Que vous les appréciiez ou non, la plupart des gens reconnaissent que les tatouages représentent une forme d’art. Les œuvres artistiques originales, telles que les peintures, les gravures et les dessins, sont protégées par la Loi canadienne sur le droit d’auteur. On peut raisonnablement supposer que les tribunaux étendront, le moment venu, la même protection aux tatouages — les tribunaux américains ont estimé que le droit d’auteur s’appliquait aux tatouages originaux.
En supposant que les tribunaux canadiens suivent l’approche américaine, le droit d’auteur sur un tatouage fournirait un droit exclusif de reproduire ce tatouage ou toute partie substantielle de celui-ci. Par conséquent, une reproduction non autorisée du tatouage constituerait une violation. Il peut s’agir, par exemple, d’une tatoueuse ou d’un tatoueur qui crée un tatouage en copiant une œuvre d’art existante ou le tatouage d’un autre tatoueur. Par conséquent, les tatoueuses et tatoueurs doivent éviter de copier des images ou des tatouages protégés.
La photographie d’un tatouage peut également constituer une reproduction contrefaite. De même, l’affichage du tatouage dans un film ou sur des avatars dans un jeu vidéo ou dans le métavers peut constituer une violation. Par exemple, un jury du district sud de l’Illinois a ordonné à un créateur de jeux vidéo de payer une tatoueuse pour avoir affiché les tatouages du lutteur Randy Orton dans un jeu vidéo. Les décisions américaines concernant les tatouages semblent dépendre des faits : le même défendeur a réussi à faire rejeter une autre plainte alléguant la contrefaçon de tatouages de joueurs de basket-ball connus dont les portraits figuraient dans le jeu NBA 2K. La plainte a été rejetée en partie en raison de la nature minimale de la copie et du fait que le salon de tatouage avait accordé aux joueurs des licences implicites pour l’utilisation des tatouages. Les lecteurs se souviendront peut-être aussi du procès intenté aux États-Unis contre les producteurs du film Lendemain de veille 2 pour la reproduction non autorisée du tatouage facial de Mike Tyson. La plainte a toutefois été réglée à l’amiable.
Alors, qui détient les droits d’auteur sur un tatouage? En règle générale, la tatoueuse ou le tatoueur est considéré comme titulaire des droits, à moins que cette personne n’ait été un membre du personnel au moment de la création de l’œuvre. Dans ce cas, l’employeur peut être le titulaire des droits. Toute personne souhaitant recréer ou afficher un tatouage doit obtenir une licence du propriétaire des droits du tatouage ou l’acquérir par cession. La tatoueuse ou le tatoueur possède également des droits moraux sur le tatouage, qui comprennent le droit à l’intégrité de son travail et le droit d’être associée ou associé à son travail. La violation des droits moraux constitue une plainte distincte de la violation des droits d’auteur. Au Canada, les droits moraux ne peuvent pas être cédés, mais il est possible d’y renoncer. Alors, la prochaine fois que vous vous ferez tatouer, pensez à obtenir du tatoueur une renonciation à ses droits moraux ainsi qu’une licence ou une cession des droits d’auteur. Toute personne souhaitant utiliser son image dans des jeux vidéo ou dans le métavers devrait le faire afin d’éviter toute réclamation juridique à l’avenir.
Quelle approche le Canada prendra-t-il vis-à-vis des tatouages? Il est probable qu’un tribunal canadien rende bientôt une décision sur les droits d’auteur et les tatouages, en particulier dans la mesure où l’utilisation d’avatars et du métavers se développe. Une autre question importante à prendre en compte est l’appropriation d’éléments culturels dans les tatouages. On parle d’appropriation lorsqu’un élément est extrait de son contexte culturel et utilisé dans un autre. Par exemple, que se passe-t-il si un tatouage, qui est protégé par le droit d’auteur, comprend également des motifs autochtones? L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle négocie actuellement un instrument juridique international visant à protéger, par le biais du droit de la propriété intellectuelle, les expressions culturelles traditionnelles telles que les dessins, les signes et les symboles. Il est permis de penser que cet instrument juridique proposé inclurait les tatouages autochtones. Toutefois, le processus de négociation est en cours depuis de nombreuses années et ne devrait pas être résolu de sitôt. En attendant, la méthode la plus probable pour résoudre ce problème d’utilisation non autorisée serait de recourir aux droits d’auteur.
Cet article a été initialement publié par la division de la Colombie-Britannique de l’Association du Barreau canadien dans BarTalk.