Faire avancer l’aide médicale à mourir
Le Groupe de travail sur la fin de vie de l’ABC formule des recommandations en vue de clarifier le droit sur la prise de décisions liées à la fin de vie.
L’Association du Barreau canadien est résolue à clarifier le droit régissant la prise de décisions en fin de vie, particulièrement pour les personnes souffrant d’une maladie mentale et les mineurs matures, et dans les cas de demandes anticipées d’aide médicale à mourir (AMM). À cette fin, le Groupe de travail sur la fin de vie de l’ABC recommande de modifier le Code criminel afin qu’il soit en harmonie avec les critères établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Carter.
Demandes anticipées
Le groupe de travail emploie le terme « demande anticipée » pour décrire une demande d’aide médicale à mourir que fait une personne affectée d’un problème de santé grave et irrémédiable. Présentée durant une période où la personne a encore toutes ses facultés, la demande d’aide médicale à mourir prend effet à une date ultérieure, dans des circonstances précises et détaillées où cette personne pourrait être frappée d’incapacité.
Comme l’explique le groupe de travail, la « demande anticipée peut être vue comme une démarche qu’une personne apte entreprend de façon indépendante en prévision de sa propre incapacité après avoir reçu un diagnostic remplissant les critères, puisqu’elle offre le choix de reporter l’AMM au moment où les conditions d’application seront remplies, sans risque d’arrêt du processus en cas d’incapacité du demandeur ».
La demande anticipée répond à la préoccupation d’accéder à l’aide médicale à mourir plus tôt que prévu de crainte qu’elle soit refusée une fois que le demandeur est frappé d’incapacité. Comme l’écrit le groupe de travail, « si le sujet doit être apte au moment de demander l’AMM, alors il doit se faire administrer l’AMM alors qu’il est toujours apte, même s’il ne se sent pas encore prêt à mourir; et s’il reporte l’AMM à plus tard et que le risque d’incapacité se concrétise, alors il perd son accès à l’AMM (sauf s’il existe une procédure de demande anticipée) ». Le groupe de travail formule des recommandations détaillées sur ce que devrait contenir un tel cadre.
Maladie mentale
Dans l’arrêt Carter, la décision rendue ne définit pas le terme « problème de santé ». Cependant, la Cour d’appel de l’Alberta, dans Canada (Attorney General) v. E.F., a conclu que l’arrêt Carter devait être interprété de façon à inclure les personnes atteintes d’un trouble psychiatrique, pourvu que soient remplis l’ensemble des critères d’admissibilité à l’AMM.
Le groupe de travail de l’ABC affirme que les personnes vivant avec une maladie mentale « ont droit à l’autonomie et à l’autodétermination en ce qui concerne leur santé, sans discrimination, leurs souffrances n’étant pas moindres que celles des personnes atteintes d’une maladie physique ». Toutefois, dans certains cas, elles peuvent se trouver dans des situations de vulnérabilité en raison d’une maladie mentale, d’où la nécessité d’un mécanisme de protection adéquat, qui passe notamment par le consentement éclairé et par des soins de santé professionnels compétents. Comme le fait remarquer le groupe de travail, « la Cour supérieure du Québec, dans Truchon, a déclaré que la vulnérabilité dans le contexte de l’AMM devait être évaluée au cas par cas plutôt que par déduction à partir du collectif, c’est-à-dire un groupe de personnes dites “vulnérables” qui ne reflétera pas toujours fidèlement la diversité des situations individuelles en son sein ».
Cependant, cette décision ne s’applique pas aux cas où la maladie mentale se pose comme seul problème de santé de la personne demandant l’AMM. Le groupe de travail de l’ABC affirme que l’exclusion en bloc des personnes atteintes d’une maladie mentale sera probablement contestée sur le plan de sa constitutionnalité et privilégie par conséquent une « une vision centrée sur le patient, avec des protections adéquates, en ce qui concerne la capacité et le consentement ».
Mineurs matures
Dans A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille), la Cour suprême du Canada a tranché que les mineurs matures peuvent prendre des décisions éclairées concernant leur vie et leur mort, mais elle fait aussi remarquer que ces situations exigent une évaluation rigoureuse de la capacité individuelle de la jeune personne.
Le groupe de travail est de l’avis qu’il faut impérativement que des outils adéquats d’évaluation et de confirmation du consentement et de la capacité des mineurs soient mis au point afin de simplifier l’accès à l’AMM pour les mineurs matures et, ainsi, de respecter leurs droits constitutionnels.