En personne : Jameela Jeeroburkhan
Me Jameela Jeeroburkhan, associée chez Dionne Schulze à Montréal, guide une clientèle autochtone dans les labyrinthes de la justice et négocie pour elle avec les gouvernements et le secteur privé. Elle siège au comité de direction de la Section nationale du droit des autochtones de l’ABC.</p>
N: Qui vous a le plus influencée dans votre vie?
JJ: Mon père était journaliste et ma mère travaillait en développement international. J’ai donc toujours senti que mon travail allait toucher à la justice sociale, au militantisme. Finalement, je me suis retrouvée en droit, ce qui, à défaut d’être du militantisme politique, relève de la défense de droits. Mon professeur d’histoire au secondaire, Bob Hamilton, aujourd’hui décédé, m’a toujours poussée à voir d’un œil critique l’Histoire et la version qu’en enseignent les groupes dominants; les professeurs en anthropologie de la santé de l’Université McGill, dont Margaret Locke, m’ont quant à eux inspiré la rigueur en études interdisciplinaires, ce qui m’a fait passer de l’anthropologie au droit. Il faut ajouter les professeurs Colleen Sheppard et Nicholas Kasirer, pour qui j’ai eu la chance de travailler à McGill, et qui ont influencé mon approche du droit. Enfin, je dois plusieurs de mes premières leçons pratiques à mon maître de stage, Peter W. Hutchins, qui a été très patient et encourageant à mon égard.
N: Quels ouvrages vous ont influencée?
JJ: C’est une étude ethnographique de Joan Ryan, Doing Things the Right Way: Dene Traditional Justice in Lac La Martre, NWT, qui m’a intéressée au règlement de différends au sein des communautés autochtones et au rôle que joue l’établissement de règles dans toute société. Il y a aussi la conférence donnée par Thomas King dans le cadre des Massey Lectures, The Truth about Stories, où il a traité de l’importance du récit, particulièrement celui qui emprunte une perspective purement autochtone.
N: Quel talent aimeriez-vous acquérir?
JJ: J’aimerais apprendre l’innu, dans la mesure que me le permet ma vie d’avocate en ville qui passe le plus clair de son temps dans son bureau.
N: Si vous n’étiez pas avocate, que feriez-vous?
JJ: À la fin de mon secondaire, je croyais que j’allais devenir actrice, ou du moins quelque chose qui a trait à la scène, à la collaboration avec les gens. Comédienne, peut-être.
N: Quelle a été votre meilleure décision de votre vie, côté carrière?
JJ: Accepter de prendre davantage de responsabilités en ressources humaines comme associée chez Dionne Schulze, à Montréal. Ces tâches ne sont pas toujours faciles et me prennent parfois beaucoup de temps, mais je me surprends à aimer prendre des nouvelles de mes collègues et de leur charge de travail, ainsi qu’à veiller – autant que possible – à ce qu’ils obtiennent le soutien, l’expérience et la formation dont ils ont besoin pour s’épanouir professionnellement.
N: Si vous pouviez changer quelque chose dans le système juridique canadien, qu’est-ce que ce serait?
JJ: Il reste beaucoup à faire pour sensibiliser les professionnels du droit – qu’ils soient juges, législateurs ou avocats – à l’histoire des peuples autochtones au Canada et de leur place au sein de son système juridique. En 2016, l’ABC a adopté une résolution de la Section nationale du droit des autochtones pour la mise en œuvre des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation concernant l’éducation juridique, la formation axée sur les compétences et ses propres politiques. J’espère que l’ABC continuera de promouvoir les recommandations de la CVR.
N: Quel conseil donneriez-vous à un ou une jeune juriste en début de carrière?
JJ: De concevoir le droit sous l’angle de la résolution de problèmes. Il faut absolument comprendre les enjeux, le problème particulier du client. Sans compter que la meilleure solution ne passe pas toujours par la judiciarisation, car le droit a ses limites.