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L'appartenance dans un milieu de travail inclusif

L’objectif des cabinets sera toujours de recruter les meilleurs talents, ce qui implique de changer leurs stratégies de rétention.

diverse group of people waiting for an interview

Jadis, les cabinets juridiques étaient à la recherche du « candidat convenable », ou de « la personne qui convient » (en anglais, « a good fit »), recrutant dans les faits des juristes qui cadraient surtout avec leur culture homogène et passant à côté de candidats et candidates de différents horizons. Mais, selon les experts, de nombreux cabinets s’efforcent de changer les choses.

« Quand on évoquait l’idée d’un “candidat convenable”, on voulait dire en réalité “une personne comme moi”, ou “une personne qui me plaît bien” », déclare Tushara Weerasooriya, associée chez McMillan s.e.n.c.r.l., s.r.l., à Toronto. « De ce point de vue, on assiste très certainement à un changement. De nombreux cabinets ont travaillé dur pour s’éloigner de cette vision étriquée du recrutement. »

C’est le cas du cabinet de Me Weerasooriya, qui a pris des mesures pour limiter l’effet des biais inconscients dans le recrutement.

« Il faut d’abord accepter le fait que nous avons tous des biais qui nous poussent vers les gens qui nous ressemblent », explique Me Weerasooriya, qui préside le comité d’inclusion et de diversité de McMillan. « Et il faut comprendre aussi qu’avoir conscience chaque fois de ses propres biais n’est pas facile. Nous sommes tous humains, après tout. Nous avons donc modifié nos processus d’entrevue et de recrutement pour limiter l’effet de ces biais. Lors du recrutement d’étudiants et d’étudiantes en droit, par exemple, nous posons désormais les mêmes questions standardisées à toutes les personnes que nous rencontrons, et nous les évaluons en fonction de critères préétablis. »

Selon Shereen Samuels, chef, Équité, diversité et inclusion chez Gowling WLG, chercher « la personne qui convient » revenait autrefois à chercher une personne « qui pense comme nous et nous ressemble ». Mais les pratiques d’embauche des cabinets juridiques ont commencé à évoluer pour se centrer davantage sur les véritables qualités recherchées.

« Aujourd’hui, “la personne qui convient” peut signifier beaucoup de choses », observe Me Samuels, qui est basée à Calgary. « Cela peut signifier, par exemple, une attitude positive ou la volonté d’innover. »

Scott MacKendrick, associé chez Bereskin & Parr s.e.n.c.r.l., s.r.l. à Toronto, considère que le concept de « la personne qui convient » a sa place dans le recrutement des cabinets juridiques.

« L’idée quand on parle de “la personne qui convient” n’est pas de savoir si la personne partage vos intérêts, mais si elle partage vos valeurs », déclare Me MacKendrick, membre du comité de direction et ancien président du comité de la diversité et de l’inclusion du cabinet. « On ne peut pas ne pas du tout rechercher “la personne qui convient”. Si vous embauchez une personne qui ne correspond pas à votre cabinet et ne partage pas vos valeurs, vous la condamnez presque certainement à l’échec à long terme. »

L’embauche de juristes d’appartenances diverses est importante pour les cabinets, ajoute Me MacKendrick.

« L’objectif des cabinets devrait être de recruter les meilleurs talents. Car c’est ce qui déterminera en fin de compte le succès de ces cabinets. »

De l’avis de Me Weerasooriya, l’embauche d’une équipe diversifiée profite à la fois aux juristes eux-mêmes et au cabinet dans son ensemble.

« Prendre au sérieux la question de l’équité, de la diversité et de l’inclusion et soutenir la réussite de professionnels diversifiés est à la fois la bonne chose à faire et, bien franchement, une nécessité si le Canada veut éviter d’être à la traîne sur le marché mondial. »

La clientèle des cabinets juridiques se diversifie elle aussi, souligne Me Samuels.

