Résolution proposée : limiter la divulgation des données de non-condamnation
Il faut mieux protéger le droit à la vie privée, surtout quand il s’agit de personnes marginalisées.
Une toute petite empreinte digitale laissée sur la scène du crime et voilà bien souvent le malfaiteur arrêté, il suffit de regarder un drame policier pour le savoir.
Ce que l’on sait moins, c’est que même les interactions mineures que nous avons avec le système de justice pénale peuvent laisser des empreintes, tangibles ou non, sur notre casier judiciaire. Une personne qui cherche un travail ou demande un visa de voyage peut se le voir refuser en raison de son implication dans une enquête, même en l’absence de toute accusation ou d’une déclaration de culpabilité.
Selon l’une des trois résolutions qui seront discutées cette année lors de l’Assemblée annuelle, l’ABC devrait exhorter tous les paliers de gouvernement à limiter la divulgation de données de non-condamnation emmagasinées dans les bases de données d’organismes d’application de la loi, et à fournir un mécanisme pour que les personnes puissent examiner et faire rectifier les erreurs ou les renseignements non pertinents s’y trouvant.
« Il s’agit d’une importante initiative que la législation pourrait appuyer pour protéger les renseignements personnels des gens et pour protéger les populations marginalisées », dit Tony Paisana, coordonnateur de Législation et réforme du droit pour la Section du droit pénal de l’ABC. « De nombreuses études ont conclu que les membres de communautés marginalisées et racialisées ont beaucoup plus de chances d’avoir des démêlés avec la police, et les données de non-condamnation de ces personnes déjà désavantagées s’accumulent beaucoup plus rapidement. » La limitation de leur possibilité de trouver un travail ou de poursuivre des études en raison de renseignements qu’elles n’ont eu aucune chance de remettre en cause bafoue les principes énoncés par notre Charte, dit-il.
En novembre 2018, l’Ontario a vu l’entrée en vigueur d’une loi, la première du genre au Canada, qui précise ce qui peut et ne peut pas être inclus dans une vérification policière des antécédents. Les nouvelles règles, avalisées par les chefs de police de l'Ontario, limitent considérablement la capacité de divulguer des données de non-conviction.
La Section du droit pénal a traité cette question dans un mémoire rédigé en 2016 (disponible uniquement en anglais) dans le cadre d’un examen de la Loi sur le casier judiciaire. « La création d’une “empreinte digitale” peut découler de la réalisation d’enquêtes, de la mise en accusation, de retraits et autres pratiques ne se traduisant pas par une déclaration de culpabilité », affirmait le mémoire. « La question de savoir quelles données de non-condamnation, le cas échéant, la police devrait divulguer est un point méritant une étude plus approfondie par le Parlement. »
Alors que la Loi sur le casier judiciaire prévoit la radiation des données concernant l’absolution inconditionnelle ou sous condition après un certain temps, aucune disposition de ce genre ne vise les suspensions d’instance ou le retrait des accusations, souligne le mémoire, qui ajoute : « d’après notre expérience, ces données apparaissent régulièrement dans le cadre de vérifications du casier judiciaire ».
Dans son rapport de 2017 intitulé Les conséquences indirectes des déclarations de culpabilité, l’ABC souligne qu’il n’existe aucune disposition législative prévoyant la façon dont la police devrait traiter la plupart des informations relatives à des non-condamnations se trouvant dans ses dossiers. Ces derniers peuvent être conservés dans des bases de données locales, provinciales, territoriales et nationales et la police locale décide généralement, dans les limites établies, des éléments à faire figurer dans la base de données nationale qui peut être consultée par tous les agents d’application de la loi du pays. Une base de données nationale peut contenir des renseignements tels que « des notes d’enquête, des avertissements policiers d’appels ou de comportement suicidaires observés, les accusations à venir » et, si les délais de prescription ne sont pas écoulés, les absolutions inconditionnelles et sous conditions.
« Cela signifie qu’une multitude de dossiers sans déclaration de culpabilité, y compris les accusations retirées, les acquittements, les appréhensions en application d’une loi sur la santé mentale et les renseignements sur des suspects, peuvent être inclus à différents niveaux de vérification de dossiers », affirme le rapport. « Bien que la législation provinciale, territoriale et fédérale sur la protection des renseignements personnels restreigne les renseignements que la police peut communiquer, les vérifications de dossiers s’appuient généralement sur le consentement du demandeur à la communication de l’information. Le consentement pourrait être un fondement suffisant pour autoriser la communication de renseignements non afférents à une déclaration de culpabilité en vertu de certaines lois sur la protection des renseignements personnels. »
Un vaste éventail des renseignements consignés dans les bases de données nationales sont également à la portée des agents d’application de la loi à l’échelle internationale, ce qui se traduit pour certains Canadiens et Canadiennes par un refus d’entrée aux États-Unis ou un refus d’autorisation de participer à des programmes de voyageurs de confiance tels que Nexus « en raison de décisions sans déclaration de culpabilité et de dossiers de contacts avec la police liés à la santé mentale ». Selon le rapport, ce refus génère une entrée dans les bases de données américaines, où il va probablement demeurer.
Les déplacements ne sont pas le seul domaine suscitant des préoccupations : leurs empreintes digitales laissées dans le système de justice pénale peuvent nuire aux personnes qui cherchent un emploi ou à celles qui ont besoin d’une habilitation de sécurité pour faire du bénévolat, à celles qui cherchent un logement ou encore aux personnes qui sont impliquées dans des affaires relevant des tribunaux de la famille.
Que pensez-vous de la résolution? Cette année nous avons mis en place un forum de discussion sur lequel vous pouvez vous exprimer. Il vous suffit de saisir votre numéro de membre pour ouvrir une session. Si vous souhaitez proposer des modifications à la résolution, veuillez la faire parvenir à tamrat@cba.org au plus tard le 25 janvier.