Passer à l’action
Quand le temps est venu d’exécuter un plan stratégique.
Lorsque je pense au travail à faire pour exécuter le plan stratégique d’un cabinet, je me rappelle un livre sur les affaires dont le titre avait retenu mon attention au premier coup d’œil : Hope Is Not A Strategy (« L’espoir n’est pas une stratégie »)!
Pour transformer avec succès de bonnes intentions en actions concrètes, on doit parfois surmonter plusieurs obstacles courants. Si l’on y réfléchit à l’avance, il devient plus facile de sauter le pas.
1. Passer harmonieusement de la stratégie à l’exécution
D’après mon expérience, c’est là le plus gros obstacle. Planifier n’équivaut pas à agir. Malheureusement, certains associés croient qu’exécuter la stratégie et « mettre la main à la pâte » sont des tâches indignes d’eux. Ils font comme s’il valait mieux déléguer la mise à exécution aux non-juristes du cabinet. Selon cette façon de penser, un groupe s’occupe de trouver des stratégies novatrices (les « théoriciens »), puis renvoie la balle aux échelons inférieurs. Si les choses tournent mal, la faute retombe sur les « exécutants », qui, pour une raison quelconque, n’ont pu concrétiser un plan sans faille.
En fait, la stratégie et l’exécution devraient être interdépendantes et cycliques : les résultats de l’élaboration du plan stratégique orientent alors les efforts d’exécution, qui à leur tour exigent une réflexion sur leurs implications stratégiques. Voilà pourquoi l’exécution nécessite la participation active des associés qui se sont réunis pour concevoir la stratégie au départ. J’ai constaté à maintes reprises que, si les associés à l’origine de la stratégie ne sont pas chargés de l’exécuter, il en résulte un décalage qui compromet le transfert des connaissances, la volonté d’arriver aux résultats escomptés, et l’ensemble du processus d’exécution.
2. Avoir un seul responsable
Il ne faut pas oublier de préciser les responsabilités associées à chaque stratégie et initiative.
Chaque membre du comité d’exécution stratégique (auparavant, le comité de planification stratégique) doit se proposer pour assumer la responsabilité d’une certaine mesure à prendre et s’occuper de mobiliser les bons associés et employés du cabinet. L’idée n’est pas d’obliger les gens à faire le travail eux-mêmes (c’est leur choix), mais bien de les rendre responsables de son exécution.
3. Se défaire des « devrait »
Pour beaucoup de cabinets, l’un des problèmes omniprésents dans l’exécution de la stratégie est la présence de formulations, de mesures et de mécanisme de suivi ambigus. Quand je regarde l’ancien plan stratégique d’un cabinet quelconque, je suis toujours étonné d’y lire des phrases comme : « Nous entendons nous démarquer clairement du lot. » Je pense aussi à cet énoncé de stratégie des plus éloquent : « Nous devrions créer une image positive très visible dans les marchés où nous voulons absolument être un premier choix. » Ou encore, « Nous devrions systématiser l’offre croisée de services d’autres domaines de pratique en facilitant la recherche d’occasions. » Si ces visées sont peut-être très nobles en principe, elles n’indiquent en rien comment procéder.
Dans le flou, l’exécution stratégique devient un travail sans but; le moral et le soutien flanchent rapidement. Mais quand les choses sont claires, on peut créer des tâches et des routines qui font avancer des mesures progressives dans une vision globale de l’intention et de la responsabilité.
4. Faire intervenir le plus d’associés possible
Une exécution efficace passe par plusieurs intervenants. Il faut toujours plus de gens qu’à l’étape de la planification initiale; la communication au sein du cabinet ou entre différents groupes de pratique constitue alors un ingrédient important. Cela dit, il peut devenir difficile d’établir des liens entre les objectifs stratégiques et les objectifs quotidiens de différents bureaux et groupes de pratique. Plus il y a d’acteurs, plus l’exécution se complexifie, mais c’est précisément de cette participation que sont tributaires l’harmonisation des efforts et la réussite du projet.
5. Réfléchir à l’ordre des plans d’action
Imaginons un bon repas gastronomique. On ne prend pas le dessert en premier; en fait, si les plats sont servis dans le mauvais ordre, c’est toute l’expérience gustative qui est ruinée. Pour mener à bien une stratégie, on doit faire les choses dans le bon ordre, au bon moment et au bon rythme.
Parfois, il faut orienter le travail d’exécution en pensant à sa répartition dans le temps. Quel serait le meilleur moment pour exécuter certains éléments? Vais-je trop vite? Les plans d’action se trouvent-ils dans le bon ordre?
6. Tenir des rencontres mensuelles
L’exécution demande un temps fou, généralement même plus que les heures et semaines passées à planifier. Il peut en découler des répercussions énormes sur les prévisions de temps facturable et les obligations auprès des clients pour les associés et les autres intervenants. Pour garder le cap, cela prend de l’endurance.
Il ne s’agit pas d’un bref sprint chaque trimestre, mais bien d’un marathon. L’exécution exige de persévérer en y allant petit à petit; on ne peut la déléguer facilement. Pour les membres de votre comité d’exécution, le défi sera de concilier, d’une part, le caractère urgent des activités et obligations auprès des clients au quotidien, et d’autre part, l’importance de préparer l’avenir.
Il y a une vieille blague qui dit : si l’on donne un projet à un avocat en lui demandant de faire un compte rendu d’ici vendredi, c’est sûr qu’il commencera à y travailler… jeudi. Compte tenu de cette mentalité, la seule solution possible est de réunir le groupe responsable de l’exécution tous les mois, en prévoyant des délais serrés.
7. Faire appel à un spécialiste s’il y a lieu
Il arrive qu’un cabinet effectue correctement sa planification stratégique, pour ensuite ne pas trop savoir comment transformer un élément particulier de son plan en activités exécutables. Par exemple, il est judicieux de chercher à créer des équipes client pour offrir un meilleur service et rapport qualité-prix à certains des plus gros clients de l’entreprise. Or, pour trouver le meilleur moyen d’assurer l’efficacité de ces équipes, on devra peut-être recourir à un spécialiste de l’extérieur. Dans ces situations, il faut faire appel à la meilleure personne possible pour informer les professionnels du cabinet ou s’ajouter à l’effectif.
8. Mesurer constamment les progrès
Allouez des ressources et des budgets à chaque initiative. Trouvez un moyen (comme un tableau de bord prospectif) de mesurer les résultats. Concentrez-vous sur les indicateurs de tendance, et utilisez un nombre limité de paramètres qui suffisent toutefois à orienter les objectifs. Surveillez continuellement l’exécution pour vous assurer que la stratégie génère les retombées attendues.
Il faut bien l’admettre : s’il y avait un secret ou un raccourci pour bien exécuter la stratégie d’un cabinet, tout le monde en profiterait. Mais ce n’est malheureusement pas le cas. Le processus exige une persévérance à toute épreuve et beaucoup de temps non facturable. La bonne nouvelle? La plupart de vos concurrents n’y arriveront pas. Saurez-vous tirer votre épingle du jeu pour récolter les bénéfices?