Mieux protéger les enfants
L'incapacité persistante du Canada de se conformer en temps voulu à ses obligations redditionnelles.

Dans un compte-rendu présenté au Comité des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations Unies (ONU), la Section sur le droit des enfants de l’Association du Barreau canadien rapporte que le Canada continue d’avoir du mal à se conformer à la Convention relative aux droits de l’enfant de l’ONU. Quelques-unes des recommandations de la Section sont résumées ci-dessous.
Troisième protocole facultatif
L’un des premiers problèmes signalés par la Section, c’est que le Canada n’a toujours pas ratifié le troisième protocole facultatif, qui permet aux enfants de porter plainte directement au Comité des droits de l’enfant lorsqu’aucune solution n’est trouvée dans leur pays. Or, le Canada demeure dépourvu de mécanismes rapides, efficaces et directs pour de nombreux cas de violation des droits des enfants. La Section donne un exemple particulièrement flagrant : le pays a toujours négligé le financement de la protection des enfants des Premières Nations et continue de le faire. Il a fallu attendre 14 ans pour que le gouvernement cesse de contester une ordonnance d’indemnisation rendue par le Tribunal canadien des droits de la personne dans une affaire de discrimination à laquelle étaient parties la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et l’Assemblée des Premières Nations.
« Faisant écho aux plaintes des Autochtones et d’autres parties intéressées au Canada, l’ABC a pressé le gouvernement fédéral de cesser ses procédures de contestation et d’aller de l’avant, car c’est cela, le véritable esprit de réconciliation, explique la Section. Le 31 décembre 2021, les parties sont parvenues à une entente de principe prévoyant une indemnité de 40 milliards de dollars pour toutes les personnes victimes de pratiques discriminatoires à l’endroit des enfants, ainsi que le financement d’une réforme à long terme du système de protection de l’enfance dans les réserves. Le Tribunal et la Cour fédérale n’ont pas encore approuvé l’entente. »
Pour les cas de ce genre, la Section déplore encore « l’absence de mécanismes directs pour donner réparation aux enfants victimes de violations de leurs droits prévus dans la Convention relative aux droits de l’enfant de l’ONU. Les recours nationaux pour ces violations sont souvent inaccessibles aux enfants. Les règlements rapides sont peu probables, surtout avec la pandémie qui ralentit davantage le système judiciaire. Une action rapide pour la ratification du troisième protocole facultatif demeure nécessaire. »
Intégrer la Convention à la législation nationale
De façon générale, le Canada n’a jamais intégré la Convention à sa législation nationale, pas même dans la Loi sur le divorce. Le gouvernement avance que les lois fédérales, provinciales et territoriales ont été examinées avant la signature de la Convention pour garantir la conformité, mais la Section dit que la conformité est trop souvent superficielle et n’empêche en rien certains gouvernements de contourner la Convention.
Constatant que le gouvernement fédéral a adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) en juin 2021, « la Section de l’ABC insiste auprès de lui pour qu’il prenne des mesures et adopte une loi semblable pour la Convention relative aux droits de l’enfant de l’ONU, y compris l’exigence d’un plan d’action et de rapports annuels, afin d’envoyer un message clair concernant les obligations de mise en œuvre du Canada relativement à la Convention. »
Autres questions
Dans un rapport publié en février 2020, la Section a recommandé l’institution d’un poste de commissaire national indépendant ayant pour mandat spécifique de promouvoir et de protéger les droits des enfants et des jeunes. Plus tard cette année-là, la sénatrice Rosemary Moodie a présenté le projet de loi S-217 visant à établir ce poste de commissaire. Le projet a été enterré quand le Parlement a été prorogé en août 2020, puis présenté de nouveau un mois plus tard, mais une fois de plus relégué aux oubliettes en 2021 quand l’élection fédérale a été déclenchée. Il est peu probable qu’il soit ressuscité, « ce qui laisse une lacune importante dans la promotion et la mise en œuvre des droits des enfants dans les secteurs de compétence fédérale », peut-on lire dans la lettre.
La Section constate des retards similaires dans la mise en œuvre d’une recommandation antérieure voulant que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux « mandatent des évaluations d’impacts sur les droits des enfants pour tous les nouveaux projets de loi, ordonnances, politiques et budgets ayant une incidence sur les droits et l’intérêt supérieur des enfants ».
L’information aux juges et aux juristes progresse à un rythme plus satisfaisant, avec la conférence de trois jours pour les juges sur l’accès à la justice des enfants. Cette conférence, organisée en mai 2022, est présentée par l’Institut national de la magistrature, avec le concours du Conseil canadien de la magistrature.
Ceci fait suite à quelques autres événements, comme le programme d’un jour sur l’accès à la justice consacré à la reconnaissance des droits des enfants aux termes de la Convention de l’ONU organisé par le Barreau de l’Ontario à l’automne 2020. Il était question de l’importance de la participation des enfants aux processus de justice et de la mise à exécution des obligations du Canada aux termes de la Convention relative aux droits de l’enfant.
La Section estime qu’il doit être tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant « dans toutes les décisions législatives, judiciaires et stratégiques qui touchent des enfants ». De plus, les enfants devraient avoir le droit de vraiment participer aux procédures judiciaires et administratives, « ce qui inclut la nécessité de les informer de leur droit de participer, notamment le droit à une représentation juridique indépendante ».