Éliminer les peines minimales obligatoires
Elles contribuent à la surpopulation des prisons et au taux disproportionné d’incarcérations des Autochtones, des personnes Noires ou appartenant à d’autres communautés racialisées. Le gouvernement doit prendre les mesures nécessaires pour les éliminer, propose une résolution de l’ABC.
Après la dernière élection fédérale, la réforme des peines minimales obligatoires prévues par le Code criminel brillait par son absence dans la lettre de mandat du ministre de la Justice, David Lametti. Mention de ces peines était tout aussi absente des réformes de la justice pénale proposées en 2018 par la ministre de la Justice d’alors, Jody Wilson-Raybould, dans le projet de loi C-75. Cela malgré la promesse faite par le parti Libéral de Justin Trudeau pendant son premier mandat de se pencher sur les réformes des peines et du système de justice pénale.
L’ABC a fait part de sa déception alors que le traitement des peines minimales obligatoires semble toujours repoussé, même si le ministre de la Justice a dit que « ce n’est pas laissé de côté ».
Jody Berkes, avocat spécialisé en droit pénal, présentera une résolution lors de la prochaine assemblée générale annuelle de l’ABC qui exhorterait le gouvernement fédéral à éliminer les peines minimales obligatoires pour les infractions autres que le meurtre. À défaut, lorsqu’elles demeurent, la résolution demanderait au gouvernement fédéral d’ajouter une « soupape de sécurité » dans l’article 718 du Code criminel qui autoriserait un juge qui détermine la peine à s’éloigner du minimum obligatoire et d’envisager d’autres options pour prévenir une injustice.
« L’ABC s’insurge et affirme : “Vous aviez promis une réforme dans ce domaine, et nous allons vous obliger à tenir votre promesse” », dit Me Berkes, qui préside la Section du droit pénal de l’ABC.
Me Berkes dit des peines minimales obligatoires qu’elles posent problème pour plusieurs raisons.
Premièrement, elles exacerbent les retards des tribunaux en les obligeant à traiter des infractions mineures, et surchargent le système carcéral. Parce que les tribunaux ne peuvent pas imposer de peines avec sursis, les condamnés ne peuvent pas purger leur peine dans la communauté. Qui plus est, les divers coûts liés à la surveillance d’un détenu sont élevés. Selon Me Berkes, pour envenimer les choses, « il revient souvent aux provinces d’acquitter ces coûts inutiles, car les peines pourraient être purgées dans la communauté ».
Deuxièmement, elles éliminent le pouvoir discrétionnaire de la détermination de la peine, empêchant les juges de trouver un équilibre entre tous les facteurs d’un dossier et les obligeant à imposer une peine « à taille unique ». « Un juge doit pouvoir disposer de l’arsenal complet des options de peines », dit Me Berkes.
Enfin, les peines minimales obligatoires continuent à exacerber le racisme systémique à l’encontre des Autochtones, des personnes Noires et des membres d’autres communautés, dont le taux d’incarcération est largement supérieur à celui du reste de la population. Me Berkes reconnaît la présence du racisme institutionnalisé à toutes les étapes du système de justice pénale, de l’application de la loi aux décisions concernant l’ouverture de poursuites. « L’élimination des peines minimales obligatoires n’éliminera pas le racisme institutionnalisé au sein du système de justice pénale », dit-il. Toutefois, les juges reçoivent au moins un outil qui peut les aider à corriger les « effets les plus pernicieux, au moins à la fin du processus ».
« Le taux excessif d’incarcération des membres des communautés racialisées, des personnes de couleur, et des personnes ayant des troubles de santé mentale s’apparente à une épidémie », dit-il. Il ne s’agit pas de la seule opinion des avocats de la défense. Les procureurs en conviennent aussi. Toute personne qui travaille dans le système judiciaire dit au gouvernement : « il faut que ça change! ».
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