Lever les obstacles réglementaires
Le monde juridique a connu une transformation numérique incomparable pendant la pandémie. Des innovations réglementaires sont cependant nécessaires pour que cette transformation ait un réel impact positif sur l’accès à la justice.
C’est dans cet esprit qu’un projet de résolution du Sous-comité de l’accès à la justice exhorte l’ABC à envisager de nouvelles approches pour aider les Canadiens et Canadiennes à revenu moyen ou faible à obtenir un réel accès aux services juridiques en matière civile.
La résolution vise notamment à tirer parti d’initiatives réglementaires, comme les bacs à sable d’innovation, susceptibles d’améliorer l’accessibilité, l’abordabilité et la qualité des services juridiques en matière civile.
« De nombreux professionnels du droit souhaitent répondre aux besoins de leurs clients à l’aide de solutions qui ne sont pas nécessairement autorisées actuellement par les règles qui encadrent la profession, déclare Jérémy Boulanger-Bonnelly, président du Sous-comité de l’accès à la justice de l’ABC. Il est important de leur permettre d’être créatifs et de s’adapter au monde d’aujourd’hui. »
Me Boulanger-Bonnelly ajoute que ce projet de résolution va dans le même sens que les initiatives antérieures de l’ABC sur l’accès à la justice, comme le rapport de 2013 Atteindre l’égalité devant la justice, qui plaidait déjà en faveur de l’innovation réglementaire.
Le but des bacs à sable pour la réglementation est de permettre aux barreaux canadiens et américains d’appuyer les cabinets juridiques qui souhaitent mettre à l’essai de nouveaux modèles de services dans un environnement contrôlé. Les bancs d’essai ont été largement utilisés dans le secteur des services financiers, et les dernières années ont observé un surcroît d’activité dans le secteur juridique. L’Utah, la Colombie-Britannique, l’Ontario et l’Alberta ont lancé des bacs à sable d’innovation. La Saskatchewan vient d’annoncer un projet pilote (disponible uniquement en anglais) qui autoriserait les fournisseurs non traditionnels à offrir des services juridiques restreints pour répondre à des besoins juridiques non satisfaits.
« C’est un pas dans la bonne direction, déclare Jo-Anne Stark, directrice de Stark Solutions Legal Coaching & Consulting, qui appuie le projet de résolution. Mais les juristes qui tentent d’accéder à ces bacs à sable et souhaitent mettre à l’essai ces nouveaux outils pour offrir de nouveaux services au public continuent de se buter à des obstacles. »
Le premier de ces obstacles est l’environnement réglementaire juridique lui-même, avance Me Stark. En raison de la longue tradition dont cet environnement est imprégné, les personnes qui souhaitent sortir des sentiers battus et réinventer les services juridiques se heurtent à une incertitude réglementaire dans laquelle elles s’enlisent. « En tant que porte-parole de la profession, l’ABC peut exercer des pressions et contribuer à lever ces obstacles, menant à un exercice plus moderne du droit. »
Un deuxième obstacle est le fait que les étudiants et étudiantes en droit ont rarement l’occasion d’apprendre à gérer leurs futures activités de manière efficace et efficiente. « Nous devons également proposer des programmes qui montrent aux juristes qu’il existe de nouvelles façons d’offrir des services juridiques », affirme Me Stark. En tant qu’accompagnatrice juridique agréée, Me Stark croit notamment qu’il existe un marché pour les juristes qui souhaiteraient acquérir des compétences qui leur permettraient d’aider les clients qui se représentent eux-mêmes à gérer leurs problèmes juridiques.
Le projet de résolution insiste par ailleurs sur la nécessité de rassembler et d’analyser les données issues « de tous ces travaux de recherche et projets pilotes […] et de donner ainsi aux juristes les moyens d’exercer le droit autrement », souligne Me Stark.
« L’ABC, dont le mandat est national, est en mesure de surveiller l’apparition des innovations réglementaires à travers le pays et de comparer les initiatives des différentes provinces », explique Me Boulanger-Bonnelly.
L’ABC peut également faciliter la communication entre les juristes et leur barreau, estime Me Stark. Même dans les provinces où il existe des bacs à sable pour la réglementation, il y a beaucoup de confusion quant à la façon dont les règles s’appliquent, souligne-t-elle. Elle raconte à ce propos que lorsqu’elle a présenté sa demande d’admission au programme de la Colombie-Britannique en accompagnement juridique, elle s’est fait répondre que les juristes n’étaient pas admissibles. « Pourquoi les juristes ne seraient-ils pas autorisés à innover? », se demande-t-elle. Le Barreau a depuis modifié la règle interdisant aux juristes admis au barreau de s’inscrire au programme. Mais d’autres juristes font part à Me Stark d’histoires similaires et disent recevoir des messages contradictoires.
« Nous devons avoir des conversations ouvertes avec les organismes de réglementation », croit Me Stark. Les juristes peuvent difficilement le faire eux-mêmes étant donné qu’ils sont réglementés par eux. « L’ABC cependant, en tant que porte-voix de la profession, peut dire : “Écoutez, voici ce que nous entendons. C’est ce que les gens veulent, et c’est ce que les clients demandent.” »
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