S’engager pour la réforme du droit
On peut plaider en faveur d’améliorations importantes au droit tout en apprenant à mieux exercer son métier.
Grâce aux efforts soutenus de membres bénévoles dévoués, la Section du droit pénal de l’ABC a joué un rôle majeur dans la modification des lois canadiennes prévoyant des peines minimales obligatoires (PMO), notamment en proposant des amendements au projet de loi C-5, qui serait adopté en novembre 2022.
« Le Canada était le seul pays de common law à appliquer des peines minimales obligatoires sans prévoir de soupape de sécurité », explique Eric Gottardi, associé principal chez Peck and Company à Vancouver et membre à titre particulier de la Section du droit pénal de l’ABC. En proposant l’adoption d’un processus servant de « soupape de sécurité », les juristes de la section ont voulu préserver un certain pouvoir judiciaire discrétionnaire dans les cas où la PMO prévue entraînerait des contraintes excessives ou une peine disproportionnée.
Les PMO peuvent sembler intéressantes et sont souvent populaires auprès du public, explique Me Gottardi. Après leur adoption par le premier ministre conservateur Stephen Harper, qui voulait durcir le ton en matières pénales, il semblait peu probable que les PMO puissent être abrogées. « Nous devions donc trouver des moyens créatifs de travailler dans l’espace de la réforme du droit, sachant que notre position de départ – qui était que cette idée est simplement mauvaise et qu’il faut s’en défaire complètement – ne nous mènerait nulle part. »
Dans son mémoire à l’appui du projet de loi C-5, la Section a proposé de retirer plusieurs PMO du Code criminel et toutes les PMO de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances; de rétablir les ordonnances de sursis pour de nombreuses infractions; et de mettre en place un programme de déjudiciarisation pour les infractions de possession simple de drogues.
Le projet de loi « prévoit des mesures importantes en vue de réformer le Code criminel pour favoriser une procédure de détermination de la peine fondée davantage sur la preuve et les principes », peut-on lire dans le mémoire. « Ces politiques de répression de la criminalité se sont révélées être de mauvaises stratégies. Elles ont notamment entraîné l’accroissement des retards que connaît le système et n’ont fait qu’accentuer la surreprésentation des personnes marginalisées dans le système. »
La section a retenu plusieurs façons créatives de promouvoir ces changements dans l’espace de la réforme du droit. L’un de ses membres a assisté à la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada en tant que représentant de l’ABC et a coprésidé un panel avec un procureur de la Couronne, proposant conjointement que le Canada se dote d’une soupape de sécurité. Une telle mesure « préserverait un peu de discrétion judiciaire, même en présence d’une PMO, si la PMO entraînait une contrainte essentiellement excessive ou une peine vraiment disproportionnée », résume Me Gottardi. La section a également fait adopter des résolutions par l’ABC qui ont été soumises au ministre de la Justice comme des points de réforme du droit.
La section est par ailleurs intervenue devant la Cour suprême dans deux affaires portant sur les PMO, R. c. Nur et R. c. Lloyd, pour faire valoir que le Canada était le seul pays de common law sans soupape de sécurité, mentionne Me Gottardi. Un argument dont la Cour a tenu compte dans son analyse. « Nous avons vu une série de peines minimales obligatoires à travers le pays être annulées dans les années qui ont suivi les arrêts Nuret Lloyd », souligne Me Gottardi.
La Section du droit pénal avait fait de ces interventions l’un de ses objectifs plusieurs années plus tôt. « C’était vraiment excitant et gratifiant d’adopter une approche à long terme pour essayer d’atteindre des objectifs que nous ne pouvions pas atteindre immédiatement en essayant de faire pression sur les députés conservateurs », confie Me Gottardi.
Kevin Westell, directeur de Pender Litigation à Vancouver et président de la Section du droit pénal de l’ABC, témoigne du fait que le bénévolat occupe une place importante dans sa vie professionnelle depuis près de dix ans. « Participer à des projets de réforme du droit aussi importants donne un tout autre sens à ma pratique. »
En effet, s’impliquer à l’ABC offre à la fois la possibilité de contribuer à la réforme du droit canadien, et pour les jeunes juristes, d’excellentes occasions de mentorat. Selon Me Westell, les juristes peuvent intervenir, être entendus et contribuer aux prises de position de l’ABC en matière de politiques publiques. « On pourrait vous demander de faire des choses comme diriger la rédaction d’un mémoire ou même aller témoigner devant un comité du Sénat ou de la Chambre.
Si vous vous en tenez à cela, que vous travaillez dur et que vous vous y appliquez, vous aurez la chance d’entrer en contact et de dialoguer avec les personnes qui influencent et façonnent le droit pénal dans ce pays et la façon dont il évolue. La possibilité d’entendre et de voir ce que font les autres est extrêmement précieuse. »
Me Westell croit par ailleurs que le bénévolat est un élément essentiel de la profession juridique. « Cela fait partie de la façon dont nous redonnons à la profession, et aussi du caractère unique de la profession juridique. » Il a rencontré des personnes aux points de vue variés et échangé avec elles, que ce soit des avocats et avocates de la défense, des avocats et avocates de la Couronne ou des conseillers et conseillères juridiques du gouvernement chargés de la rédaction législative ou de l’élaboration de politiques pénales.
Effectuer le travail dans le respect des échéances peut être extrêmement intense, mais selon lui « l’enrichissement de notre vie personnelle et professionnelle vaut tout le temps que nous y consacrons ». Et il ajoute : « Cela a fait de moi un juriste plus solide et enrichit énormément ma vie professionnelle – et personnelle aussi. »
Les jeunes juristes devraient commencer à s’impliquer dès le début de leur carrière, dans la mesure où ils le peuvent, notamment dans les sections locales de l’ABC, recommande Me Westell. Avec le développement du télétravail favorisé par la pandémie, précise-t-il, il est plus facile que jamais de s’impliquer dans toutes les régions du pays. Selon lui, les avantages sont énormes, comme l’établissement de relations avec des juristes dans diverses villes et la lecture de rapports d’autres provinces et territoires sur la façon dont on y interprète différentes questions.
Il y a aussi la fierté tirée du travail accompli, ajoute Me Westell, qui souligne que la section est particulièrement bien placée pour parler avec autorité des questions de réforme du droit. « Nous sommes une organisation nationale, nous sommes actifs aux quatre coins du pays, et nos membres sont issus tant de la poursuite que de la défense. C’est une grande responsabilité et un grand privilège que de pouvoir plaider à partir de cette position. »