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Comment empêcher la démission de juristes

Les cabinets recherchent les meilleurs moyens de conserver leurs talents grâce à une combinaison de mesures incluant des accords de travail flexibles

Kenda Shaheen
Photo de Kenda Shaheen

La légion de juristes qui a laissé tomber la pratique privée pendant la pandémie a pris fin et les taux d’attrition poursuivent leur chute, selon de nouvelles données.

Le point annuel de la NALP Foundation for Law Career Research and Education sur l’attrition des juristes en 2023, en vertu de laquelle 128 cabinets juridiques des États-Unis et du Canada ont été interrogés, permet de constater que le taux d’attrition a été de 18 % l’an dernier. Il s’agit d’une poursuite de la baisse de 20 % observée en 2020 et en 2022, et du taux historiquement élevé de 26 % obtenu en 2021.

Les taux d’attrition les plus faibles ont été enregistrés dans les cabinets comptant entre 501 et 1 000 juristes et dans ceux comptant plus de 1 000 juristes, soit 16 % chacun.

Les taux d’attrition des hommes et des femmes frôlent respectivement les 17 % et 19 %, tandis que celui des juristes de couleur est nettement plus élevé à 24 %.

Cristie Sutherland, directrice des talents juridiques chez Gowling WLG, affirme que l’étude reflète ce qu’elle voit sur le marché.

« Lorsqu’il est question d’attrition, les tendances semblent s’être stabilisées et revenues globalement aux niveaux qui prévalaient avant la pandémie, dit-elle. Le pic que nous avons vu en 2021, heureusement, n’a pas continué. »

L’étude révèle également que l’embauche est revenue aux niveaux d’avant la pandémie, les cabinets cherchant des moyens d’attirer et de retenir des talents grâce à des conditions de travail flexibles.

« Le marché des talents est toujours concurrentiel, dit Me Sutherland. Les principaux éléments en matière de rétention semblent être la flexibilité du travail hybride, l’intégration d’un équilibre entre le travail et la vie privée, et des propositions claires en ce qui concerne le perfectionnement et l’avancement de la carrière. »

Kenda Shaheen, associée chez Dentons à Toronto, affirme que son cabinet ne lui a jamais donné une raison de songer à partir.

« Des recruteurs et des cabinets m’appellent, dit-elle. Il est toujours bon de comprendre la valeur que vous avez sur le marché. Pour moi, les conditions ne sont pas forcément meilleures chez le voisin. »

Me Shaheen se spécialise en droit des sociétés, y compris les fusions et les acquisitions privées, le capital-investissement et les transactions de capital de risque. Elle a travaillé avec les bureaux de Dentons à Toronto et à Dubaï durant toute sa carrière juridique.

« Dentons est un endroit où je n’ai jamais senti que j’avais besoin d’être quelqu’un d’autre que moi-même, dit-elle. Je n’ai pas à prétendre être quelqu’un que je ne suis pas, et je ne dois pas venir travailler tous les jours en pensant que je dois connaître les dernières statistiques de hockey ou être la meilleure golfeuse. C’est une bonne quantité d’énergie que je n’ai pas à dépenser. Je peux tout simplement me concentrer sur les aspects productifs de ma vie professionnelle et personnelle. »

Me Shaheen affirme que son cabinet lui permet aussi de développer sa pratique juridique pour qu’elle soit en harmonie avec ses valeurs personnelles, tout en répondant à ses ambitions personnelles et professionnelles.

« On m’a donné l’occasion d’être aussi entrepreneuriale que je le souhaite dans ma pratique, dit-elle. J’ai reçu du soutien pour ma croissance professionnelle et mon perfectionnement… Je ressens vraiment un sentiment d’appartenance et je sens qu’il s’agit d’un lieu de travail qui souhaite me voir grandir dans le respect de mes valeurs personnelles et pas seulement en fonction des intérêts du cabinet. »

Pour retenir les juristes, Me Shaheen recommande aux cabinets d’envisager de créer un espace sûr où les juristes peuvent parler ouvertement de leurs objectifs et aspirations professionnels.

« Ces conversations honnêtes autour de l’avancement de la carrière sont des étapes réelles et significatives vers la création d’un engagement parce que chaque personne peut soudainement s’exprimer, dit-elle. Personne ne doit faire semblant d’être quelqu’un d’autre pour continuer à progresser dans une organisation tout en complotant ou planifiant en secret ce qu’il aimerait réellement faire. »

Parfois, ces conversations honnêtes ont lieu trop tard, dit-elle. Cependant, si les préoccupations des juristes sont abordées ouvertement ou dans un endroit sûr au moment où elles sont soulevées, l’organisation a la possibilité de réagir avant que la personne ne remette sa démission.

Pendant la pandémie, les cabinets juridiques ont adopté des conditions de travail plus souples qui sont attrayantes pour de nombreuses personnes. Me Sutherland dit avoir vu un changement dans les pratiques en milieu de travail.

« Sans l’ombre d’un doute, l’accent sur la flexibilité lorsqu’il est question de l’endroit où nous travaillons et de la façon dont nous travaillons a changé depuis la pandémie, dit-elle. Je pense que la plupart des juristes ont réalisé qu’ils pouvaient être très productifs en travaillant à domicile tout en ayant plus de liberté pour consacrer du temps à eux-mêmes, à leur famille et à leurs amis. »

Travailler pendant la pandémie a démontré que de nombreux juristes peuvent être tout aussi productifs à domicile qu’au bureau, croit Me Shaheen.

Dentons a mis en place ce que le cabinet appelle une approche de « travail agile » où les juristes sont au bureau quelques jours par semaine et peuvent choisir de travailler à distance les autres jours.

Me Shaheen dit que le fait de côtoyer des collègues au bureau contribue au mentorat, à l’engagement et à l’établissement de relations.

« Avoir ce point de contact en personne quelques fois par semaine est également génial du point de vue de la productivité. Je peux facilement trouver des réponses à mes questions. »

Cela dit, elle aime la possibilité de travailler à distance quand elle le peut pour prendre soin d’aspects de sa vie qui, tout comme certaines dimensions de son travail, requiert de l’attention. Et elle est tout aussi productive.

Me Sutherland affirme que les cabinets de juristes doivent répondre aux demandes d’accords de travail flexibles tout en maintenant le dynamisme de la culture de bureau.

« Le maintien de cette flexibilité est d’une importance cruciale », soutient-elle.

Cependant, les cabinets doivent s’assurer que leurs sociétaires ne passent pas à côté d’occasions de formation en personne et de mentorat. Selon elle, ces juristes doivent trouver l’équilibre optimal entre l’adoption du travail hybride, la promotion d’une culture d’apprentissage et de perfectionnement, ainsi que l’établissement de liens et d’un esprit de corps au sein du cabinet.

« Je pense que la flexibilité est essentielle. Les cabinets déterminés et transparents qui peuvent présenter des arguments convaincants pour établir les raisons, les moments et la fréquence de la présence au bureau auront le dessus », dit-elle.