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Compétences et incompétences de l’IA juridique canadienne

Certaines avancées technologiques deviennent réalité

An illuminated light bulb
iStock/MicroStockHub

Beaucoup d’entre nous attendent depuis longtemps le jour où une base de données juridique canadienne sera assortie à la puissance d’un modèle de langage d’IA comme ChatGPT.

Ne serait-il pas merveilleux de demander : « Trouve-moi un cas où quelqu’un a fait X, ce qui a causé Y, et le tribunal rend un jugement, prononce un acquittement ou exclut les preuves… » Imaginez ne jamais plus devoir vous angoisser pour trouver la bonne chaîne de recherche booléenne ou parcourir 30 dossiers pour en trouver un ou deux qui correspondent à vos besoins.

Si l’IA en était capable, nous gagnerions beaucoup de temps… et le temps, c’est de l’argent! L’IA pourrait écrire des résumés de décisions et peut-être même rédiger un argument à remettre au juge ou faire l’ébauche d’un énoncé d’opinion pour un client. Bien entendu, il serait important d’en faire la vérification ou de peaufiner le document, mais l’IA pourrait faciliter les parties les plus laborieuses de la rédaction juridique.

Eh bien, l’attente est terminée et le verdict est tombé. Au cours de l’année écoulée, une multitude de plateformes ont émergé au Canada qui prétendent faire exactement ce que je viens de décrire, y compris ce qui pourrait devenir la plateforme phare : Lexis+ AI de LexisNexis. Fonctionne-t-elle bien? Que peut-elle faire et que ne peut-elle pas faire?

Les nouvelles sont mi-figue, mi-raisin. Comprendre son fonctionnement est essentiel pour expliquer la raison pour laquelle la plateforme ne peut pas et ne pourra jamais effectuer les recherches de la façon que nous l’espérons tous. Mais il y a des choses qu’elle sait bien faire, et cela est énorme.

Tout d’abord, la mauvaise nouvelle.

Lorsque j’ai assisté à une démonstration de Lexis+ AI, tout me semblait magique. Un représentant de l’entreprise a fait une requête prédéfinie : un modèle de faits suivi d’une question juridique précise, et cela a généré un merveilleux mini-mémo de 600 mots concis sur le sujet, commençant par les dispositions légales, suivies de la jurisprudence et même un article d’une revue juridique. C’était incroyable!

Lorsque j’y ai eu accès (la plateforme est gratuite pour les professeurs et les étudiants et étudiantes en droit), j’ai présenté diverses requêtes dans des domaines du droit que je connais bien. Les résultats ont été révélateurs. Par exemple, j’ai demandé à Lexis+ AI de trouver cinq cas où une personne est arrêtée et son sac à dos est fouillé au poste de police. Les tribunaux ont statué qu’une fouille peut avoir lieu longtemps après une arrestation et être toujours légale, en fonction de la raison pour laquelle les policiers l’effectuent. Je voulais éviter d’avoir à parcourir une trentaine de dossiers contenant les mots « poste de police » et « sac à dos ».

L’application a généré un mini-mémo, tout comme lors de la démonstration, mais ça n’a décidément pas été utile. Les cinq causes que l’application a trouvées contenaient les mots « poste de police » et « sac à dos », mais aucune n’impliquait une fouille « au poste de police ». C’est à ce moment-là que j’ai compris : Lexis+ AI ne lit pas les dossiers et l’IA juridique ne fonctionne pas comme je l’espérais.

Ce qui se passe réellement ici est évident. Lexis+ AI n’est pas entraînée pour répondre aux questions sur les dossiers canadiens. Le robot conversationnel convertit simplement votre requête en langage simple en une recherche booléenne, exécute la recherche, puis renvoie les résultats au robot conversationnel pour présenter un mini-mémo joliment formulé. Il ne lit toutefois pas les dossiers juridiques pour vous. Pour ce faire, nous n’avons pas le choix, nous devons toujours effectuer des recherches booléennes.

Même un modèle de langage entraîné sur des dossiers juridiques ne suffirait pas : il générerait simplement de faux cas qui ressemblent aux cas réels sur lesquels il a été entraîné.

Maintenant, la bonne nouvelle…

De nombreux outils, notamment NotebookLM (ainsi que Lexis+ AI), vous permettent de téléverser des documents pour alimenter vos requêtes employant un modèle de langage. J’ai trouvé cela extrêmement utile. Avec NotebookLM, j’ai téléversé mes notes de cours et généré instantanément un résumé de trois pages pour mes étudiants. J’ai dû les peaufiner et les réviser, parfois de manière significative. Toutefois, avoir sous la main un premier jet me permet de gagner un temps considérable.

J’ai téléversé des cas, des articles de revues, des diapositives et généré des résumés et des aperçus étonnamment bons. Je pourrais facilement imaginer des juristes faire une requête sur l’un de ces outils à l’aide d’un modèle de faits ou d’un testament et demander au modèle de langage d’IA de rédiger des questions aux fins du contre-interrogatoire. Il pourrait résumer une poignée de cas et générer au moins une première ébauche d’une opinion ou d’un mémoire. Il pourrait rédiger des testaments, des contrats et bien plus encore.

Dans tous ces cas, vous devrez encore procéder à de nombreuses modifications et il y aura des erreurs subtiles dans les sommaires jurisprudentiels. Certaines nuances sont perdues en cours de route ou mal exprimées. Mais je constate d’une fois à l’autre que pour l’étape la plus difficile de bon nombre de ces tâches — démarrer avec une bonne première ébauche — l’IA simplifie énormément les choses. Ce que l’application fait vraiment bien est d’agir sur la base du matériel que vous lui fournissez, à condition que vous usiez de précision lorsque vous écrivez votre requête.

Cette technologie n’est certes pas parfaite, mais elle facilite grandement certaines tâches. Certaines avancées technologiques deviennent en effet réalité.