Gardons la tête froide en réformant la mise en liberté sous caution
Une mise en garde contre une approche réactionnaire dans l’examen du système de cautionnement du Canada.
Toute personne au Canada est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie, y compris les personnes ayant un casier judiciaire, écrit la Section du droit pénal de l’Association du Barreau canadien dans une lettre adressée au Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles au sujet du projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel (réforme de la mise en liberté sous caution). « Cette présomption d’innocence s’applique à toutes les étapes du processus de la justice pénale, y compris et surtout aux mises en liberté sous caution. »
En plus de ce principe général dont il a été question dans une lettre antérieure, la section expose trois questions précises liées au projet de loi. La première est qu’elle étend la disposition de l’inversion du fardeau de la preuve relative aux infractions mettant en cause la violence envers les partenaires intimes. La section souligne que la modification est peu réaliste parce qu’elle est incompatible avec la Loi sur le casier judiciaire, qui exige que les dossiers attestant d’une absolution soient retirés du Centre d’information de la police canadienne après un certain temps. « D’après nous, ce conflit sera source de confusion et de litiges de longue haleine quant à l’admissibilité des dossiers lors d’audiences de mise en liberté sous caution, et ralentira encore le processus de ces mises en liberté dans un système déjà surchargé et à court de ressources », peut-on lire dans la lettre.
La section est de l’avis que les absolutions, qu’elles soient absolues ou conditionnelles, ne sont pas accordées pour des infractions criminelles. « En revanche, contrairement aux absolutions, les condamnations criminelles antérieures pour des actes de violence contre un partenaire intime attestent de la gravité de l’infraction ayant justifié la condamnation ». L’ajout à ce paragraphe des absolutions antérieures d’une infraction liée à la violence envers un partenaire intime ne changera pratiquement rien pour les contrevenants et sera source de conflit avec la Loi sur le casier judiciaire. Cette modification devrait être supprimée.
Le deuxième problème que soulève le projet de loi C-48, c’est qu’il ajoute une nouvelle catégorie d’infractions auxquelles s’appliquerait l’inversion du fardeau de la preuve, qui s’appliqueraient aux personnes accusées de récidives d’infractions graves en lien avec des armes à feu ou d’autres armes. La modification engloberait une foule de cas différents, « y compris les personnes n’ayant pas commis de crimes particulièrement graves ». Cette modification est susceptible d’ajouter un fardeau important au système de remise en liberté sous caution et d’occasionner plus de retards, et elle devrait être supprimée.
Enfin, la section y va d’une mise en garde par rapport au fait de ratisser trop large lorsqu’il est question des personnes accusées d’une infraction de possession d’armes à feu. Lorsque plusieurs personnes sont à un endroit où une arme à feu est trouvée, cela mène souvent à des inculpations de possession de l’arme à feu, même si les preuves de possession peuvent être faibles pour la plupart de ces personnes. Souvent, l’accusé n’a aucun lien réel avec l’arme à feu trouvée, si ce n’est, par exemple, qu’il se trouve à résider dans une maison où l’une des autres personnes présentes avait une arme à feu en sa possession. Lorsqu’une arme à feu est trouvée, ce ne sont pas toutes les personnes présentes qui devraient se retrouver dans une situation d’inversion du fardeau de la preuve, c’est la raison pour laquelle la section recommande de laisser tomber les modifications proposées au sous-alinéa 515(6)a)(vi) du Code criminel.