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Un fossé à combler dans l’offre de services juridiques

La Colombie-Britannique ouvre la voie à la modernisation de la réglementation du secteur juridique.

Government's hand moving regulatory pieces

En mai 2022, un groupe de parajuristes a déposé devant le Barreau de l’Ontario une motion qui devait faire l’effet d’une bombe, mais qui a fini par ressembler à un pétard mouillé.

La motion, qui a été rejetée pour des raisons de procédure par le trésorier du Barreau, demandait au gouvernement de l’Ontario de prendre en charge la réglementation des avocats dans la province. Les parajuristes faisaient valoir que le Barreau, ayant supprimé de l’ordre du jour de sa réunion du 24 février le rapport sur les prestataires de services en droit de la famille (PSDF), qui portait essentiellement sur le droit des parajuristes de représenter devant le tribunal de la famille les personnes vivant une séparation, avait cessé d’être un organisme autoréglementé agissant dans l’intérêt du public, car il agissait plutôt dans l’intérêt des seuls avocats.

La motion a disparu sans laisser de traces, pour ainsi dire, et sans retenir l’attention des grands médias. Mais pour de nombreux détracteurs du modèle actuel d’autoréglementation du secteur juridique canadien, l’absence de publicité accordée à la motion importait beaucoup moins que l’avertissement qu’elle lançait : l’autoréglementation peut exposer le secteur à des accusations d’opération avec apparentés, et, lorsqu’une telle impression s’installe dans l’opinion publique, une réforme réglementaire menée par le gouvernement, du type de celle qui s’est produite au Royaume-Uni et ailleurs, peut s’ensuivre.

« Je n’ai pas été surprise par la motion; ce n’est pas une idée nouvelle », affirme Lisa Trabucco, professeure adjointe de droit à l’Université de Windsor, qui a beaucoup écrit sur la réglementation de la profession juridique et l’accès à la justice. « Le Barreau de l’Ontario est l’autorité de réglementation; c’est un fait. Mais je pense que [la prise en charge de la réglementation par le gouvernement] ne relève peut-être pas autant de la science-fiction que certains avocats voudraient le croire. Je considère qu’il est tout à fait possible qu’une province suive l’exemple du Royaume-Uni. »

En effet, ce n’est pas impossible, car cette motion n’est pas venue de nulle part. Quelques mois à peine avant son dépôt, le célèbre consultant en gouvernance professionnelle du Royaume-Uni, Harry Cayton, avait soumis à la Law Society of British Columbia (LSBC) son très attendu examen de sa gouvernance. Dans son rapport, M. Cayton constate que la LSBC respecte, entièrement ou partiellement, sept des neuf normes prescrites en matière de bonne gouvernance. Mais il a soulevé un point que les parajuristes ont repris dans leur motion soumise au Barreau de l’Ontario quelques mois plus tard : le Barreau « agit davantage comme une association professionnelle que comme une autorité de réglementation professionnelle ».

Pour M. Cayton, ces aspects de la gouvernance de la LSBC, « qu’on s’attendrait à trouver dans la structure d’un syndicat ou d’un parti politique plutôt que dans celle d’un organisme de surveillance qui a des comptes à rendre à la population », montre une tendance à privilégier les intérêts des avocats plutôt que ceux du public qui est ancrée dans la façon dont la LSBC s’administre et administre la profession.

« Les membres élisent la grande majorité des conseillers qui les gouvernent, une procédure qui se répète souvent. » Cette pratique crée une tension prévisible entre le mandat du Barreau, qui est de protéger et de servir l’intérêt public, et la source de l’autorité des conseillers, constate M. Cayton.

« Les organismes de réglementation ne devraient pas être redevables à la profession qu’ils réglementent, mais au public qu’ils servent, poursuit-il. Un conseil qui s’intéresse uniquement à ses actionnaires ou à ses membres et non à ses clients ou à son devoir public échouera inévitablement dans sa mission. »

M. Cayton a recommandé diverses mesures pour instaurer une distance entre les conseillers et les avocats. Selon lui, la LSBC devrait réduire le nombre de conseillers élus et augmenter le nombre de conseillers nommés, afin de diminuer le risque que les lignes de conduite du Barreau soient dictées – ou soit perçues comme étant dictées – par des considérations politiques.

