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Adapter le système de justice pénale au monde après la COVID-19

Des préoccupations quant au projet de loi S-4 qui vise à clarifier le libellé du Code criminel en réponse à la pandémie.

Justice scales concept with laptop

Dans l’ensemble, la Section du droit pénal de l’Association du Barreau canadien soutient le projet de loi S-4 qui vise à clarifier le libellé du Code criminel et à modifier plusieurs dispositions en réponse à la pandémie de COVID-19. Toutefois, comme elle l’explique dans sa lettre à la sénatrice Mobina Jaffer, présidente du Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, elle doit soulever certaines inquiétudes.

Comparutions à distance

La section de l’ABC appuie globalement le recours accru aux comparutions à distance dans les affaires pénales. Cependant, « le consentement des accusés est primordial, parce que bon nombre d’entre eux […] n’ont pas facilement accès aux technologies à distance, comme les audioconférences et les vidéoconférences ».

Pour s’assurer que les comparutions à distance sont uniquement utilisées dans les cas où l’accusé peut utiliser des technologies à distance, la section de l’ABC recommande l’ajout à cette liste de trois facteurs qui doivent être pris en compte par le tribunal lors de la prise de décision quant à la comparution à distance : l’accès des parties à la technologie nécessaire, y compris à une connexion Internet stable; les facteurs particuliers à prendre en considération pour maintenir le principe de la publicité de la justice, en particulier pour les affaires très médiatisées, et les questions de sécurité qui se posent dans l’affaire.

La section de l’ABC recommande également de permettre expressément aux juges d’autoriser la comparution à distance « selon toutes conditions appropriées dans les circonstances ». Ainsi, ceux-ci pourraient régler dès le départ des questions comme le lieu approprié pour les témoignages, plutôt que d’attendre qu’elles soient soulevées le jour de l’audience ou du procès.

Plaidoyers et audiences de détermination de la peine

La section de l’ABC soulève quelques préoccupations quant aux comparutions des accusés par audioconférence ou vidéoconférence. La première concerne la vérification de l’identité de la personne qui comparaît à distance. « Nous proposons de n’utiliser cette technologie que lorsque son identité peut être vérifiée avec certitude, par exemple si elle est accompagnée d’un avocat. »

La deuxième inquiétude est liée au besoin d’investir dans la technologie nécessaire pour les parties. Les membres de la section de l’ABC signalent que les établissements correctionnels font souvent comparaître les accusés par téléphone pour certaines procédures lorsque toutes les salles de vidéo sont occupées. « L’accusé doit alors choisir entre consentir à procéder par téléphone ou demander le report de l’audience à un autre jour s’il veut bénéficier de la vidéoconférence », selon la lettre.

La troisième inquiétude concerne les problèmes d’horaire créés par le fait que les juges des procès travaillent dans différentes juridictions ayant recours à différentes approches pour les comparutions à distance. La section recommande l’ajout d’une disposition autorisant ou « obligeant » tout juge de la juridiction compétente à entendre la requête si toutes les parties consentent à ce que l’affaire se déroule à distance. « Cela simplifierait les requêtes de cette nature et libérerait des ressources judiciaires pour traiter des questions plus urgentes. »

Mandats, sélection des jurés et empreintes digitales

La section de l’ABC appuie la modernisation des dispositions relatives aux télémandats et à l’intégration de la vidéoconférence au processus de sélection des jurés. Dans le cas de la vidéoconférence, la lettre indique qu’il s’agit d’une option qui « convient très bien aux questions préliminaires, par exemple les observations préliminaires du juge du procès ou les contrôles préliminaires relatifs à la citoyenneté, à la langue ou aux récusations non motivées ».

La vidéoconférence n’est toutefois pas recommandée pour le processus de récusation motivée ou l’administration d’un serment ou d’une affirmation solennelle. « La possibilité pour le juré potentiel et l’accusé de se voir l’un l’autre en personne a une valeur qualitative inestimable. C’est leur première occasion de se rencontrer, et l’avocat pourrait avoir des observations à faire sur des aspects subtils de la réaction du juré par rapport au biais ou à d’autres paramètres de l’admissibilité du juré. »

La section de l’ABC précise que les modifications apportées à la Loi sur l’identification des criminels doivent « trouver un équilibre entre l’intérêt sociétal de recueillir des empreintes digitales pour enquêter sur les crimes, d’une part, et le droit à la vie privée des personnes qui n’ont pas encore franchi le banc des accusés, d’autre part ». Un accusé n’est pas un criminel et ne devrait pas être obligé de se soumettre à une assignation pour la prise de ses empreintes digitales si les accusations ne sont pas portées devant un tribunal.

Selon la section, « il faut tenir compte du droit à la vie privée des personnes impliquées dans une affaire pénale qui n’est finalement pas intentée, et penser en particulier aux conséquences pour les jeunes, les personnes vulnérables et les personnes racisées qui doivent se présenter au poste de police ».