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Faire ses premiers pas dans le métavers

Des cabinets franchissent la nouvelle frontière numérique.

Entering the metaverse

Le métavers fourmille de gens en quête de produits, de services et de divertissement – ou même, dans certains cas, d’une personne pour les aider à résoudre leurs problèmes juridiques. À DecentraLand, une plateforme populaire du métavers, les bureaux du cabinet Grinhaus sont situés au -39 121 sur la route principale, près de l’université. Le cabinet partage ses locaux virtuels avec Outlier Solutions, une société américaine de conseil en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, et DGM Financial Group, une société de services financiers basée à la Barbade.

« Je pense que la présence d’un cabinet juridique donne une certaine légitimité et une certaine tangibilité à ce monde qui compte 800 000 habitants », dit Aaron Grinhaus, fondateur du cabinet Grinhaus, basé à Toronto. « Elle offre également aux gens qui fréquentent le métavers un endroit où discuter de nouveaux concepts et problèmes juridiques. »

Cette nouvelle frontière numérique offre de belles perspectives aux juristes et aux cabinets pour faire connaître leurs services et interagir avec leurs clients d’une nouvelle manière. Ils devront toutefois se méfier des risques et surveiller la façon dont ces mondes évoluent.

Mais commençons par le commencement. Le métavers est un terme passe-partout désignant les plateformes en ligne de réalité virtuelle et de réalité augmentée. Ces plateformes visent à créer une expérience immersive. Parmi les plateformes les plus populaires, on compte DecentraLand, Roblox (une plateforme de jeu) et Horizon Worlds (créée par Facebook).

En août dernier, la North American Securities Administrators Association a mis en garde les investisseurs contre des arnaques impliquant des biens immobiliers virtuels et des jetons non fongibles (NFT) dans le métavers. Comme pour la plupart des nouvelles technologies, la réglementation a un temps de retard sur les problèmes de sécurité et de protection des renseignements personnels. Les conditions d’utilisation de DecentraLand, qui compte plus de 800 000 utilisateurs, absolvent la plateforme de tout préjudice subi lors de l’utilisation de la plateforme. Selon Brent Arnold, associé chez Gowlings et spécialiste des litiges liés au métavers, le métavers est un Far West, mais cela ne devrait pas empêcher les juristes de s’y aventurer.

« Tôt ou tard, vous devrez vous frotter à cette technologie. Vos concurrents s’y trouveront, tout comme vos clients. » Il prédit que des clients magasineront leurs services dans le métavers, y compris leurs services juridiques.

La communication avec les clients est l’une des raisons pour lesquelles le cabinet Grinhaus est entré dans le métavers. Me Grinhaus se dit surpris de l’intérêt « mondial » suscité par le bureau virtuel de son cabinet depuis son ouverture au début de l’année. « J’avais totalement sous-estimé à quel point les juristes seraient réceptifs au concept du métavers. Dès que nous avons annoncé notre bureau de DecentraLand, des personnes du monde entier nous ont contactés. Au cours des premiers mois de cette année, je me suis adressé à des groupes de juristes. »

La plupart des entreprises voient dans le métavers un moyen d’améliorer l’expérience d’achat. Valspur, un fabricant de peinture, a créé une maison virtuelle que les visiteurs peuvent décorer de l’une de ses douze couleurs de l’année. Les marques de luxe comme Gucci ont ouvert des boutiques virtuelles où l’on peut acheter des articles virtuels pour son avatar ou des articles réels pour soi-même. Les universités mettent des cours à l’essai dans le métavers. Le concept d’interaction dans le monde numérique n’est pas nouveau, explique Me Grinhaus.

« Les gens ne réalisent pas qu’ils interagissent déjà quotidiennement avec le métavers, et ce depuis des années. Notre plan à long terme est de continuer d’utiliser ces nouvelles technologies pour interagir avec les clients et les autres professionnels, alors que les plateformes actuelles – celles de Meta (Facebook), Twitter, Amazon, etc. – absorberont graduellement la communauté mondiale. »

Faire son entrée dans le métavers comporte toutefois des risques. Il est important de l’aborder avec la même prudence et la même curiosité que les médias sociaux. Tout comme les juristes ne donneraient pas de conseils juridiques sur les réseaux sociaux, ils ne devraient pas en donner dans le métavers. Me Grinhaus recommande aux juristes de ne jamais perdre de vue la confidentialité des communications avec les clients lorsqu’ils interagissent dans le métavers. La plupart des plateformes du métavers acceptent les paiements virtuels en cryptomonnaies. Les mêmes règles s’appliquent alors concernant l’identification des clients ou la comptabilité de fiducie.

La meilleure façon de comprendre le métavers est d’y mettre les pieds. Commencez par vous créer un compte d’invité sur l’une de ses nombreuses plateformes. On vous demandera alors de créer un avatar. Pour aller plus loin, vous devrez vous créer un compte d’utilisateur, jumelé à un portefeuille de cryptomonnaie. Me Arnold – dont l’avatar porte un kilt et une coiffure mohawk – suggère aux juristes de se doter d’un compte DecentraLand (ce qui nécessite d’avoir un portefeuille de cryptomonnaie) et d’y aller par étapes. Votre cabinet pourrait, par exemple, acheter des panneaux d’affichage pour se faire connaître avant de décider d’ouvrir un bureau.

« Vous n’êtes protégé que dans la mesure exacte où l’est aussi la plateforme que vous utilisez, prévient Me Arnold. Dans le cas d’un site Web, on peut contrôler le serveur qui l’héberge. Mais dans le métavers, on n’a pas ce genre de contrôle. Le métavers est utile pour promouvoir ses services et prendre contact. C’est une nouvelle façon de se faire connaître. »

La clé pour apprivoiser le métavers est d’être prêt à essayer de nouvelles choses. Même si le secteur juridique n’est pas connu pour son adoption précoce des nouvelles technologies, il s’agit d’une belle occasion pour les juristes d’explorer de nouvelles voies. « Faites preuve de souplesse, conseille Me Arnold. Vous perdrez peut-être un peu d’argent. Ce n’est pas mauvais. Il s’agit d’une phase d’expérimentation. »