son cabinet. Cet espace reflète la mesure dans laquelle elle brille davantage quand elle se laisse un peu d’espace à l’écart des normes établies.

Les gens qui ont entendu l’histoire d’Angela Ogang dans la minisérie spéciale de balados soulignant le 30e anniversaire du rapport « Les assises de la réforme : égalité, diversité et responsabilité » de l’ABC seraient probablement d’accord.

Elle est une de quatre filles d’une famille ayant déménagé plusieurs fois pour trouver un endroit où elles se sentiraient toutes en sécurité. Ses parents ont fui l’instabilité politique de l’Ouganda dans les années 1970 et se sont rencontrés au Kenya des années plus tard. Son père était militant et sa mère étudiait. Comme beaucoup de migrants fuyant vers le Kenya, ils étaient tous deux exilés.

Angela Ogang est née en Côte d’Ivoire, et c’est là qu’elle se rappelle s’être sentie le plus chez elle. Elle a également passé deux ans au Burundi avant que l’instabilité civile ne pousse sa famille à partir. Finalement, ils se sont de nouveau installés au Kenya. Après chaque déplacement, Angela Ogang ressentait la douleur de laisser ses amis et son identité derrière elle.

Conséquence des forces extérieures qui exerçaient une influence sur sa vie, y compris la guerre civile au Rwanda, elle aspirait à trouver la stabilité. Elle l’a trouvé grâce à la persévérance et à l’insistance dont ont fait preuve ses parents pour que leurs filles soient bien éduquées et aient eu l’occasion de beaucoup voyager. Son père, devenu diplomate, leur a permis de passer du temps dans de nombreux pays et d’apprendre à apprécier différentes cultures. Me Ogang a également compris que les frontières représentent l’accès, mais aussi les limites.

À l’âge de onze ans, elle a commencé à fréquenter un pensionnat dans les Alpes françaises. Son visa d’étudiante lui a permis d’explorer une Europe nouvellement intégrée et elle a compris combien le monde serait meilleur si chacun pouvait voyager librement sans frontières dans un échange ouvert de culture et de connaissances.

Ce n’est que lors de ses dernières années à l’université qu’elle a compris les limites de sa liberté.

« Même si je constatais de nombreux changements positifs en Europe, je pouvais aussi voir la porte se refermer devant moi parce que je n’étais pas Européenne », dit-elle.

La perte de sa capacité à voyager en raison de l’expiration de son visa d’étudiante a ajouté à son sens déjà accru de la justice, acquis tout au long d’une enfance marquée par les déplacements.

Cela a aussi consolidé son intérêt pour le droit de l’immigration.

Me Ogang a obtenu un diplôme d’études juridiques françaises, un baccalauréat en droit du droit anglais et en droit du droit français, une maîtrise en droit des sociétés et en droit commercial, et un certificat en droit anglais de la London School of Economics.

Son éducation ne l’a jamais protégée du racisme auquel elle était confrontée en tant que femme africaine vivant en Europe. Elle s’est vite rendu compte à quel point il serait difficile d’y commencer sa carrière juridique.

Ses sœurs avaient déménagé au Canada et elle savait qu’elle pouvait tirer parti du programme de réunification familiale. Ses parents avaient entamé le processus de demande de résidence permanente au Canada, de sorte qu’il s’agissait d’une démarche naturelle pour elle. En 2005, à l’âge de 25 ans, où tous les espoirs sont permis, elle est déménagée à Montréal pour lancer sa carrière d’avocate.

Elle a obtenu une entrevue dans un cabinet local et était optimiste quant aux possibilités qui s’offraient à elle. Elle pensait que c’était le travail de ses rêves, mais n’avait aucune idée à quel point le désenchantement l’attendait.

Elle se souvient de la taille des bureaux du cabinet et de la façon dont le succès était palpable. C’était précisément la raison pour laquelle elle avait déménagé jusqu’ici.

Cependant, avant même le début de l’entrevue, on lui a dit qu’elle ne pouvait pas exercer le droit au Canada. C’était son initiation au grand obstacle auquel les étudiants et étudiantes en droit international et les juristes sont confrontés ici : le Comité national sur les équivalences des diplômes de droit. Faisant partie de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, ce comité évalue l’éducation et l’expérience de gens qui ont obtenu un diplôme juridique à l’étranger afin de s’assurer qu’ils comprennent le droit canadien.

