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La diversité dans les tests d’utilisabilité

Les développeurs de technologies juridiques doivent comprendre comment leur produit sera accueilli dans divers milieux.

Crowd at rush hour

En 2021, Denis Ram et ses camarades de la faculté de droit ont créé une application pour automatiser le processus de plainte contre la police dans le cadre d’un cours à l’Université de l’Alberta. L’objectif était de faciliter le processus et de réduire les barrières pour les personnes de couleur qui souhaitent soumettre une plainte contre la police. Grâce à la contribution du fonds d’innovation de la Ville de Calgary, l’équipe de Denis Ram est prête à passer à l’étape suivante.

Lorsque lui et son équipe de la Complete Complaints Foundation (CCF), le nouvel organisme sans but lucratif qui à gère l’application, ont décidé qu’il était temps de procéder au test d’utilisabilité, ils se sont tournés vers IncluCity Calgary, un autre nouvel OSBL offrant aux entreprises de technologie des services de test d’utilisabilité pensés pour la diversité.

Le test d’utilisabilité est l’un des grands oubliés du développement de technologies. La plupart des entreprises ne prennent pas soin de faire appel à un groupe d’utilisateurs aux capacités, origines ethniques et bagages linguistiques diversifiés pour tester leurs produits, alors que cela leur permettrait d’améliorer la conception pour différents publics.

« Les solutions technologiques sont souvent créées sans la contribution de leurs utilisateurs prévus, explique Geoff Zakaib, président d’IncluCity Calgary. Beaucoup d’entreprises qui démarrent, et même qui sont bien établies n’ont ni le temps ni l’argent pour tenir compte de la diversité au moment des tests d’utilisabilité. Parfois, elles font appel à une firme de marketing qui, à son tour, fait appel à des groupes de discussion, mais ceux-ci sont rarement représentatifs des utilisateurs néophytes, âgés, jeunes, etc. »

Après une première ronde de test, il a été décidé de fignoler davantage l’application de plaintes contre la police : langage clair, huit langues d’affichage, possibilité d’écouter les questions et de grossir le texte, et ajout de la jurisprudence à chaque section pour mieux éclairer le processus de plainte. L’objectif est que l’application remplace le système actuel de plaintes électroniques et même qu’un jour elle reçoive toutes les plaintes en Alberta.

« Nous voulions recourir aux services d’IncluCity pour vraiment améliorer notre application et tester sa viabilité, précise Denis Ram, qui est aujourd’hui directeur général de la CCF. Jusqu’ici, la rétroaction est bonne. »

IncluCity rémunère ses testeurs grâce à du financement des secteurs public et privé. Comme les tests n’ont généralement pas lieu dans un bureau aux heures normales de travail, ce sont les bénévoles d’IncluCity qui se déplacent pour rencontrer les testeurs. Ces derniers utilisent leur appareil personnel à partir du lieu de leur choix, comme un café ou une bibliothèque. Certains, plus occupés, peuvent également tester le soir et la fin de semaine. IncluCity couvre également les frais de garde et de transport.

« Nous savons que tout le monde interagit avec la technologie, par choix ou par obligation, indique Geoff Zakaib. Si l’on ne tient pas compte de la diversité des voix au projet, ça ne va pas bien. Il faut écouter les différents points de vue et l’opinion de chacun. »

IncluCity a pour modèle le programme de test d’utilisabilité inclusif GRIT en place depuis 2017 chez Code for Canada, un organisme qui travaille avec des organismes publics et privés, notamment dans le marché des technologies financières.

L’organisme fait partie prenante de la mouvance croissante des technologies civiques, dans le cadre de laquelle des technologues, des développeurs et des fonctionnaires collaborent sur des projets pour la collectivité. Par exemple, les organisateurs communautaires de Civic Tech Fredericton ont créé RiverWatch, une application présentant au public les prévisions de crues sur trois jours. Il existe dix organismes de technologies civiques au Canada.

Code for Canada a vu le jour en 2017, lorsque Dorothy Eng, ingénieure en systèmes de marine, a réuni quelques amis à Toronto pour discuter de technologies civiques.

« Nous tenions l’un de nos marathons de programmation, et des fonctionnaires du gouvernement de l’Ontario se sont présentés, curieux de nous voir travailler sur des projets gratuitement, raconte-t-elle. Je leur ai expliqué que oui, nous aimions mettre nos compétences au service de la collectivité. Nous avons ensuite décidé d’officialiser tout cela, avons obtenu du financement du gouvernement de l’Ontario, et souhaitons maintenant élargir sa portée d’un océan à l’autre. »

Il est difficile de convaincre les organisations d’en faire plus dans leurs tests d’utilisabilité, mais elles doivent en reconnaître l’importance, soutient l’ingénieure. Elles peuvent être tentées de faire appel à leurs employés, ce qui est problématique comme ils connaissent le système.

« Nous les aidons à voir par-delà leurs œillères. Pensent-ils aux véritables futurs utilisateurs de leur technologie, au public cible? Rappelons-nous que les gouvernements ont le mandat de créer des services qui sont accessibles à tous. »

Autrement, les organisations peuvent engager une entreprise de marketing pour faire les tests d’utilisabilité. Le défi est d’en trouver une qui veille à diversifier ses groupes de testeurs. PLATO Testing espère répondre à ce besoin en offrant les services de professionnels autochtones pour mener des tests d’utilisabilité, d’accessibilité et de compatibilité des logiciels.

Le but n’est pas de représenter absolument tout le monde, mais on recherche quand même la plus grande diversité possible afin que la technologie soit adaptée à la collectivité. C’est une mission que s’est donnée IncluCity.

« On peut définir les publics de nombreuses façons, rappelle Geoff Zakaib. Et ça peut devenir écrasant lorsqu’on réalise le nombre de publics souvent sous-représentés, comme les immigrants, les personnes âgées, les jeunes, les personnes handicapées, les Autochtones, les gens expérimentés, et j’en passe. Ce n’est pas une mince affaire d’inclure tout le monde, mais il faut tout de même avancer vers cette inclusivité et oser se lancer. »