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« Une nouvelle ère de l’application de la loi en matière de concurrence »

Le commissaire de la concurrence dit aux juristes de s’accrocher solidement face aux changements « attendus depuis longtemps » qui ont été apportés à la Loi sur la concurrence.

Competition Commissioner Matthew Boswell
Photo de John Major

Matthew Boswell, commissaire de la concurrence, a dit « attachez votre ceinture » à l’élite des juristes du pays en droit de la concurrence et de s’attendre à « une autorité plus agressive et plus active ». En effet, le Bureau de la concurrence va appliquer les changements majeurs récemment apportés à la Loi sur la concurrence.

C’est « une nouvelle ère de l’application de la loi en matière de concurrence », a-t-il dit à Ottawa lors de la Conférence d’automne de l’ABC sur le droit de la concurrence, dans son premier discours important depuis que le dernier train de modifications à la Loi a été adopté par le Parlement en juin dernier.

Malgré la résistance des grosses industries et la grogne de nombreux juristes au sujet de l’ampleur et de la rapidité des changements, Me Boswell insiste : cette réforme était depuis longtemps nécessaire et bénéficie d’un grand soutien du public.

« Le large consensus sur la nécessité d’une réforme n’est pas nouveau. Le sentiment que le Canada doit en faire davantage pour favoriser la concurrence est présent dans tous les esprits depuis un certain temps. »

Il a fait observer que les modifications proposées dans les projets de loi omnibus adoptés en 2022, 2023 et 2024 avaient reçu l’appui unanime de tous les partis à la Chambre des communes.

Pour Me Boswell, la nouvelle Loi signifie en gros que le Canada rattrape les puissances comme les États-Unis, l’Union européenne et l’Australie dans la lutte contre la concentration économique.

« Cela met fin à ce qui était […] comme l’a décrit l’un de mes prédécesseurs, “les mesures législatives sur les fusions les plus faibles de tous nos pays pairs” ».

Me Boswell a lui-même été le plus grand défenseur des changements. Il a d’abord réclamé une refonte de la Loi il y a trois ans. Il est manifestement heureux du résultat, mais s’est aussi efforcé de rassurer son auditoire en précisant que les changements n’avaient rien d’extrême.

« Cette nouvelle ère de l’application de la loi en matière de concurrence doit être considérée comme un changement générationnel, plutôt que comme un changement radical », a-t-il dit.

Les modifications apportées comprennent notamment la criminalisation des accords de fixation des salaires, une forte augmentation des amendes, l’élimination de la défense obsolète des gains en efficience, et le renforcement des règles relatives à l’abus de position dominante, aux indications de prix partiel et aux déclarations environnementales non fondées.

Me Boswell a exprimé précisément ce à quoi, d’après lui, les juristes devraient s’attendre du Bureau sous le nouveau régime législatif.

  1. Plus de mesures d’application de la loi. Selon lui, le Bureau se fera plus actif, d’autant plus que la loi prévoit un régime d’accès privé élargi, ce qui augmente les possibilités d’actions. « Cela signifie que les comportements anticoncurrentiels ne passeront plus entre les mailles du filet, comme c’était le cas auparavant […] »
     
  2. Mise en application plus rapide. Toujours selon lui, la nouvelle Loi amène une simplification qui accélérera les enquêtes du Bureau, éliminant les fastidieux paragraphes de formules mathématiques auparavant nécessaires pour évaluer une fusion. Désormais, les résultats seront davantage fondés sur le bon sens.
     
  3. Renforcement des mesures correctives. La nouvelle Loi prévoit des amendes et pénalités maximales plus élevées, et désormais, les demandeurs privés pourront obtenir réparation en s’adressant au Tribunal de la concurrence. « Cela signifie que l’époque des sanctions financières absurdement faibles est révolue », se réjouit-il.
     
  4. Application davantage axée sur les personnes. La Loi reflète mieux les besoins actuels du public canadien en ouvrant la porte aux litiges d’intérêt public. Elle reconnaît l’importance de la concurrence pour les travailleurs, ce dont témoignent les nouvelles infractions de fixation des salaires et la protection accrue des consommateurs contre les pratiques commerciales trompeuses.
     

