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Recherche d’emploi après la reprise

Les cabinets aussi bien que les nouvelles recrues devront s’adapter à une refonte du marché de l’emploi juridique.

Applicant introducing talking to hr managers at job interview
iStock

Monica Goyal se souvient très bien de la dernière fois où sa profession a frappé un mur. Lors de son admission au barreau en 2009, elle a observé que ses collègues stagiaires avaient de la difficulté à lancer leur carrière au cœur de la grande récession qui faisait alors rage.

« J’ai terminé mon stage et j’ai eu de la chance », affirme Me Goyal, qui dirige à Toronto son propre petit cabinet spécialisé dans le droit des affaires et des technologies. « Des quelque vingt étudiants et étudiantes avec qui j’ai fait mon stage, tout au plus trois avaient été embauchés au bout d’environ neuf mois. C’était très difficile. Ce ne sont pas tous mes collègues qui ont réussi. Certains ont choisi de changer de carrière. »

À l’époque, le problème était les prêts hypothécaires à risque et un déluge de créances irrécouvrables. Aujourd’hui, c’est la pandémie. Pour la profession juridique (et plusieurs autres secteurs), l’effet est le même. Les affaires se font de plus en plus rares dans plusieurs domaines de droit, alors que les tribunaux ont du mal à s’adapter aux circonstances entourant la pandémie et que les entreprises privées remettent des activités juridiques pour se concentrer sur leurs réserves de liquidité et sur l’obtention de nouveaux clients.

Pour la période post-pandémie, les cabinets de juristes doivent tenter de recruter des gens qui sont aussi à l’aise d’accomplir leur travail en ligne qu’en personne, selon Martine Boucher, cofondatrice de Simplex Legal.

« J’ai une amie qui s’occupe de beaucoup d’affaires liées au droit de l’emploi. Ce dont elle a eu vent, c’est que les cadres et les associés veulent à tout prix revenir au bureau parce que c’est de cette façon qu’ils savent faire le travail, dit-elle. Pour leur part, les jeunes juristes ne ressentent pas cette pression et sont ravis de continuer à travailler à distance.

« L’autre chose que les cabinets de juristes doivent faire est de trouver un moyen d’évaluer le rendement des gens en ne se basant pas uniquement sur les heures facturables, car ce n’est pas la meilleure façon d’évaluer la contribution d’une personne qui travaille à distance. »

Un vivier de talents qui prend l’eau

Pour bon nombre de cabinets juridique, le climat de la pandémie a fait un trou dans le vivier de talents. Certains ont retardé leurs stages et leurs programmes juridiques estivaux, préférant se concentrer sur le maintien de leurs effectifs. D’autres ont fait des mises à pied à court terme ou ont réduit les salaires de leurs employés. Somme toute, ce n’est pas un bon moment pour être un jeune diplômé de la faculté de droit qui tente de lancer sa carrière.

Ian Holloway, doyen de la Faculté de droit de l’Université de Calgary, affirme que les cabinets avec lesquels il est en contact n’ont pas révoqué les offres faites aux récents diplômés. Toutefois, il convient que les finissants et finissantes de l’année de la pandémie seront confrontés à des vents contraires.

« Certains éprouveront probablement un peu de difficulté, dit-il. Ça va être un peu plus ardu pour eux. »

Les cabinets juridiques eux-mêmes peuvent toujours tirer profit d’une interruption comme la pandémie pour repenser leurs stratégies d’embauche. C’est ce qu’ils devraient faire en ce moment, selon Sameera Sereda, associée directrice chez The Counsel Network, une importante agence de recrutement canadienne dans le domaine du droit.

Les pressions exercées sur les cabinets canadiens, dit-elle, se concentrent sur les domaines qui ont connu une forte baisse d’affaires. « Il n’y a pas beaucoup d’action dans les fusions et acquisitions, dans les valeurs mobilières ou dans le secteur pétrolier et gazier en ce moment. » Cependant, le droit de l’emploi et du travail est en plein essor, ajoute-t-elle, ce qui est un effet secondaire possible du vaste programme d’aide au marché du travail que le gouvernement fédéral a instauré.

« Les cabinets intelligents pensent à l’avenir, en cherchant à savoir où il y aura des affaires à brasser et en embauchant en conséquence. Vous devez avoir les personnes dont vous avez besoin avant d’en avoir besoin. »

De la même façon que la pandémie a affaibli certains domaines du droit, elle devrait favoriser la croissance dans d’autres secteurs. Mme Sereda s’attend à un essor dans les recours collectifs, les questions d’insolvabilité et le droit fiscal. « Tous ces programmes d’aide gouvernementale nécessiteront une adaptation considérable », note-t-elle.

Une autre couche d’incertitude

Le changement dans les domaines de pratique à forte demande est d’une utilité limitée pour les récents diplômés des facultés de droit qui pourraient être témoin de la disparition de possibilités de carrière à court terme. Me Goyal fait remarquer que la profession juridique était en mutation avant que ne frappe la pandémie, grâce aux pressions qu’exerçaient des services en ligne et des cabinets proposant des services juridiques à des prix concurrentiels. Ces pressions, selon elle, vont réduire le nombre de personnes embauchées comme juristes d’entreprise à l’avenir.

« Le changement s’opérait déjà lorsque la pandémie a commencé. La situation actuelle va simplement accélérer ce processus, affirme-t-elle. Trop de gens obtiennent un diplôme de la faculté de droit. La situation était déjà difficile, mais maintenant il s’agit tout simplement d’une catastrophe.

« Il va y avoir des compressions du personnel au sein de sociétés, qui vont également utiliser plus d’approches technologiques et de fournisseurs alternatifs de services juridiques. »

Au-delà des grands cabinets

Le conseil que Me Goyal prodigue aux récents diplômés ainsi qu’aux étudiants et étudiantes en droit qui feront leur stage dans un an ou deux, est le suivant : tenez comme acquis que les postes dans les grands cabinets seront plus difficiles à obtenir et préparez-vous en conséquence.

« Ils auront besoin de compétences qu’ils n’obtiennent pas nécessairement à la faculté de droit à l’heure actuelle, croit-elle, comme le commerce du droit, les technologies, l’analyse de données, la négociation et la littératie financière. Ce sont les formations que les jeunes devraient rechercher, car ils pourraient avoir à lancer leur propre pratique.

« Il s’agit aussi de compétences qui peuvent aider à réduire les frais généraux d’un cabinet juridiques lorsque vous commencez, ce qui vous donne un avantage concurrentiel. »

Certaines facultés de droit ont pris ces conseils à cœur. L’Université de Calgary, par exemple, envoie des stagiaires dans des « camps d’entraînement » gérés par l’Institute for the Future of Law Practice, un organisme à but non lucratif qui offre aux jeunes juristes ainsi qu’aux étudiants et étudiantes en droit une formation dans des « disciplines complémentaires », comme la gestion des affaires et l’analyse de données.

Maryanne Forrayi, directrice du bureau de perfectionnement professionnel et du développement de carrière à la Faculté de droit de l’Université de Calgary, recommande également aux jeunes juristes d’entrer en contact avec leurs divisions locales de l’Association du Barreau canadien pour profiter d’occasions de formation et de réseautage susceptibles de les aider à garder leurs options ouvertes.

« Ils vont tisser des liens avec des juristes aux vues similaires qui sont également désireux de s’assurer que leurs connaissances et leurs compétences demeurent à l’avant-garde de la profession », dit-elle.