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Vulnérables mais protégés défendre les droits des enfants

<p> 1991, le Canada ratifie la Convention relative aux Droits de l&rsquo;Enfant (CRDE). Les enfants ont-ils depuis un meilleur accès à la justice? Loin de là, pensent les juristes œuvrant dans ce domaine. Alors, ils font changer les choses.</p>

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«La CRDE [signée par 195 pays] est la convention la plus ratifiée au monde », affirme Christian Whalen, défenseur adjoint et conseiller juridique principal, Bureau du défenseur des enfants et de la jeunesse au Nouveau-Brunswick, et à l’ABC, président du Comité sur le droit des enfants.

« Mais ne s’agit-il que de paroles en l’air? Il semble que le Canada soit au bord du changement. »

Dénués de presque tout droit procédural en droit civil et de tout représentant notamment en droit de la famille, les enfants n’ont toujours pas voix au chapitre dans le système judiciaire, selon Suzanne Williams, avocate chez Brown Henderson Melbye à Victoria. 

Cela a incité les divisions de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick de l’ABC à établir des sections du droit des enfants et des jeunes, reconnaissant les droits des enfants comme un domaine d’exercice pluridisciplinaire. Les sections de l’ABC ont, elles, formé le Comité sur le droit des enfants comportant des représentants de 15 sections et conférences. 

Les juristes doivent comprendre que toutes les branches du droit affectent les enfants, directement et indirectement, dit Lucy McSweeney, avocate des enfants pour la province de l’Ontario.

« L’avantage des associations de barreaux, est leur côté pratique. Un spécialiste des préjudices corporels peut ne pas connaître les droits particuliers des enfants. Une section spécialisée dans ce domaine peut s’avérer utile », dit Me McSweeney, membre du Comité du droit des enfants,  fondatrice et présidente de la Section du droit des enfants et des jeunes de l’ABO.

Les questions juridiques connexes aux enfants touchent divers domaines de pratique tels que les blessures corporelles, les testaments et successions, la famille, le droit pénal, l’immigration et les réfugiés, même l’éducation, selon Mary Birdsell, directrice de Justice for Children and Youth à Toronto et vice-présidente de la Section.

Ainsi, les points de vue de l’enfant et du conseil scolaire seraient très différents en contexte de discipline, le soutien du revenu des adolescents et des adultes est géré différemment, les experts en droit pénal peuvent mal connaître la justice pénale applicable aux adolescents, fait-elle remarquer.

Pour combler ces lacunes, cette année, le sous-comité de la CRDE du Comité du droit des enfants de l’ABC, avec l’aide du Fonds pour le droit de demain, collaborera notamment avec des juristes canadiens, des facultés de droit, des groupes voués à la formation continue pour élaborer une trousse d’outils sur le droit des enfants, au contenu complet et à jour, destinée aux juristes. 

« Les droits des enfants sont des droits de la personne ». Ils doivent pourtant être défendus séparément, déclare Me Birdsell. « Leurs vulnérabilités uniques justifient une obligation de diligence et une approche axée sur les droits. »

« Les enfants n’ont pas voix au chapitre, ajoute-t-elle. Comment créer des institutions qui pourront appuyer efficacement ceux qui demeurent sans mo­yen d’expression? Personne n’en parle au Canada! »

Les meilleurs intérêts négligés

En 2012, le Comité des droits de l’enfant de la CRDE a exprimé des préoccupations importantes quant aux efforts de conformité du Canada, déclare Donna J. Martinson, juge à la retraite de la C.-B., présidente du sous-comité de la 

CRDE du Comité sur le droit des enfants et directrice du projet de trousse d’outils avec Me Whalen.

« Maints enfants au Canada vivent quotidiennement des violations des droits de la personne. Ils ne connaissent pas suf­fisamment leurs droits et ne peuvent remédier à ces violations », a déclaré madame Martinson dans un courriel. 

« Trop d’enfants vivent dans la pauvreté sans éducation ou soins de santé adéquats. Ils vivent toutes sortes de violences alors que leurs meilleurs intérêts sont sous-évalués, sinon totalement négligés » ajoute Donna Martinson qui, avec Me Williams, a récemment coprésidé une conférence à Vancouver sur l’accès à la justice pour les enfants. 

« Les enfants n’ont presque jamais de représentation juridique distincte. Nous devons immédiatement y remédier, en général et concernant les enfants autochtones. »

La façon dont les députés et décideurs considèrent les droits des enfants a un peu évolué, ajoute Me Williams, collaboratrice de l’International Institute for Child Rights and Development.

Au milieu des années 2000, le comité permanent du Canada sur les droits des enfants a prôné une approche fondée sur les droits. Il est aujourd’hui courant dans le monde juridique que soient prises en compte les « opinions de l’enfant » lors de la prise de décision, a-t-elle fait remarquer. « Ce n’était pas le cas il y a 20 ans. » 

Le Canada peut encore jouer un rôle de leadership dans ce domaine, déclare Me Birdsell. Le Comité sur le droit des enfants de l’ABC exhorte le gouvernement fédéral à établir un commissaire national à l’enfance. La plupart des provinces ont un défenseur des enfants et de la jeunesse, mais les enfants aux prises avec des questions d’ordre fédéral, telles que le droit autochtone et l’immigration, demeurent sans protection, déclare Me Whalen.

Droits de l’enfant

Trois exemples de droits protégés par a Convention des Nations-Unies.

Article 12

1. Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en consi­dération eu égard à son âge et à son degré de maturité. 

2. A cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la lé­gislation nationale. 

Article 19

1. Les États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de vio­­­lence, d’atteinte ou de brutalités phy­siques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’ex­ploi­tation, y compris la violence se­xuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié. 

2. Ces mesures de protection doivent comprendre, selon qu’il conviendra, des procédures efficaces pour l’établissement de pro­grammes sociaux visant à fournir l’appui nécessaire à l’enfant et à ceux à qui il est confié, ainsi que pour d’autres formes de prévention, et aux fins d’identification, de rapport, de renvoi, d’enquête, de traitement et de suivi pour les cas de mauvais traitements de l’enfant décrits ci-dessus, et comprendre également, selon qu’il conviendra, des procédures d’intervention judiciaire. 

Article 22

1. Les États parties prennent les mesures appropriées pour qu’un enfant qui cherche à obtenir le statut de réfugié ou qui est consi­déré comme réfugié en vertu des règles et procédures du droit international ou national applicable, qu’il soit seul ou accompagné de ses père et mère ou de toute autre personne, bénéficie de la protection et de l’assistance humanitaire voulues pour lui permettre de jouir des droits que lui reconnaissent la présente Convention et les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ou de caractère humanitaire auxquels lesdits États sont parties.