Au sujet des fusions, Me Boswell a dit que rien ne changerait pour la grande majorité des transactions simples. Ces dossiers seront réglés rapidement. Il rappelle qu’il y a environ 3 000 fusions par année au Canada, et que l’obligation de déclaration ne s’applique qu’à quelque 200 d’entre elles.

Désormais, les exigences de préavis de fusion s’appliqueront à un plus grand nombre de fusions, et quand le Bureau demandera une injonction, la fusion ne pourra pas être conclue tant que l’injonction n’aura pas fait l’objet d’une décision.

« On peut s’attendre à une plus grande dose de bon scepticisme à l’égard des projets de fusion dans les secteurs concentrés », prévient-il. Il ajoute que le Bureau sévira durement contre les « transactions malavisées » qui sont une menace pour la concurrence.

« Dans cette nouvelle ère, ces idées ne devraient jamais quitter la salle du conseil d’administration. »

Certes, « il n’est pas mauvais d’être grand », pourvu que le développement soit guidé par l’innovation et la concurrence équitable. Il précise que le nouveau régime permettra au Bureau de définir des règles et de proposer « des sanctions significatives en cas d’infraction ».

Me Boswell promet aussi une application de la Loi plus musclée contre les pratiques commerciales trompeuses. À titre d’exemple, il signale l’amende record de 38,9 millions de dollars imposée récemment par le Tribunal de la concurrence à Cineplex Inc., qui a induit ses clients en erreur en omettant d’indiquer le prix complet de billets achetés en ligne.

La chaîne de cinéma n’avait pas indiqué les frais de service supplémentaires de 1,50 $ par billet. Cineplex compte porter la décision en appel.

Cette amende, que l’augmentation des pénalités maximales dans la Loi a rendue possible, envoie selon lui « un message fort : les entreprises ne doivent pas pratiquer l’indication de prix partiel et doivent afficher d’emblée leurs prix complets chaque fois que des frais supplémentaires sont obligatoires ».

Quant aux nouvelles dispositions sur l’écoblanchiment, il rappelle que la Loi interdit ces pratiques trompeuses depuis longtemps, citant l’exemple de Keurig Canada, qui a accepté en 2022 de verser une pénalité de trois millions de dollars pour des déclarations trompeuses concernant la recyclabilité de ses dosettes de café à usage unique.

Plus tard, pendant la période des questions, Me Boswell s’est opposé à l’affirmation voulant qu’une partie des modifications cible certains secteurs comme l’énergie et les épiciers.

« La disposition contre l’écoblanchiment est universelle. Elle s’applique à toutes les déclarations environnementales, quel que soit le secteur de l’économie. »

Il a tenu à rassurer son public en disant que certaines choses restaient inchangées, que le régime de droit concurrentiel ne fonctionnait pas secteur par secteur et n’était pas un système de contrôle des prix. Le cours normal de la loi continue de s’appliquer, tout comme les exigences rigoureuses quant à la preuve, et ce, afin de garantir l’équité et d’écarter les procédures infondées.

Pour la suite des choses, Me Boswell annonce que le Bureau va bientôt lancer un examen complet de ses lignes directrices pour l’application de la loi en ce qui concerne les fusions. Dans les semaines à venir sera publié un document de discussion. Une ébauche des lignes directrices révisées suivra, de même qu’une demande de consultation des parties intéressées.

Le Bureau en est aussi à examiner les dispositions sur les pratiques environnementales trompeuses, et il sollicite de la rétroaction. Pour ce qui est du cadre d’action privée, qui a de beaucoup élargi les voies de recours pour les parties privées, notamment les groupes de défense de l’intérêt public (disponible uniquement en anglais), on prévoit de mettre à jour le bulletin des procédures d’accès privé à la lumière de ces changements.

Me Boswell termine par la déclaration suivante :

« Ces changements étaient attendus depuis longtemps, et il m’appartient désormais, en tant que commissaire de la concurrence, de veiller à ce qu’ils soient mis en œuvre d’une manière qui réponde aux attentes élevées du public canadien et des parlementaires. »