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Sociétés d’acquisition à vocation spécifique

En dehors de certains secteurs très spécialisés, les SAVS n’ont pas encore de réelle importance au Canada.

Wall St.

« Si vous n’avez pas votre propre SAVS », dit Peter Atwater, ancien chef du financement des actifs de J.P. Morgan « vous ne comptez pas ».

Désormais, même ceux qui ne comptent pas ont entendu parler des SAVS, sociétés d’acquisition à vocation spécifique, la toute nouvelle tendance incontournable dans le domaine des investissements. La compagnie d’exploration spatiale Virgin Galactic Holdings Inc. a utilisé une SAVS pour entrer en bourse en 2019. L’ancien président de la Chambre des représentants aux États-Unis, Paul Ryan, en possède une, tout comme c’est le cas de Shaquille O’Neal.

Pour rester dans le simple, les SAVS sont des réserves de liquidités sans droit de regard organisées par des groupes de fondateurs (commanditaires) et proposées au public au moyen d’offres initiales au public (OIP). Elles ont pour fonction de trouver des sociétés à acheter et à faire entrer en bourse. Une SAVS est inscrite en bourse après son OIP, et ses certificats d’actions au porteur se négocient en bourse avant qu’elle ne réalise son achat « admissible » d’une autre société.

Dans un processus d’OIP classique, une société qui souhaite lever des fonds en bourse doit déposer et obtenir un prospectus auprès des organes de réglementation et engager un placeur pour vendre les actions. « Au Canada, ce processus prend environ six mois », a dit Manoj Pundit, associé spécialisé en valeurs mobilières chez Borden Ladner Gervais s.e.n.c.r.l., s.r.l.

Le processus lié à la SAVS est plus rapide. Les SAVS trouvent leurs investisseurs au moyen de leurs propres OIP avant de trouver des sociétés à acheter. Une fois la SAVS créée, elle dispose d’une période limitée, 36 mois au plus, pendant laquelle trouver une société à acheter.

Les SAVS sont fréquemment décrites comme des sociétés « chèques en blanc » car leurs investisseurs ne savent pas ce qu’ils vont acheter. Ils se fient largement au sens des affaires des commanditaires qui leur permettra de trouver la bonne société à faire entrer en bourse et de le faire moyennant le juste prix. Certaines SAVS sont créées spécifiquement pour viser certains secteurs, par exemple les TI. D’autres pas.

« C’est une mise en commun sans droit de regard. Les actionnaires misent sur la crédibilité du commanditaire, a dit MPundit. Par conséquent, si les commanditaires font un piètre choix, le cours des actions pourrait diminuer. »

Les SAVS ne sont pas aussi populaires au Canada qu’elles le sont aux États-Unis. « Les gens ne s’emballent pas aussi facilement ici qu’aux États-Unis, a dit Simon Romano, associé chez Stikeman Elliott à Toronto. Les gens ont moins tendance à parier. »

« Je pense que les SAVS ont été créées pour régler un problème bien spécifique, soit pour donner une possibilité aux investisseurs de pénétrer dans le monde du capital privé, celui des riches investisseurs. »

James Munro, du cabinet McMillan s.e.n.c.r.l., s.r.l. à Vancouver, a récemment aidé des clients à mettre sur pied une SAVS axée sur l’acquisition d’une société américaine produisant du cannabis.

« Au Canada, les SAVS tendent à être axées sur une industrie ou un secteur particulier. Le risque pour l’investisseur est atténué lorsque chacun sait à l’avance ce à quoi il s’engage », a-t-il dit

Les sociétés américaines productrices de cannabis sont des cibles populaires pour les SAVS canadiennes, dit-il, parce que la bourse NEO Exchange, une bourse canadienne ayant un programme de SAVS, autorise l’inscription des émetteurs ayant des actifs américains dans le secteur du cannabis alors que ce n’est pas le cas des bourses américaines.

