Aider les parties non représentées à trouver leur voix
Des accompagnateurs juridiques témoignent de leur expérience et de leur rôle pour favoriser l’accès à la justice.
Ce n’est un secret pour personne que les parties non représentées ont du mal avec les procédures juridiques complexes et un jargon qui leur est étranger. Cependant, une solution gagne en popularité : l’accompagnement juridique. En offrant des conseils, un soutien et une feuille de route aux personnes qui se représentent elles-mêmes, les juristes ont l’occasion d’offrir davantage de services au public tout en améliorant l’accès à la justice.
Les accompagnateurs et accompagnatrices juridiques sont des professionnels du droit qualifiés qui s’efforcent de donner à leurs clients les moyens de se représenter eux-mêmes en leur fournissant des conseils et une assistance juridiques.
Chyanne Sharma, avocate en droit de la famille chez Crossroads Law, offre de l’accompagnement juridique depuis qu’elle est stagiaire.
« J’ai à cœur d’aider les parties non représentées à trouver leur voix », déclare Me Sharma, qui est basée à Vancouver. « Je veux m’assurer qu’ils sont autonomes tout au long du processus – en particulier en droit de la famille, un domaine émotif et épuisant. »
En tant qu’accompagnatrice juridique, Me Sharma aide les parties non représentées à se préparer pour les comparutions, les demandes, les négociations, les médiations et l’établissement de leur stratégie.
« En somme, tout ce dont ils ont besoin pour gérer leur dossier », dit-elle.
Les demandes d’accompagnement juridique, note Andrew Di Lullo, avocat chez Listrom Di Lullo Professional Corporation à Toronto, proviennent de personnes aux prises avec un différend avec leur propriétaire ou avec un voisin, ou ont besoin de se faire expliquer le processus des petites créances.
« Je peux leur offrir une feuille de route et des conseils sur la meilleure stratégie pour atteindre leurs objectifs », dit-il.
Une telle feuille de route est ce que les accompagnateurs juridiques ont de plus précieux à offrir, selon Me Di Lullo.
« On nous a appris à la faculté de droit à projeter ce que devrait être le résultat d’une situation. Si on a une idée de ce que devrait être le résultat, on peut tracer la voie à suivre et s’en servir comme d’une carte. Par contre, si on n’a pas cette feuille de route et cette stratégie globale, on peut difficilement savoir si on déraille avant qu’il ne soit trop tard. »
L’accompagnement juridique fait partie de la pratique de Me Di Lullo. Celui-ci constate que dans le cadre du processus d’accompagnement juridique, certains clients décident qu’ils ont besoin d’une assistance juridique supplémentaire.
« Les gens croient d’abord qu’ils peuvent faire le travail eux-mêmes. Mais après avoir reçu un peu d’accompagnement juridique, ils peuvent parfois en venir à comprendre qu’ils n’ont pas les capacités nécessaires. »
L’un des objectifs de Me Di Lullo est de déterminer s’il ne serait pas préférable pour son client ou sa cliente d’obtenir une représentation juridique complète.
« Si la situation est trop complexe pour lui trouver une solution simple, je suis en mesure de les en informer, et alors ils peuvent décider par eux-mêmes si la tâche dépasse ou non leurs compétences. »
Parisa A. Jiwa, du cabinet Calgary Legal Coaching, propose ses services d’accompagnement juridique dans le domaine des testaments, des successions et des litiges propriétaires-locataires. Elle travaille aussi comme avocate offrant des services juridiques complets.
Il arrive, nous dit-elle, que les clients demandent initialement de simples services d’accompagnement, puis requièrent ses services complets quand leur dossier débouche sur un procès.
Me Sharma offre en outre une combinaison d’accompagnement juridique et de services complets.
« Les avocats offrant des services réguliers conservent le contrôle du dossier et donnent des instructions aux clients. Mais dans le cas des parties non représentées, il s’agit de travailler avec eux et de leur permettre d’avoir le contrôle sur leurs propres affaires. Les accompagnateurs sont là pour servir de guide et prêter main-forte au besoin. »
Certains des clients de Me Sharma ont également fait le chemin inverse : ils sont passés des services complets à l’accompagnement juridique.
« La transition se fait dans les deux sens, atteste-t-elle. Parfois, dans mes dossiers privés, le client ou la cliente dira : “Le coût est trop élevé. Pourrions-nous opter plutôt pour un accompagnement juridique, et vous pourriez m’aider avec mon dossier?” »
Me Sharma a suivi le processus pour obtenir le titre d’accompagnatrice juridique agréée de la Legal Coaches Association.
« L’agrément m’a permis de savoir à quoi m’attendre et comment travailler avec des parties non représentées. C’est assez différent de la façon dont on travaille quand on offre des services complets. »
De l’avis de Me Jiwa, l’accompagnement juridique contribue en outre à accroître l’accès à la justice en offrant aux parties non représentées la possibilité d’obtenir certains services à moindre coût.
« Personne ne souhaite que la justice soit réservée aux riches. L’accompagnement juridique est un moyen de combler certaines lacunes. » C’est une façon de créer un système plus équitable où les parties non représentées peuvent connaître leurs options, plaider efficacement leur cause et obtenir un résultat équitable, ajoute-t-elle.
L’accompagnement juridique répond notamment aux besoins des personnes qui n’ont pas les moyens de payer des services juridiques complets, mais qui ne sont pas pour autant admissibles à l’aide juridique.
« Grâce à l’accompagnement juridique, on peut offrir une gamme plus large de services aux particuliers et pallier ces manques », dit-elle.
Me Di Lullo croit aussi que l’accompagnement juridique joue un rôle « fondamental » dans l’accès à la justice. « Je ne pense pas qu’il soit possible de continuer de se contenter d’un système de justice qui fonctionne uniquement avec des professionnels du droit. L’accompagnement juridique fait désormais partie de l’éventail des options qui s’offrent au public. »
La demande croissante pour l’accompagnement juridique s’explique notamment par la sophistication et les capacités croissantes du public, ajoute Me Di Lullo.
« Il existe un certain nombre d’outils pour la recherche, le remplissage des formulaires et la rédaction de documents, et le public est désormais en mesure d’assumer davantage de tâches. »
Me Jiwa dit espérer que la communauté juridique et la magistrature en apprendront davantage sur l’accompagnement juridique et sur ses avantages, tant pour les parties elles-mêmes que pour l’ensemble du système juridique.
« Il reste encore beaucoup d’éducation à faire », déclare-t-elle.