Commentaires provisoires sur l’abus de position dominante
La Section du droit de la concurrence et de l’investissement étranger partage ses commentaires sur les modifications proposées à la loi.
La Section du droit de la concurrence et de l’investissement étranger de l'ABC présente dans un mémoire (mémoire disponible uniquement en anglais; les citations qui en sont tirées sont des traductions) des commentaires provisoires sur l’ébauche du bulletin sur les modifications des dispositions sur l’abus de position dominante de la Loi sur la concurrence. Le Parlement a apporté des modifications importantes aux dispositions relatives à l’abus de position dominante dans le projet de loi C-56, Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable, qui ont été adoptées après la publication de l’ébauche du bulletin. D’autres modifications sont prévues lorsque le Parlement adoptera le projet de loi C-59, Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023. La section s’attend à ce que le Bureau de la concurrence procède à des consultations sur d’autres révisions à apporter à l’ébauche du bulletin.
Les consultations sont particulièrement importantes pour les abus de position dominante, affirme la section, « compte tenu de la difficulté de distinguer entre un comportement agressif, mais en faveur de la concurrence, et un comportement potentiellement anticoncurrentiel. En particulier, des exemples détaillés dans l’ébauche du bulletin provisoire sont utiles pour les entreprises canadiennes ».
La Loi no 1 d’exécution du budget de 2022 élargissait les dispositions relatives à l’abus de position dominante pour inclure les comportements qui visent à nuire à la concurrence, et pas seulement aux parties concurrentes. Il existe quatre types de comportements : les accords entre concurrents, le partage de renseignements, les contrats faisant référence à des rivaux et les acquisitions en série (et les acquisitions autonomes).
En ce qui concerne les accords entre concurrents, la section met en exergue le paragraphe 23 de l’ébauche du bulletin, qui stipule que si un accord donne lieu à une infraction pénale en vertu de l’article 45 de la Loi sur la concurrence, l’affaire sera soumise à des poursuites pénales plutôt que d’introduire une demande en vertu des dispositions sur l’abus de position dominante ou de l’article 90.1. « Cela limite inutilement le pouvoir discrétionnaire d’application du Commissaire de la concurrence à l’égard des accords susceptibles d’enfreindre l’article 45 », indique le mémoire, ajoutant que ce libellé rigide contraste également avec l’article 3 des Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents. Ce dernier précise que le Bureau « déterminera ensuite, à la lumière des éléments de preuve en sa possession ou à être recueillis, si la disposition criminelle de l’article 45 ou la disposition civile sur les accords de l’article 90.1 est applicable à l’accord ». L’ébauche du bulletin devrait comprendre un libellé semblable à celui de l’article 3 des lignes directrices.
En ce qui concerne le partage de renseignements, l’ébauche du bulletin suggère que cela peut être considéré comme un abus de position dominante lorsqu’associé à certaines pratiques de facilitation, ce qui, selon la section, constitue une nouvelle approche en droit canadien qui exige plus d’élaboration et un examen plus approfondi. Le mémoire recommande que « l’ébauche du bulletin indique que le recours à une pratique de facilitation (comme le partage intentionnel de renseignements sensibles sur le plan concurrentiel) est un acte anticoncurrentiel, et non un parallélisme conscient qui peut exister lorsqu’une pratique de facilitation a été adoptée par des entreprises occupant conjointement une position dominante ».
En ce qui concerne les contrats faisant référence à des rivaux, la section de l’ABC commente l’exemple utilisé dans l’ébauche du bulletin d’un détaillant dominant s’alignant sur tout prix de détail inférieur, notamment en utilisant un algorithme de tarification dynamique. Elle suggère qu’une politique de tarification qui profite aux consommateurs peut être considérée comme anticoncurrentielle en s’appuyant sur la théorie selon laquelle cela pourrait dissuader les concurrents de réduire les prix. « L’exemple laisse entendre que la position du Bureau est que les détaillants dominants devraient délibérément maintenir les prix au-dessus des niveaux concurrentiels pour éviter de se livrer à un acte anticoncurrentiel, ou que l’alignement des prix en général pourrait être un comportement anticoncurrentiel (plutôt que de constituer un comportement en faveur de la concurrence, comme cela est habituellement entendu). » Cet exemple devrait être supprimé ou clarifié.
En ce qui concerne les acquisitions en série, l’ébauche du bulletin devrait préciser que l’examen des fusions continue d’être la principale méthode pour répondre aux préoccupations liées à toute transaction individuelle. « Bien qu’il puisse y avoir une marge de manœuvre pour traiter les acquisitions en série comme un abus de position dominante dans certaines circonstances, cela ne s’appliquerait qu’à une catégorie restreinte de transactions », écrit la section. Le Bureau devrait également donner des directives supplémentaires sur son approche visant à déterminer les cas où les acquisitions en série constituent un comportement abusif.
Comportement de dominance conjointe
La section de l’ABC a déjà présenté des commentaires détaillés sur la nécessité d’une approche cohérente et fondée sur des principes à l’égard du comportement de dominance conjointe, y compris le fait qu’une approche trop large risquerait de freiner un comportement légitime et en faveur de la concurrence, ou neutre sur le plan concurrentiel.
Le mémoire recommande de clarifier l’ébauche du bulletin pour dire que « le simple parallélisme conscient, sans autre aspect, comme la communication ou la coordination entre des entreprises, ne constituerait pas en soi un acte anticoncurrentiel ou un abus conjoint de position dominante ».