Me Ogang se souvient de s’être sentie comme si quelqu’un avait soudainement mis un gros bâton dans la roue de son vélo. Elle ne pouvait pas croire que son éducation n’avait pas la signification qu’elle croyait qu’elle avait.

« J’étais vraiment déprimée, dit-elle, ajoutant qu’elle avait l’impression de devoir tout recommencer. J’avais une maîtrise à ce moment-là, mais ça ne voulait rien dire. »

Étant donné qu’elle avait passé plus de temps à étudier la common law anglaise, on lui a conseillé de déménager en Ontario pour avoir une meilleure chance de faire décoller sa carrière. Elle a commencé le processus du CNE en 2006 alors qu’elle travaillait pour un organisme sans but lucratif de Toronto afin de subvenir à ses besoins. Elle était trop qualifiée pour les emplois qu’elle pouvait obtenir et sous-qualifiée pour ceux qu’elle désirait.

« Vous vous sentez exploité, mais en même temps invisible », dit-elle.

En 2009, elle a passé avec succès l’examen du Barreau de l’Ontario, puis a consacré des semaines à chercher un poste de stagiaire. Plus elle envoyait de demandes, moins elle semblait avoir de réponses de la part des cabinets. Cela était problématique, car le processus du CNE exige que les étudiants et étudiantes terminent leurs heures de stage dans un délai déterminé, sans quoi tous leurs crédits expirent.

Il s’agissait d’un autre coup à son parcours, un qui semblait trop dur pour qu’elle le surmonte.

Une visite de son père lui a permis de réaliser qu’elle avait besoin de passer du temps avec les siens. Elle est retournée au Kenya pour la première fois en neuf ans, espérant trouver la paix et laisser le droit derrière elle. Au lieu de cela, elle s’est trouvé un but renouvelé.

« Ç’a fait une énorme différence parce que ça m’a sorti de la petite boîte dans laquelle je pensais être coincée », se souvient-elle.

Inspirée par la communauté édifiante autour d’elle, elle a passé les examens du Barreau du Kenya et les a réussis. Ensuite, elle s’est jointe à un groupe d’étudiants qui poursuivait le conseil de l’éducation juridique du Kenya pour discrimination, croyant que le conseil empêchait des étudiants et étudiantes ayant fréquenté l’école à l’extérieur du pays de s’inscrire aux examens du barreau. Ils ont gagné.

Me Ogang est revenue au Canada et, en 2018, a été admise au Barreau de l’Ontario. Elle a en même temps eu la certitude qu’elle pouvait aussi connaître du succès au Canada.

Après la cérémonie, elle marchait dans le centre-ville de Toronto avec sa famille, tenant la main de sa nièce, et a croisé un groupe de jeunes noirs. Ils l’ont tous regardée dans sa toge et étaient éblouis.

« À ce moment-là, j’ai réalisé qu’ils étaient impressionnés parce qu’ils ne voyaient pas beaucoup de Noires vêtues de toges, explique Me Ogang. Pour eux, c’était une nouveauté. Pour moi, cela m’a amené à me demander ce qui n’allait pas avec notre système. »

Des moments comme celui-ci figurent parmi les raisons pour lesquelles, en plus de développer sa pratique dans les domaines des affaires, de l’immigration, des testaments et des successions, Me Ogang privilégie la promotion de l’inclusion dans la profession juridique.

Kamaljit Lehal, avocate en immigration et médiatrice qui a travaillé en étroite collaboration avec Angela Ogang à l’intérieur et à l’extérieur de l’ABC, la qualifie de pionnière.

« D’autres avocates dans la même situation qu’Angela la voient créer le réseau de soutien, progresser et faire les choses qu’elles espéraient elles-mêmes accomplir, dit-elle. Cela leur apporte de l’espoir et les encourage. »

Me Ogang croit se sentir plus accomplie quand elle reçoit des appels de clients qui recherchent une personne qui comprend comment elle peut se battre pour eux. Elle sent que son cheminement long et sinueux l’a aidée à trouver sa véritable vocation.

« Pour connaître une vie de succès, vous devez développer votre résilience et laisser aller les choses qui vous freinent, dit-elle. Certaines difficultés ou certains obstacles auxquels vous faites face sont ce qui vous amène là où vous devez vous trouver. »