« En exerçant un contrôle sur l’organisme par le biais d’élections et de résolutions lors de [l’assemblée générale annuelle], les membres contrecarrent souvent la réglementation prise dans l’intérêt public. La grande disposition de l’organisme à l’égard de la profession contraste fortement avec son manque d’engagement envers le public ou les clients. »

« Certains conseillers m’ont dit que le Barreau devrait consulter la profession de façon encore plus régulière et systématique. Je suis plutôt d’avis que le recours du Barreau à la profession est inapproprié. »

M. Cayton a proposé à la LSBC d’allonger la durée des mandats de manière à ce que les conseillers siègent pendant deux mandats de quatre ans, et les présidents et vice-présidents, pendant « au moins » deux ans. « Les conseillers ne siègent que pendant deux ans avant de devoir se représenter aux élections, écrit-il, de sorte que leur attention se porte inévitablement sur leurs collègues avocats plutôt que sur le public. »

Ses recommandations ont reçu un accueil favorable dans le secteur juridique de la Colombie-Britannique. Dans sa réponse à l’examen de M. Cayton, la Division de la Colombie-Britannique de l’Association du Barreau canadien (ABC-CB) approuve son appel en faveur d’une séparation beaucoup plus claire entre le rôle de la LSBC, soit celui d’autorité de réglementation, et le travail de défense de la profession (ce qui est techniquement le mandat de l’ABC).

« La LSBC devrait se demander si ses activités n’ont pas pour résultat de brouiller la distinction qui s’impose entre elle et les associations professionnelles comme l’ABC-CB, indique le mémoire. Si les activités, et donc le rôle de ces deux entités sont similaires aux yeux du public ou des juristes, cela pourrait nuire à la position de la LSBC en tant qu’autorité de réglementation indépendante. »

Par conséquent, l’ABC-CB a demandé à la LSBC de renoncer à ses activités de lobbyiste enregistré auprès du gouvernement provincial. « Les efforts de lobbying ou de représentation qui vont au-delà des changements souhaités dans la Legal Profession Act peuvent interférer avec le mandat de la LSBC visant à protéger l’intérêt public et devraient être laissés à des organismes comme l’ABC-CB », indique le mémoire de cette dernière.

En revanche, l’ABC-CB est moins enthousiaste à l’idée d’avoir plus de conseillers nommés. « La question d’un processus nominatif par rapport à un processus électoral est au cœur du problème de l’indépendance », soutient Clare Jennings, présidente de l’ABC-CB.

« Si c’est le gouvernement qui procède aux nominations, que pensera le public de l’indépendance de la profession juridique? N’oubliez pas que les juristes servent souvent de médiateurs entre le citoyen et l’État. »

Il se trouve que quelques mois à peine après la publication du rapport Cayton, le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé son intention de créer une autorité de réglementation unique pour les avocats, les notaires et les parajuristes, dans le but de mieux protéger les personnes qui ont recours aux services juridiques et de faciliter l’accès à ces services.   

La réforme envisagée par la province prévoit la création d’un conseil d’administration au sein duquel les membres nommés par le gouvernement constitueraient une minorité. Toutefois, le gouvernement a pris soin de préciser qu’il ne porterait pas atteinte à l’indépendance de la profession juridique, indiquant qu’il ne ferait plus siéger le procureur général au conseil. De plus, ce conseil de gouvernance serait composé d’administrateurs « titulaires de permis » élus par les titulaires de permis, et d’administrateurs nommés par les autres membres de la profession juridique. 

Ces démarches ne sont encore qu’à l’état embryonnaire, car le gouvernement cherche à obtenir les commentaires du public et des principaux intervenants du secteur juridique avant de présenter un projet de loi. Néanmoins, l’effort de modernisation de la Colombie-Britannique pourrait signaler une évolution plus importante dans la façon dont les services juridiques sont réglementés au Canada.

Un élément majeur ressort du rapport Cayton, et le document d’intention du gouvernement le soulève également : la nécessité de moderniser la réglementation de la profession juridique nous ramène inévitablement au problème de l’accès à la justice.

M. Cayton fait l’éloge du « bac à sable en matière d’innovation » de la LSBC, un projet de réglementation lancé en 2021 qui permet aux fournisseurs « non traditionnels » de services juridiques (comme les parajuristes) de tester de nouvelles façons de fournir ces services. (Voyons-le comme des « préauditions » pour la réforme de la réglementation.)

