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Examen des condamnations injustifiées

Des Sections de l’ABC s’expriment sur la création éventuelle d’une commission indépendante d’examen des affaires pénales.

Hands on rail of jail cell
iStock

Les condamnations au criminel peuvent être lourdes de conséquences à long terme sur l’emploi, le logement et les procédures de droit de la famille, sans compter le stigmate social qui y est associé. C’est pourquoi il est important d’instaurer un processus indépendant pour la révision de ces condamnations.

Le projet de créer une commission indépendante d’examen des affaires pénales constitue une occasion sans précédent pour le Canada de se doter d’un nouveau système de protection contre la condamnation de personnes innocentes, affirment la Section sur le droit des enfants, la Section du droit pénal et la Section de la communauté sur l’orientation et l’identité sexuelles de l’Association du Barreau canadien dans une récente lettre (disponible uniquement en anglais, les citations qui en sont tirées sont des traductions) adressée à l’honorable Harry LaForme et à l’honorable Juanita Westmoreland-Traoré. Les juges LaForme et Westmorland-Traoré entament maintenant des consultations sur la structure et le mandat potentiels de la nouvelle commission.

« Voilà plus de 20 ans que l’ABC réclame la création d’une commission indépendante d’examen des affaires pénales qui soit fiable et indépendante comme organe additionnel dans la lutte contre les erreurs judiciaires, écrivent les sections. » Aux prochaines lignes se trouve un résumé de leurs recommandations.

Indépendance

Premier critère à respecter : la commission d’examen des affaires pénales doit être absolument indépendante du gouvernement et régie par une loi autonome. Elle doit être désignée organisme indépendant, dotée d’un fonds distinct « et non soumise aux aléas des budgets des autres ministères », précise-t-on dans la lettre.

Composition

Les membres de la commission doivent avoir des mandats fixes, mais renouvelables. Ils doivent posséder une solide expérience du droit, mais pas nécessairement du droit criminel. En fait, expliquent les sections, il serait bon de privilégier les commissaires généralistes, qui connaissent « le système de justice dans son ensemble, notamment les questions de discrimination systémique, d’allocation inadéquate des ressources, de pratiques d’enquête policière, de politiques de la Couronne, d’interaction entre la santé mentale et le droit et de recours en droit civil, pour nommer ces exemples parmi bien d’autres ».

Il faudra aussi le soutien des spécialistes non juristes, notamment dans les domaines de la psychiatrie légale et du système de justice pour les jeunes. Toutefois, les sections mettent en garde contre la participation officielle des défenseurs de victimes d’un acte criminel. La révision des erreurs judiciaires, expliquent-elles, « est un travail difficile qui exige un milieu impartial et objectif, axé sur les preuves scientifiques, sur les preuves admises au procès et sur notre meilleure connaissance des problèmes pouvant causer une condamnation injustifiée ». Cela dit, les représentants des victimes d’actes criminels auront un rôle à jouer dans le réexamen des peines si cet aspect est inclus dans le mandat de la nouvelle commission.

Accessibilité

Les sections ne s’opposent pas au choix d’Ottawa comme lieu du bureau central, mais elles sont d’avis que la présence de bureaux partout dans le pays pourrait aider à déterminer les répercussions des conditions ou cultures locales sur une affaire en particulier, surtout dans le Nord. « L’administration de la justice doit en favoriser l’accès, et il est plus facile d’y arriver si chaque Canadienne ou Canadien dispose d’un bureau de la commission visible dans sa région. »

De plus, la commission doit s’efforcer d’entrer en contact avec les demandeurs potentiels, en particulier les jeunes contrevenants, et user d’un langage simple dans ses communications multilingues. « Les groupes marginalisés et vulnérables seront les grands gagnants de tels efforts proactifs, poursuivent les sections. Les membres de ces groupes risquent davantage de mal comprendre la commission et son rôle, et pour cette raison, il existe un risque accru qu’ils ne se prévalent pas de son recours ultime, et ce, même quand on sait que ces groupes sont surreprésentés parmi les victimes d’erreurs judiciaires. »

Étant donné que la plupart des condamnations injustifiées au Canada ont été constatées au moyen d’information déjà présente dans les dossiers de la police ou de la Couronne, les sections réclament « un régime d’enquête robuste et accessible » pour que la nouvelle commission puisse bien remplir ses fonctions.

Normes et procédure

Quant aux documents pouvant être confidentiels, les sections estiment que la commission doit être régie par les règles de procédure et de la preuve en vigueur, et avoir des dispositifs de sécurité adéquats pour l’accès à l’information protégée par le secret d’intérêt public ou le secret de police. « Cet accès devrait être permis, écrivent-elles, de sorte que la commission puisse consulter l’information pertinente au sujet de la validité d’une condamnation sans risquer de compromettre ce secret, sauf circonstances exceptionnelles. »

Pour qu’un dossier fasse l’objet d’un réexamen, la commission doit avoir des raisons de croire qu’« une erreur judiciaire a pu se produire ». Cette condition concorde avec les fonctions officielles de la commission et des tribunaux : elle permet de signaler la possibilité réelle d’une erreur judiciaire, tout en laissant aux tribunaux le soin d’évaluer cette question sans que la commission se prononce sur la probabilité d’une condamnation injustifiée ».

Les pouvoirs actuels conférés dans le Code criminel créent un cadre assez flexible dans lequel traiter les cas relevant de la commission, exception faite du renvoi des condamnations. Pour ces cas précis, les cours d’appel ont besoin de directives plus explicites pour pouvoir exercer leur pouvoir discrétionnaire d’ordonner un acquittement ou un sursis de l’instance. Nous nous devons de modifier le Code criminel selon les critères énumérés.

Les sections de l’ABC prônent un modèle hybride de réexamen, par lequel la commission donnerait aux requérants les motifs possibles d’un rejet, qui devraient être rendus publics. « Cela améliorera l’efficacité et l’équité du processus et évitera les lourdeurs du processus d’appel formel. » Dans les cas où la condamnation est maintenue, il faut veiller à protéger la vie privée des personnes concernées pour réduire au minimum leur risque de redevenir victimes.

Étant donné sa position unique, la commission doit être tenue de produire des rapports annuels « sur son travail et les données qu’elle recueille », précisent les sections. Ces données pourront servir à la réforme des politiques et des lois pour l’amélioration du système, surtout en ce qui concerne la surreprésentation des Autochtones et des personnes de couleur dans le système carcéral.