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Les risques de la transparence en ligne

L’accès en ligne aux documents de la Cour fédérale doit avoir des limites appropriées.

Justice and data

Il est essentiel que le processus judiciaire soit transparent pour que la démocratie fonctionne correctement. Cependant, « l’obscurité pratique » des dossiers sur papier et la confidentialité qu’ils offrent ont d’indéniables avantages, dit le groupe de travail de l’ABC qui étudie une proposition de la Cour fédérale qui envisage de publier les dossiers de la Cour en ligne.

La Cour a demandé à l’ABC de donner son avis sur la proposition, dont l’objectif est d’accroître la transparence, conformément au principe de transparence de la justice et à la garantie de la liberté d’expression prévue à l’alinéa 2b) de la Charte des droits et libertés.

Le groupe de travail de l’ABC, constitué de membres du Comité de liaison entre la magistrature des Cours fédérales et le barreau et de membres de plusieurs sections pertinentes, y compris la Section du droit de la vie privée et de l’accès à l’Information et la Section du droit de l’immigration, dit qu’il faut trouver un équilibre entre l’accroissement de la transparence au moyen de l’accès en ligne aux dossiers de la Cour et la possibilité qu’un tel accès puisse nuire aux droits et aux intérêts des participants. Dans son mémoire (disponible uniquement en anglais) destiné à la Cour, le groupe de travail fait plusieurs recommandations visant à protéger la vie privée le cas échéant. Il suggère en outre à la Cour d’établir un projet pilote pour mettre à l’essai la souplesse, l’efficacité et le coût de cette initiative avant de la mettre en œuvre.

Les documents de la Cour fédérale sont actuellement disponibles dans les greffes répartis dans tout le pays, fait remarquer le groupe, à moins qu’ils ne portent la mention de confidentialité. Toute personne qui souhaite consulter les documents doit se rendre dans un greffe et les demander. Cela crée une forme de protection de la vie privée qui disparaîtrait avec leur publication en ligne en l’absence de protections adéquates.

« L’accès en ligne créée un risque d’utilisations nuisibles telles que la fraude, l’exploration des données, l’usurpation d’identité, la traque, le harcèlement, la discrimination, la persécution et autres formes d’abus », dit le groupe.

Selon les dires du groupe de travail, le fait d’exiger des personnes qui souhaitent accéder aux documents en ligne qu’elles créent un compte en utilisant leurs nom et adresse réels, et qu'elles fournissent des renseignements d’identification valides à l’appui, faciliterait la responsabilisation et la sécurité. La facturation de frais pour le service devrait « dissuader les demandes frivoles ».

Le groupe de travail renvoie en outre à la Directive sur la procédure n° 16 de la Cour canadienne de l’impôt qui rappelle aux parties qu’« elles sont responsables de limiter la divulgation de renseignements personnels et confidentiels » tels que leur numéro d’assurance sociale ou des renseignements médicaux de nature délicate, lorsqu’elles préparent les actes de procédure et autres documents qui devront être déposés au dossier judiciaire. À la liste dressée dans la Directive sur la procédure, le groupe ajouterait les documents d’identité, les renseignements financiers et fiscaux, ainsi que tout autre renseignement personnel qui pourrait permettre d’identifier des personnes à des fins telles que l’usurpation d’identité, la traque ou le harcèlement.

Le contexte de l’immigration ajoute une facette beaucoup plus dangereuse aux répercussions habituelles de l’affichage de données confidentielles en ligne puisque des acteurs étrangers auraient facilement accès à des données qui pourraient, par exemple, être utilisées pour nuire à la famille ou aux intérêts commerciaux d’un candidat à l’immigration dans son pays d’origine.

Le groupe de travail recommande de suivre le modèle australien qui classe les dossiers judiciaires en ligne dans les catégories de dossiers ouverts, dossiers à consultation restreinte, ou dossiers confidentiels et traite l’accès à chacune de ces catégories en fonction de critères différents.

Outre le fait d’exiger des personnes qui souhaiteraient consulter des dossiers qu’elles s’inscrivent et acquittent des droits, le groupe de travail recommande qu’il soit également demandé à toute personne qui demande l’accès à des documents dont la consultation est restreinte de fournir les raisons pour lesquelles elle demande de les consulter.

« Une catégorie de documents à consultation restreinte dans le contexte de l’immigration protègerait contre un accès illégal, y compris aux fins d’exploration des données et d’utilisation illégale de renseignements personnels et confidentiels. » Les tribunaux devraient fonder leur autorisation de consulter ces documents sur l’identité de l’entité les demandant et sur sa motivation. Le groupe recommande que les dossiers d’immigration ne puissent être publiés en ligne qu’après obtention d’une autorisation.

Le groupe de travail a fait d’autres recommandations, dont les suivantes :

  • les renseignements connexes à des mineurs devraient jouir d’une protection spéciale,
  • les documents en ligne devraient être protégés contre l’exploration des données,
  • la documentation ne devrait être accessible qu’en passant par le site Web de la Cour fédérale et non au moyen de moteurs de recherche,
  • il ne devrait pas être possible de faire des recherches sur le site Web avec des mots-clés tels que VIH, ISIS ou Baha’ie.