« L’immigration est une tendance qui n’est pas prête de s’essouffler. La population canadienne va devenir de plus en plus diversifiée. Votre organisation doit être représentative de sa collectivité. Cette diversité ethnoculturelle commence à se refléter à la tête des entreprises clientes des cabinets juridiques. »

Sans compter qu’une diversité de perspectives peut donner lieu à de meilleurs conseils juridiques pour les clients, ajoute Me MacKendrick.

En tant que spécialiste des questions de propriété intellectuelle, Me MacKendrick conseille notamment ses clients sur les marques de commerce et sur la façon dont les consommateurs canadiens pourraient percevoir telle ou telle marque.

« Si vous avez une équipe diversifiée (sexe, appartenance ethnique) possédant une diversité de perspectives, vous obtiendrez une réponse plus représentative sur la façon dont le public canadien percevra une marque. »

En fin de compte, les initiatives de diversité doivent se comparer aux efforts d’innovation, soutient Me Samuels.

« La diversité favorise l’émergence d’une pensée innovante, d’idées nouvelles, de perspectives nouvelles. Dans une économie axée sur le savoir, il vous faut cet accès aux idées et aux perspectives nouvelles pour être à jour, avoir une longueur d’avance et rester dans la course. »

Mais la constitution d’un lieu de travail diversifié se fait rarement sans effort délibéré.

Pour Me MacKendrick, les cabinets juridiques doivent se doter de politiques pour favoriser la diversité et faire de leur lieu de travail un espace sûr, et offrir des séances de formation et d’information sur des sujets comme les biais inconscients.

« Les cabinets prennent graduellement conscience du fait qu’il ne suffit pas d’être diversifié : il faut aussi s’efforcer d’être inclusif et créer un espace où les gens peuvent être eux-mêmes. »

Me Samuels voit de plus en plus d’employeurs se demander s’ils dressent consciemment ou inconsciemment des obstacles à l’inclusion.

« Dans les années 80 et 90, on s’imaginait qu’une formation de sensibilisation suffirait à nous rendre comme par magie plus gentils les uns envers les autres et à rendre nos lieux de travail plus diversifiés et inclusifs. Mais ça ne fonctionne pas comme ça. On se rend maintenant compte qu’il doit y avoir un effort délibéré et soutenu. »

Les cabinets juridiques doivent être particulièrement attentifs à la rétention des juristes issus de la diversité, ajoute Me Samuels. « Le problème n’est pas tant de faire venir les gens que de les faire rester. »

L’une des raisons pour lesquelles ces juristes quittent les cabinets est que la voie qui devrait en principe les mener vers un poste de direction leur paraît barrée, explique-t-elle.

« Si vous voyez des gens comme vous s’exprimer en toute liberté et accéder aux plus hautes sphères, c’est ce qui vous convaincra qu’il existe une voie, que la culture a ménagé un espace pour vous. »

De nombreux juristes issus de la diversité sont victimes de discrimination ou de microagressions – intentionnelles ou non – de la part d’autres membres de leur cabinet, rappelle Me Samuels.

« Toutes ces expériences négatives peuvent les épuiser avec le temps. Certaines personnes y survivront, mais ce n’est pas le cas du plus grand nombre. Nous devons les convaincre de rester. Nous devons les convaincre qu’ils pourront réellement s’épanouir et qu’ils ne sont pas condamnés à serrer les dents et à jouer du coude tout au long de leur carrière. Mais pour cela, il faut que chacun contribue à créer un environnement psychologiquement sûr. »

Me MacKendrick est également d’avis que la création d’un espace sûr est essentielle.

« Si vous le lieu de travail et l’équipe sont diversifiés, chaque personne que vous avez embauchée pourra être la meilleure dans ce pour quoi vous l’avez embauchée. Plus que cela, elle pourra être la meilleure dans ce qu’elle fait, parce qu’elle pourra être elle-même et être authentique. »