Une ère décisive de changement
Philippe Dufresne, commissaire à la protection de la vie privée, souhaite protéger les droits principaux et fondamentaux dans cette époque numérique.
Le nouveau commissaire à la protection de la vie privée, Philippe Dufresne, dit qu’il s’est intéressé à ce poste en raison des enjeux touchant à la protection de la vie privée en cette ère de changement, tant sur le plan technologique que législatif. Selon lui, la protection de la vie privée concerne autant les personnes qui utilisent la technologie que celles qui ne l’utilisent pas.
M. Dufresne, qui a auparavant occupé le poste d’avocat général principal pour la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP), espère que les lois canadiennes continueront de protéger de manière adéquate ce qu’il considère être un droit fondamental.
Étant donné les nouvelles mesures législatives fédérales relatives à la protection de la vie privée au Feuilleton, M. Dufresne est d’avis que les nouvelles règles doivent établir un équilibre entre des objectifs concurrents, comme la vie privée, l’intérêt public et la promotion d’un environnement novateur qui permet aux Canadiennes et Canadiens de participer à l’environnement numérique.
« Je crois que mes antécédents et mon expérience seront utiles dans le cadre de ce poste, car il faudra moderniser des procédures de traitements des plaintes afin de garantir qu’elles soient justes et efficaces », affirme-t-il en discutant de son expérience au sein de la Commission canadienne des droits de la personne et en tant que légiste à la Chambre des communes. « Mes postes précédents impliquaient la communication et la promotion de la protection de la vie privée. Je crois donc que ce sont des tâches que je suis en mesure d’accomplir. »
M. Dufresne a fait son droit à l’Université McGill à Montréal, où il a étudié le droit civil et le droit commun, ce qui lui a permis d’acquérir une expérience bilingue et bijuridique.
« Jusqu’à présent, j’ai consacré ma carrière à la protection et à la promotion des droits des Canadiennes et des Canadiens, de la primauté du droit et des institutions du pays », dit M. Dufresne.
Pendant les 15 années au cours desquelles il a occupé le poste d’avocat général principal pour la CCDP, il a plaidé plusieurs causes marquantes devant la Cour suprême du Canada, notamment l’affaire Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone sur l’indépendance institutionnelle et l’impartialité du Tribunal canadien des droits de la personne, une affaire impliquant Postes Canada sur les principes et l’interprétation de l’équité salariale, l’affaire Vaid sur les privilèges parlementaires, l’affaire Whatcott sur la liberté d’expression et l’affaire Moore sur les mesures d’accommodement pour les personnes ayant des difficultés d’apprentissage.
Il a donc travaillé sur un certain nombre d’affaires portant sur l’équilibre entre les droits fondamentaux et d’autres intérêts. Il a ensuite ajouté que sa dernière cause pour la Commission était l’affaire de l’aide à l’enfance chez les Premières Nations qui a abouti à un accord de règlement avec le gouvernement fédéral, qui est actuellement peaufiné par le Tribunal.
M. Dufresne était le cadre supérieur responsable de toutes les activités liées aux enquêtes, à la médiation, aux vérifications, à la protection de la vie privée et à l’accès à l’information ainsi que des activités du contentieux de la Commission, y compris du processus de règlement.
M. Dufresne a ensuite occupé le poste de légiste et conseiller parlementaire pour la Chambre des communes. Il décrit le cabinet qu’il dirigeait comme le « ministère de la Justice du pouvoir législatif ».
En effet, il explique que « nous offrions tous les services que le ministère de la Justice offre au pouvoir exécutif de la Chambre, comme des conseils juridiques, la rédaction de projets de loi pour les parlementaires et, de manière générale, des conseils sur tous les domaines du droit, y compris les questions liées aux procédures parlementaires. Dans le cadre de ce poste, j’ai contribué à plusieurs enjeux importants liés à la création du Service de protection parlementaire sur la Colline tout en trouvant le juste équilibre entre les droits des parlementaires et en m’assurant qu’ils bénéficiaient d’une sécurité efficace. »
M. Dufresne fait remarquer que la discussion concernant la sécurité de la cité parlementaire se poursuit, en particulier à la lumière de l’occupation illégale de la rue Wellington devant la Colline au cours des mois de janvier et février de cette année.
Il a régulièrement comparu devant des commissions parlementaires pour les conseiller sur leurs droits et leurs pouvoirs en plus d’examiner des documents à la demande de ces commissions et de les caviarder dans le but de protéger la vie privée et la sécurité nationale.
Lorsque nous l’avons interrogé sur la tendance des membres de l’opposition lors de la législature précédente à exiger que son cabinet examine et caviarde des millions de documents plutôt que de laisser la fonction publique s’en occuper comme elle le ferait normalement, M. Dufresne nous a indiqué qu’il s’agissait d’un défi. Il a ensuite ajouté qu’il s’agissait également d’un défi pour la fonction publique.