« Ce “bac à sable d’innovation” vise plus clairement l’intérêt public, à savoir l’accès à la justice, écrit M. Cayton. Cette démarche part de la prémisse voulant que la prestation actuelle de services juridiques ne répond pas aux besoins de tous les citoyens de la Colombie-Britannique; il s’agit de mettre à l’essai différents types de services pour répondre à ces besoins. »

Ce projet de la Colombie-Britannique fait suite à une mesure similaire instaurée en Utah quelques mois plus tôt. De même, le groupe d’étude sur la technologie du Barreau de l’Ontario, qui est composé d’avocats, de parajuristes et de conseillers non juristes nommés par le public, a lancé en 2021 un bac à sable de la réglementation pour voir le rôle que les nouvelles technologies pourraient jouer dans l’amélioration de l’accès à la justice. L’Alberta a aussi lancé son bac à sable en 2021 pour « encourager et favoriser l’innovation dans la prestation des services juridiques ».

Cette tendance en Amérique du Nord, s’il en est, à expérimenter des moyens de moderniser les marchés juridiques, Craig Ferris et ses collègues l’ont vue se dessiner il y a des années.

M. Ferris était le président de la LSBC en 2020 quand les travaux entourant le bac à sable ont commencé. Il prédit une décentralisation du marché pour les services juridiques : « On pourrait aussi bien voir des épiceries créer leurs propres comptoirs de services juridiques. » Pour lui, la profession juridique ne peut espérer conserver le monopole sans répondre aux besoins des personnes qui ne peuvent se payer un avocat.

« Si nous ne fournissons pas le service juridique nous-mêmes, nous ne devrions pas refuser à d’autres le droit de le fournir », fait valoir M. Ferris, associé chez Lawson Lundell. « Au Royaume-Uni, il y a un certain nombre de domaines de pratique réservés au barreau, et le reste est ouvert à peu près à tout le monde. »

Le Canada vit un problème d’accès à la justice, ou même une « crise », comme certains le diront. Dans une étude publiée par le ministère de la Justice, on estime que d’après les statistiques provinciales et territoriales de 2012, entre 40 % et 57 % des parties à des affaires familiales se présentaient au tribunal sans représentant juridique.

« Des enquêtes menées auprès de juges, d’avocats et d’autres professionnels [des services de justice familiale] laissent entendre que le nombre de parties non représentées a augmenté au cours des cinq dernières années : ce serait environ de 50 % à 80 % des parties qui ne sont pas représentées dans les causes civiles et familiales », indique un communiqué de presse du ministère datant de 2016. Bien que le ministère ait noté « [qu’on] ne trouve pas de données nationales publiques sur le nombre de plaideurs non représentés au Canada », il est difficile de penser qu’un quelconque facteur aurait pu ralentir cette tendance à la non-représentation en droit de la famille dans les années qui ont suivi.

« Un grand nombre de personnes ne peuvent tout simplement pas se payer un avocat. Et il ne s’agit pas seulement de la classe pauvre, mais aussi de la classe moyenne », fait valoir Jennifer Leitch, directrice générale du National Self-Represented Litigants Project (NSRLP), un groupe qui mène des recherches et défend les intérêts des Canadiens qui n’arrivent pas à trouver ou payer un avocat.

« Si vous gagnez entre 60 000 et 90 000 dollars par an et que vous avez une hypothèque et une famille, êtes-vous en mesure de verser une avance des honoraires de 7 000 à 8 000 dollars, par exemple, pour aller en cour? »

Les parties qui se représentent elles-mêmes sont désavantagées à presque toutes les étapes de leur affaire, selon Mme Leitch. L’aide juridique ne leur est guère utile, soit parce que là où elles vivent, elle est souvent limitée aux affaires pénales, soit parce qu’elle n’est offerte qu’aux personnes à très faible revenu, soit parce qu’il n’y a tout simplement pas assez de ressources.

« La page de l’aide juridique est tournée », affirme Mme Leitch, qui soutient qu’il n’est politiquement pas réaliste de s’attendre à ce qu’un gouvernement provincial offre l’aide juridique à tous ceux qui ont besoin d’une représentation en droit civil, familial ou de l’immigration.

« Je ne défends pas le sous-financement chronique de l’aide juridique, qui est atroce, mais il faudrait engager d’énormes sommes d’argent pour l’offrir à tous ceux qui en ont besoin. »

De nombreux observateurs inquiets de la façon dont les services juridiques sont réglementés au Canada soutiennent également que les barreaux doivent se relever les manches pour ouvrir les marchés juridiques à de nouveaux acteurs, et que la résistance à une telle évolution indiquerait une réticence à faire face à la concurrence, même si cette concurrence pourrait servir l’intérêt public.

