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Indépendence et rémunération des juges

L’ABC a comparu devant la Cour suprême du Canada pour la troisième fois en qualité d’intervenante dans une affaire touchant à la rémunération des juges, prônant le principe de l’indépendance de la magistrature.

SCC at night

Le 9 décembre, la Cour a entendu deux affaires, l’une provenant de la Nouvelle-Écosse et l’autre de la Colombie-Britannique, dans lesquelles les provinces avaient rejeté, sans motiver ce rejet, les recommandations de leur Commission d'examen de la rémunération des juges respective.

L’équipe juridique de l’ABC a fait valoir dans son mémoire destiné à la Cour suprême que [traduction] « Le principe constitutionnel de l’indépendance de la magistrature exige que la transparence et non le secret guide les instances connexes à la rémunération des juges ».

 « Que la décision du gouvernement ait été malintentionnée ou non, un processus secret amène raisonnablement le public à se poser des questions sur les motivations du gouvernement et à se demander si la décision était une décision politique plutôt qu’une décision objective. »

Les doutes au sujet de la sécurité financière des juges pourraient compromettre la manière dont le public les perçoit, affirme le mémoire. [Traduction] « Le public doit pouvoir s’assurer que la rémunération des juges n’est pas gérée de manière à nuire à leur indépendance; il s’agit là d’un impératif constitutionnel. Ainsi, le défaut d’y satisfaire doit être considéré comme le seuil à partir duquel les processus de rémunération des juges cessent d’être neutres pour revêtir un caractère politique. »

Des arrêts rendus antérieurement par la Cour suprême ont établi que le fait d’éviter de conférer aux finances judiciaires un caractère politique fait partie intégrante de l’indépendance de la magistrature, souligne le mémoire, qui fait valoir que la divulgation dans le cadre des instances portant sur la rémunération des juges devrait [traduction] « vraisemblablement être totale ». Le fait d’invoquer le secret du cabinet, selon le mémoire, devrait être évalué à la lumière de « l’impératif constitutionnel » de dépolitisation du processus de rémunération des juges.

Guy J. Pratte, Nadia Effendi, Ewa Krajewska et Neil Abraham du cabinet Borden Ladner Gervais à Toronto et à Ottawa, ont comparu au nom de l’ABC à titre bénévole.

Les deux affaires antérieures dans lesquelles l’ABC est intervenue sont connues officieusement sous les noms respectifs de Renvoi Î.-P.-E. et Bodner. Ensemble, ces arrêts établissent le cadre des recommandations concernant la rémunération des juges. L’arrêt Renvoi Î.-P.-É. fixe la procédure devant être suivie pour déterminer la rémunération des juges afin de préserver l’indépendance de la magistrature. L’arrêt Bodner clarifie la nécessité que « les recommandations et les réponses soient faites dans le cadre d’un mécanisme public et transparent » pour que les recommandations des Commissions d'examen de la rémunération des juges aient des effets concrets. L’État peut passer outre la recommandation, mais doit se justifier de manière rationnelle au moyen de motifs qui n’ont pas pour objet d’influencer ou de manipuler les juges.

 « Dans son intervention dans l’affaire Renvoi Î.-P.-É., l’ABC a tout d’abord exposé les principes expliquant les raisons pour lesquelles le processus lui-même doit découler d’un strict respect de l’indépendance de la magistrature », affirme la proposition d’intervention. « Dans l’affaire Bodner, l’ABC a appliqué ces premiers principes pour évaluer le rôle de la Commission d'examen de la rémunération des juges en tant que garante de cette indépendance. Dans les présents pourvois, la question est celle de savoir dans quelle mesure ces principes sous-tendent les obligations de communication. »

Dans les deux dossiers, celui de la Colombie-Britannique et celui de la Nouvelle-Écosse, les juges de la cour provinciale ont demandé un contrôle judiciaire des décisions des provinces portant rejet des recommandations des Commissions d'examen de la rémunération des juges. [Traduction] « Ces pourvois ne portent pas sur les le bien-fondé, c’est-à-dire le caractère “rationnel” des réponses de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse face aux recommandations », écrit l’équipe de BLG.  « Ce qui est en jeu dans ces affaires, c’est la portée exacte du dossier dans le cadre du contrôle judiciaire du refus, par l’État, d’accepter les recommandations d’une commission d'examen de la rémunération des juges. »

Tant en Nouvelle-Écosse qu’en Colombie-Britannique, les juges ont demandé que le rapport et les recommandations à l’intention du cabinet, qui en Colombie-Britannique émanent du Procureur général, et en Nouvelle-Écosse du gouverneur en conseil, soient déposés au dossier. En Nouvelle-Écosse, les juges ont également demandé d’inclure un affidavit rédigé par l’honorable James H. Burrill qui contenait des renseignements sur l’historique de la rémunération des juges et d’autres questions connexes.

 « Les provinces se sont opposées à cette divulgation, se fondant sur divers privilèges et affirmant que le seul document pertinent aux fins du cadre Bodner est la réponse finale donnée par le gouvernement aux recommandations de la Commission d'examen de la rémunération des juges. »

La Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a affirmé que le gouverneur en conseil devrait produire son « Rapport et recommandation » dénué des passages qui sont protégés par le secret professionnel de l’avocat. Le juge Smith a accueilli une grande partie de l’affidavit après avoir conclu qu’il pouvait être admis s’il appuyait les revendications des juges selon lesquelles le processus avait été entaché par un manque d’équité.

La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a confirmé la décision du juge Smith, en grande partie. Elle a dit que le mémoire du Cabinet, puisqu’il fait partie des faits sur lesquels le refus de la province d’accepter les recommandations du Tribunal était fondé, est clairement pertinent au regard de l’arrêt Bodner. Elle a en outre conclu que d’autres sections de l’affidavit étaient pertinentes au regard de l’arrêt Bodner. Elle a accueilli en partie l’appel reconventionnel et a accueilli une plus grande partie de l’affidavit au titre de la preuve.

La Cour suprême et la Cour d’appel de la Colombie-Britannique ont, elles aussi, affirmé que le mémoire du Cabinet était pertinent aux fins du contrôle judiciaire.

La proposition d’intervention a été approuvée au terme d’une consultation approfondie auprès des divisions, des sections et des comités du bureau national ayant un mandat de politique, conformément à l’Ordonnance en matière d’intervention de l’ABC.