M. Dufresne a reconnu que, bien que son cabinet ait fait son possible pour fournir ces services à la Chambre des communes, cette période avait sans aucun doute été difficile.
Il a aussi failli représenter le président de la Chambre des communes devant la Cour fédérale dans le cadre d’un litige avec le gouvernement sur la divulgation de documents non censurés concernant des licenciements au Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg, apparemment pour des motifs de sécurité, à un comité parlementaire. Cette affaire a toutefois été écartée lors de la dissolution du Parlement pour les élections de 2021.
« J’ai également participé à des poursuites contre le gouvernement lorsque j’ai travaillé pour la Commission des droits de la personne. J’ai même travaillé sur des causes contre la Chambre des communes avant d’être légiste, notamment l’affaire Vaid sur le privilège parlementaire, souligne M. Dufresne. Lors de cette affaire, j’ai défendu les droits des présidents de la Chambre des communes et les privilèges de la Chambre et de ses membres. Nous avons donc soumis des mémoires au tribunal afin de démontrer que les commissions possédaient le pouvoir de faire ce qu’elles ont fait et, en fin de compte, l’affaire n’a pas été poursuivie. »
Concilier les obligations et les droits fondamentaux en plus de faire la promotion des droits de la personne à l’échelle internationale ont été une constante tout au long de sa carrière. En effet, M. Dufresne a travaillé près d’un an pour le ministère des Affaires étrangères en tant que conseiller juridique responsable des tribunaux et des cours criminelles sur le plan international. Il a également enseigné le droit international de la personne, le droit pénal et la plaidoirie en appel aux facultés de droit de l’Université Queen’s et de l’Université d’Ottawa.
L’engagement de M. Dufresne auprès de l’ABC est une autre constante de sa carrière. Au fil des ans, il s’est intéressé aux contributions de l’ABC en tant qu’organisation défendant la primauté du droit pour la profession juridique et la collectivité canadienne. C’est pourquoi il a siégé au comité de direction de la Division du Québec en plus d’avoir occupé le poste de président de la Section du droit constitutionnel et des droits de la personne du Québec. Il a également contribué à la Section sur le droit constitutionnel et les droits de la personne et siégé au Forum des juristes du secteur public.
« J’ai occupé le poste de président de la CIJ Canada, une autre organisation responsable de la protection de la primauté du droit et de l’indépendance de la magistrature, précise M. Dufresne. Étant donné que j’ai été cadre supérieur, je comprends l’importance d’appliquer les lois et de les faire respecter, mais je suis aussi conscient des défis auxquels font face les institutions lorsqu’elles doivent le faire. »
En ce qui concerne la modernisation du régime fédéral de protection de la vie privée pour le secteur privé, M. Dufresne est d’avis que de nouvelles mesures législatives s’imposent depuis longtemps. Il dit attendre avec impatience l’étude et l’examen par le Parlement des nouveaux pouvoirs du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, du processus de traitement des plaintes et du pouvoir de rendre des ordonnances et de recommander des amendes. En plus de conseiller le Parlement, il se penchera attentivement sur d’autres aspects de la modernisation, comme la dépersonnalisation de l’information et le fardeau imposé aux entreprises pour mieux protéger les données contre les cyberattaques.
Selon M. Dufresne, « il est important qu’il y ait des mécanismes en place permettant à mon bureau et aux particuliers d’être informés et nous permettant de contribuer à l’identification des risques de préjudices aux personnes. Étant donné l’évolution de la technologie, il est d’autant plus important de protéger, de gérer et d’encadrer cet aspect ».
Le Commissariat à la protection de la vie privée a également mené plusieurs enquêtes en partenariat avec des commissaires provinciaux, ce qui, d’après M. Dufresne, est la preuve que la protection de la vie privée est un défi universel.
« C’est la raison pour laquelle mon bureau collabore avec ses homologues dans le reste du Canada et ailleurs dans le monde, souligne M. Dufresne. Cela nous aide à identifier les problèmes et à assurer l’uniformité du déroulement d’une enquête donnée. Cette collaboration est utile aux organismes de réglementation ainsi qu’au secteur et aux gouvernements, car elle leur permet de traiter les enquêtes de manière cohérente. »
Le bureau a également signé des protocoles d’entente avec ses homologues qui définissent leur mode de collaboration. Ces ententes ont également pris la forme de discussions entre homologues, comme cela a été le cas récemment à Terre-Neuve lors de la réunion des commissaires fédéraux, provinciaux et territoriaux à l’information et à la protection de la vie privée. « J’ai certainement à cœur de poursuivre cette collaboration dans l’ensemble du Canada et à l’échelle internationale », annonce M. Dufresne.