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Traiter de la santé mentale à la faculté de droit

Certaines facultés adoptent des méthodes proactives pour aborder la question du bien-être avec leurs étudiants

La santé mentale des juristes
iStock

Alors que plusieurs étudiants et étudiantes en droit au Canada sont aux prises avec des problèmes de santé mentale, certaines facultés de droit développent des façons novatrices de promouvoir le mieux-être de leurs élèves.

Un sondage réalisé en 2012 par l’Association du Barreau canadien révèle que 58 % des juristes, des juges et des étudiants en droit déclarent avoir subi un stress important ou avoir souffert d’épuisement, tandis que 48 % affirment avoir ressenti de l’anxiété.

« Le meilleur endroit pour commencer à enseigner la gestion de la santé mentale et du bien-être est la faculté de droit », déclare Anna Kline, conseillère et gestionnaire du bien-être des élèves à la faculté de droit Peter A. Allard de l’Université de la Colombie-Britannique.

« Il est essentiel d’enseigner aux étudiants des techniques qui leur permettent d’améliorer leur bien-être afin de les préparer à la profession juridique, croit quant à elle Virginia Torrie, Ph. D., doyenne adjointe de la faculté de droit de l’Université du Manitoba. Il est possible de commencer à leur fournir des stratégies de gestion du stress et de l’anxiété à la faculté de droit, pour qu’ils puissent y avoir recours plus tard dans leur pratique », ajoute-t-elle.<

Anna Kline et Virginia Torrie partagent l’avis que les facultés de droit doivent aborder l’enjeu de la santé mentale de façon réactive et proactive.

Du point de vue réactif, Mme Kline croit qu’il faut être prêt à aider les étudiants en cas de crise. « Lorsque des étudiants sont en détresse, il est essentiel de mettre à leur disposition un spécialiste apte à les aider à faire face à ce type de situation au moment où elle se présente », dit-elle.

De nombreuses facultés de droit canadiennes, dont celles de l’Université de la Colombie-Britannique, de l’Université du Manitoba et de l’Université de Windsor, ont des conseillers attitrés.

« Cependant, il est tout aussi essentiel de s’attaquer de manière proactive au bien-être, affirme Mme Kline. Lorsque l’on examine l’évolution des problèmes liés à la santé mentale et au bien-être, on constate que plus l’intervention se fait tôt, plus le rétablissement est rapide et facile ».

Cela peut aussi aider à lutter contre la stigmatisation associée aux problèmes de santé mentale en responsabilisant les étudiants. « Si vous ne parlez de santé mentale que lorsque vous êtes en crise, une sorte de stigmatisation implicite accompagne la conversation, explique Mme Torrie. Il est important de penser à en faire une pratique courante et un sujet dont les gens parlent parce qu’ils veulent se sentir bien. »

« L’environnement de la faculté de droit peut être une source de stress et d’anxiété, affirme Mark Omenugha, étudiant en droit à l’Université de Windsor. La promotion de la santé mentale et du mieux-être des étudiants permettra de former de meilleurs juristes et de veiller à ce qu’ils aient recours à des mécanismes d’adaptation plus sains. »

La pandémie de COVID-19 a posé des défis supplémentaires aux étudiants en droit en matière de santé mentale.

Ariel Wyse, également étudiante à Windsor, dit avoir remarqué un changement important dans la santé mentale de ses collègues de classe pendant la pandémie. Certains ressentaient de l’épuisement, d’autres se sentaient isolés et déconnectés.

« Le simple fait de fréquenter l’école en ligne peut présenter tout un défi, dit-elle. Si l’on ajoute l’isolement ressenti lors d’une pandémie mondiale, l’environnement dans lequel les étudiants sont contraints de poursuivre leurs études est loin d’être idéal. Plusieurs d’entre eux sont stressés et anxieux, souffrent d’épuisement professionnel ou éprouvent d’autres problèmes de santé mentale. »

Selon Anna Kline, qui occupe son poste depuis 2018, la pandémie a exacerbé les problèmes de santé mentale que les étudiants peuvent avoir, d’où la demande croissante de conseils et de services.

« Toutefois, le bon côté de la chose est que les discussions sur la santé mentale sont beaucoup plus normalisées qu’avant la pandémie, croit la Virginia Torrie, ce qui est loin d’être une mauvaise chose ».

Afin de contribuer au mieux-être des étudiants, l’Université du Manitoba a organisé une série de conférences sur la pleine conscience, sur les traumatismes indirects et sur la stigmatisation des problèmes de santé mentale.

« Compte tenu de l’existence de la stigmatisation, il est rassurant pour les étudiants en droit d’entendre d’autres juristes, professeurs ou personnes qui travaillent dans le milieu juridique. Cela leur donne l’impression qu’il s’agit d’une expérience partagée et que beaucoup de juristes doivent composer avec le stress et l’anxiété, explique la Mme Torrie. Je veux que les étudiants se prennent en charge, qu’ils aient la conviction qu’ils peuvent s’occuper de leur santé mentale et qu’ils peuvent travailler activement à l’atteinte de leur bien-être mental. Je souhaite leur donner des stratégies et des outils auxquels ils peuvent recourir pour y parvenir. »

Mme Kline souligne que l’Université de la Colombie-Britannique a travaillé activement pour offrir aux étudiants des méthodes proactives qui contribuent à leur mieux-être, comme la respiration en profondeur, qui permet de contrôler le stress. L’Université a également élaboré un programme de mentorat pour le bien-être des juristes auquel participent 30 juristes ayant ressenti de l’anxiété et ayant souffert de dépression. Les mentors sont associés à des étudiants confrontés à des défis semblables.

« Ce programme a vraiment été valorisant », dit Mme Kline.

L’Université de la Colombie-Britannique a également lancé un programme de développement de l’intelligence émotionnelle pour permettre aux étudiants en droit de comprendre l’importance de ces compétences dans la pratique du droit. Les étudiants peuvent répondre à un questionnaire pour mieux se comprendre, puis effectuer des exercices en ligne afin d’améliorer leurs capacités.

À Windsor, Mark Omenugha et Ariel Wyse coprésident l’initiative de santé mentale et de mieux-être, qui collabore avec le thérapeute clinique de la faculté pour promouvoir la santé mentale auprès des étudiants. Cette initiative comprend notamment la planification de programmes sur la pleine conscience et la lutte contre le racisme.

Selon Mme Torrie, ces initiatives de bien-être sont importantes. « Nous pouvons avoir tendance à penser que si vous avez un problème, vous devez voir un conseiller. Mais c’est une solution générale. Il y a plus d’une façon de promouvoir une bonne santé mentale avec des choses comme l’exercice, le repos suffisant. Nous essayons de donner aux étudiants une trousse d’outils complète de stratégies et d’approches. »