« Cela donne aux SAVS inscrites à la NEO Exchange un avantage stratégique », a-t-il dit.

Les SAVS promettent aux investisseurs non institutionnels un accès à de nouvelles actions très recherchées. « Les sociétés qui sont visées par les SAVS tendent à être celles qui se trouvent normalement hors de la portée des investisseurs ordinaires, a dit Me Pundit. Lorsque ces sociétés se transforment en sociétés ouvertes, leurs actions tendent à être très rapidement achetées par de grands investisseurs institutionnels et des amis bien renseignés. »

Toutefois, l’opération n’est pas sans risque pour l’investisseur ordinaire ne pouvant placer que 100 000 dollars. En circonvenant le processus classique d’OIP, les SAVS se passent de l’examen autrement effectué par un placeur. « Les actionnaires se fient à la réputation du commanditaire quant à la diligence et à ses antécédents dans le domaine, a dit Me Pundit. Sauf les fonds levés par la SAVS dans l’OIP, la crédibilité du commanditaire est son seul actif. »

Certaines SAVS échouent à la dernière étape, soit celle de trouver une société à acquérir, a dit Norbert Knutel, associé dans le cabinet Blake, Cassels & Graydon s.e.n.c.r.l., s.r.l. à Toronto.

« Pour une SAVS, la levée des fonds est généralement facile, mais ensuite, il faut les faire fructifier, et pour ce faire, il faut acquérir quelque chose. Et ce n’est pas toujours aussi facile que cela en a l’air », a-t-il dit.

« Je pense que pour un grand nombre des premières SAVS, les attentes différaient grandement de la réalité. Les gens pensaient que la clôture d’une SAVS serait plus facile qu’elle ne l’est en réalité », dit Me Knutel en parlant de l’opération qui a lieu après qu’une société visée a été trouvée pour fusionner avec l’acheteuse. « Il ne s’agit pas d’une fusion et acquisition typique puisque la SAVS a ses propres caractéristiques et particularités. Je pense que le secteur comprend désormais mieux le modèle et est mieux placé pour aller de l’avant. »

Parce que les commanditaires de la SAVS ont un échéancier à respecter, « ils sont sous pression. Et oui, cela signifie qu’ils peuvent ne pas faire une affaire aussi bonne que possible », a dit MPundit.

Les sociétés qui sont pressenties par les SAVS pour une acquisition courent elles aussi des risques. Les actionnaires de ces « sociétés en exploitation » pourraient voir la valeur de leurs intérêts diminuer si les actions des SAVS sont surévaluées (ce qui peut arriver si les commanditaires des SAVS font partie des investisseurs très en vue qui tendent à faire bouillonner le marché). Parce que les SAVS ne suivent pas le processus de recherche de marché exigé pour une OIP classique, la détermination d’une valeur pour la société en exploitation peut s’avérer épineuse.

Les investisseurs des SAVS ont un droit de remboursement. Lorsqu’une SAVS annonce sa proposition d’acquisition admissible, les actionnaires peuvent se faire rembourser leurs actions au prix original payé lors de l’OIP plus les intérêts, si l’allure de l’opération ne leur plaît pas. Cela les protège pendant l’étape préalable à l’acquisition.

Ils peuvent en outre vendre des actions de la SAVS après l’OIP tout en conservant les bons de souscription, ce qui leur ouvre l’option d’acheter des actions à un prix fixe à l’avenir. Forbes a récemment signalé que les organes de réglementation américains envisagent de modifier la classification de certains bons de souscription sur les bilans financiers, les faisant passer de la catégorie du capital à celle des dettes, en fonction de leurs conditions; une nouvelle qui, selon les dires, freine déjà le marché américain des SAVS.

Alors, caveat emptor, les SAVS ne sont pas pour tout le monde. « Une certaine connaissance du secteur dans lequel vous vous engagez vous aidera, a dit Me Pundit. Cependant, il faut encore accorder sa confiance très aveuglément. »