« C’est là qu’un rapport comme celui soumis par Cayton peut nous être très utile, avance Richard Devlin, professeur de droit à l’Université Dalhousie. Ses observations sur les conseillers montrent qu’on se préoccupe davantage des intérêts professionnels des juristes que de ceux du grand public. »

« Il y a un écart fondamental, une contradiction, dans le modèle d’autoréglementation. On ne peut servir deux maîtres à la fois. »

La proposition de permis de prestataire de services en droit de la famille (PSDF) qui devait figurer à l’ordre du jour du 24 février du conseil du Barreau de l’Ontario visait à solutionner le problème des parties qui se représentent elles-mêmes. Elle aurait permis aux parajuristes de représenter des couples qui se séparent, notamment en rédigeant pour eux des contrats et en les représentant au tribunal. (Lorsqu’on lui a demandé de faire le point sur cette proposition, le Barreau de l’Ontario a répondu qu’il continuait « à recevoir les précieux avis des parties intéressées de toutes les sphères de la justice » et qu’il « réfléchissait aux prochaines étapes ».)

Sarah Boulby, avocate spécialisée en droit de la famille et du divorce et associée chez Boulby Weinberg LLP à Toronto, considère que la discussion sur la PSDF était vouée à l’échec lors de la réunion de février, parce que la plupart des avocats ontariens trouvent que c’est une mauvaise idée.

« Le risque, c’est de voir des personnes qui ne sont pas qualifiées pour ce travail être reconnues par le Barreau comme si elles l’étaient. Le public va supposer que toute personne autorisée par le Barreau est compétente. Personne ne peut faire la différence entre un bon et un mauvais médecin au premier rendez-vous, c’est pourquoi nous avons des organismes de réglementation professionnelle. »

Me Boulby s’interroge également sur l’argument qui sous-tend la proposition de PSDF, à savoir que les parajuristes pourraient s’occuper des dossiers moins complexes moyennant des honoraires moindres que ceux demandés par les avocats. Un rapport publié en janvier par le Comité de l’accès à la justice du Barreau révèle que les parajuristes demandent en moyenne 144 dollars l’heure, alors que les avocats en droit de la famille demandent un tarif horaire moyen de 330 dollars.

Selon Me Boulby, l’avantage financier dont profitent les parajuristes serait réduit par les primes d’assurance plus élevées qu’ils devraient absorber en se lançant dans des affaires de divorce.

« Nous n’avons jamais vu de plan d’affaires, argue-t-elle. Il leur faudrait gérer leurs pratiques comme nous le faisons, avec les mêmes frais généraux de base. »

« Les primes d’assurance des parajuristes sont basses aujourd’hui parce qu’ils ne traitent pas des cas complexes et coûteux. Qu’adviendrait-il de ces primes s’ils traitaient des affaires de divorce impliquant des propriétés valant des millions de dollars? »

On pourrait débattre de l’incidence de l’expérience vécue par tout un chacun dans le système de justice – coût élevé de la représentation juridique et risques de re représenter soi-même – sur la façon dont le public perçoit les avocats.

Ce qui reste indéniable, selon Jordan Furlong, analyste du secteur juridique, c’est que l’argent influence fortement la façon dont on perçoit le système de justice.

« Les avocats aiment à dire : “Nous ne sommes pas tous riches”. C’est vrai, je le comprends, concède-t-il. Mais je ne suis pas certain que l’avocat moyen comprenne à quel point de nombreux Canadiens et Canadiennes vivent au jour le jour sur le plan financier, à quel point la perte de 500 dollars peut faire la différence entre manger à sa faim et se priver de nourriture. »

« Depuis longtemps, le message que les avocats envoient au public est double. Premièrement, seul un avocat peut vous représenter. Deuxièmement, si vous ne pouvez pas vous payer un avocat, vous n’avez pas d’autres options à votre disposition. Le prix d’un avocat est tel que seul un petit pourcentage des personnes qui en ont besoin peuvent s’en permettre un. Si vous dites aux gens que la seule solution possible lorsqu’ils ne peuvent pas se payer le service dont ils ont besoin est de se passer de ce service, ça devient un sophisme. »

Les critiques comme M. Furlong considèrent la résistance à l’ouverture du marché des services juridiques comme une conséquence naturelle du modèle d’autoréglementation qui permet aux avocats de choisir les personnes chargées de la réglementation.

« Le même problème se manifeste dans tous les barreaux du Canada. Lorsque vous avez une autorité de réglementation dont les administrateurs sont choisis en grande partie par les personnes que cette autorité est censée encadrer, il n’y a qu’un pas à faire pour assister à un détournement de la réglementation. »

Ceux qui cherchent des solutions autres à l’autoréglementation canadienne ne manquent pas de modèles à étudier. En Australie où, comme au Canada, les juristes sont encadrés par l’État ou la province, des organismes nommés par le gouvernement gèrent les plaintes et les processus disciplinaires, tandis que les barreaux conservent l’autorité sur les règles et les normes de pratique.

