Passer au contenu

La possibilité que présente l’IA à l’arbitrage

Les tribunaux d’arbitrage peuvent ouvrir la voie à l’intégration de l’IA dans les procédures judiciaires.

Arbitration AI

Les menaces que représentent les robots d’IA pour la profession juridique font l’objet d’un débat animé. Quelle que soit l’issue de celui-ci, les tribunaux judiciaires et les tribunaux d’arbitrage doivent s’adapter et explorer les moyens optimaux d’intégrer cette technologie dans leurs opérations. Un rejet catégorique de l’IA n’est pas la solution. Nous devons plutôt déployer stratégiquement l’IA de manière mesurée pour soutenir le processus juridictionnel.

Les tribunaux d’arbitrage sont probablement mieux équipés pour cette tâche que les tribunaux judiciaires.

En effet, nous devons aller au-delà de la notion selon laquelle l’IA constitue une menace potentielle. L’IA est déjà à nos portes et nous l’utilisons régulièrement dans le cadre de litiges pour analyser et extraire les données de grands volumes de documents. Jusqu’à présent, sa portée se limitait principalement à l’identification de mots-clés ou de documents pertinents pour des fins de production. Toutefois, l’IA va désormais au-delà de la gestion documentaire et progresse vers une « justice prédictive ». Elle est désormais suffisamment sophistiquée pour analyser des cas et en déduire des probabilités permettant de trancher une affaire.

Un algorithme d’IA peut passer au crible un important volume de documents et de plaidoiries et prédire un résultat avec une plus grande précision qu’un humain. Cela change la donne pour la profession. Le véritable défi consiste à déterminer dans quelle mesure l’IA peut être intégrée au processus juridictionnel et à identifier les limites de sa mise en œuvre.

Ce défi sera plus grand pour les tribunaux judiciaires, car ils sont enracinés dans un système juridique qui n’est pas suffisamment souple pour s’adapter aisément à ces technologies changeantes. Ils sont également confrontés à des contraintes imposées par les précédents et la tradition. Il est courant que les parties consacrent d’importantes sommes d’argent et d’énergie à la recherche d’éléments de preuve décisifs, même si ceux-ci ont rarement un impact significatif sur l’issue des affaires. Il est peu probable que notre système juridique permette à l’IA de jouer un rôle dans l’exercice du pouvoir judiciaire discrétionnaire.

Il y a quelques années, dans State v. Loomis, une affaire du Wisconsin, le juge chargé de la détermination de la peine a utilisé des algorithmes d’IA pour comparer sa décision sur la détermination de la peine avec un score de probabilité généré par ordinateur afin d’évaluer si une personne donnée serait susceptible d’être un récidiviste. La décision a été contestée devant la Cour suprême du Wisconsin, qui a estimé que l’utilisation d’un algorithme d’IA par le juge était autorisée puisqu’il n’utilisait l’outil qu’à des fins d’information et non dans le cadre du processus décisionnel.

C’est une autre histoire dans les affaires soumises à l’arbitrage. Les parties sont libres de convenir mutuellement d’être liées par une décision générée par l’IA, en tout ou en partie. Elles peuvent structurer un processus qui respectera l’égalité et l’équité et leur permettre de soumettre des preuves à l’attention de l’outil d’IA. Le cadre d’arbitrage législatif n’empêche pas une utilisation mesurée de l’IA, ce qui va bien au-delà de ce que les tribunaux traditionnels pourraient tolérer.

Est-ce qu’une telle utilisation de l’IA pourrait porter atteinte au droit fondamental d’être entendu, profondément inscrit dans le droit de l’arbitrage? C’est un argument qui devra être testé devant les tribunaux judiciaires. Pour l’instant, il n’y a aucune raison pour que les parties à un arbitrage ne puissent pas négocier un accord permettant de garantir l’égalité et l’équité. Le droit de l’arbitrage permet ainsi l’utilisation de l’IA d’une manière qui n’est pas autorisée devant les tribunaux judiciaires.

À cet égard, il existe une opportunité pour les tribunaux d’arbitrage puisqu’ils sont particulièrement bien placés pour adopter l’IA d’une manière beaucoup plus réactive que les tribunaux judiciaires. En arbitrage, les parties négocient des conditions adaptées à leur cas spécifique, ce qui rend le processus plus adaptable. Cette flexibilité permet aux parties d’adopter une approche rationnelle dans laquelle les coûts marginaux s’alignent mieux sur les gains marginaux. Elles peuvent ainsi renoncer à leurs droits et à certaines procédures au profit d’un processus de règlement des différends équilibré. De nombreuses permutations existent, de l’utilisation de l’IA pour trancher une question technique à son déploiement pour trancher l’ensemble d’un différend. La communauté de l’arbitrage doit commencer à réfléchir à ces possibilités et au fait qu’elle est particulièrement bien placée pour s’adapter à la technologie. Quant aux tribunaux judiciaires, ils se tourneront vers le monde de l’arbitrage et, espérons-le, procéderont à leurs propres ajustements en conséquence.