Le Royaume-Uni est allé beaucoup plus loin. Après que le gouvernement eut lancé un examen du secteur juridique au pays, qui a révélé une multitude de lacunes déjà connues (hausse des prix, restrictions excessives quant aux personnes autorisées à plaider), Westminster a introduit en 2009 un conseil des services juridiques, le Legal Services Board (LSB), chargé de surveiller la réglementation des avocats en Angleterre et au pays de Galles.

Le LSB se situe au sommet de la pyramide de la réglementation du secteur juridique anglais et gallois, surveillant le travail des autorités de réglementation des différentes professions juridiques. Il est conçu pour être à la fois politiquement et financièrement indépendant du gouvernement, financé qu’il est par les cotisations des autorités de réglementation sous sa gouverne.

Parmi les responsabilités qui lui incombent, notons l’encadrement de ces autorités de réglementation dans la poursuite des huit objectifs définis par la loi, dont ceux de « protéger et promouvoir l’intérêt public », d’améliorer l’accès à la justice et de veiller aux intérêts des consommateurs.

En 2009, le LSB a lancé le Legal Services Consumer Panel, qui le conseille sur les questions d’importance pour les clients particuliers des services juridiques. La loi qui a créé le LSB a également autorisé le lancement de « structures d’entreprise alternatives », détenues ou gérées par des non-juristes, une tentative d’ouvrir le marché des services juridiques à la concurrence, de faire baisser les coûts et d’améliorer l’accès à la justice. Ces cabinets, l’Arizona les permet depuis 2021 et l’Utah les autorise dans le cadre de son bac à sable sur la réglementation depuis 2020, sans compter les autres États américains qui se penchent sur la question de la libéralisation du secteur.

« J’ai le sentiment que nous devrions à tout le moins essayer [le modèle britannique de] surveillance réglementaire pendant un certain temps. C’est la moins radicale des premières étapes possibles, indique Richard Devlin. Nous pourrions le tenter pendant un certain temps afin d’évaluer son efficacité. »

« C’est intéressant : la réforme au Royaume-Uni a vu le jour sous un gouvernement qui s’inquiétait que les citoyens n’en aient pas assez pour leur argent quand ils faisaient appel à la profession juridique. La question a été abordée du point de vue des droits des consommateurs. »

« Un futur gouvernement [provincial canadien] qui a le même penchant idéologique, ou qui considère la réforme comme une démarche essentielle dans la poursuite de la justice sociale, pourrait prendre des mesures similaires. »

D’autres considèrent qu’il est improbable qu’un gouvernement provincial entreprenne une réforme de la réglementation du secteur juridique semblable à celle du Royaume-Uni. L’accès à la justice, contrairement à l’accès aux services de santé, n’a jamais été un sujet chaud dans la politique canadienne.

« Cela a peut-être quelque chose à voir avec la culture politique du Canada, pense Noel Semple, professeur agrégé à la faculté de droit de l’Université de Windsor qui étudie les questions d’accès à la justice. Au Royaume-Uni et en Australie, vous avez des cultures politiques plus individualistes, plus axées sur les droits et les besoins du consommateur. »

« Et il est très facile de rendre les gens responsables de leurs malheurs lorsqu’ils sont accusés d’un crime. La plupart d’entre nous ne peuvent même pas s’imaginer un jour devoir faire face à la justice pour quelque raison que ce soit. Il est donc plus facile pour tout un chacun, et pour les politiciens, de balayer ces problèmes du revers de la main et de dire que si monsieur Untel est aux prises avec la justice, c’est qu’il l’a bien cherché. »

Selon Jordan Furlong, en l’absence de pressions politiques en faveur d’une réforme, les avocats se retrouvent devant une difficulté toute particulière : leur image a peu de chances de s’améliorer auprès des Canadiennes et Canadiens moyens tant que les expériences de ces derniers avec le système de justice ne s’amélioreront pas de manière substantielle.

« Les avocats devraient considérer l’état de leur image publique comme un appel à la réforme, plaide-t-il. Il serait profitable d’envoyer le message que la profession soutient l’expansion des services juridiques par l’introduction de nouveaux professionnels qualifiés. Un système de justice équitable n’est pas envisageable si le citoyen moyen n’a pas un accès raisonnable à des conseils juridiques. »

« Vous voulez améliorer l’image de la profession? C’est là qu’il faut commencer. »