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Vérité et réconciliation : les cabinets canadiens prennent les devants

La nouvelle trousse d’outils de l’ABC montre la voie à suivre pour établir des relations mutuellement respectueuses avec les Autochtones du Canada.

Reconciliation and law illustration

Pour un cabinet juridique, prendre un engagement significatif envers la vérité et la réconciliation peut être une perspective intimidante. Même avec les meilleures intentions, on peut ne pas savoir comment bien faire les choses. C’est pourquoi l’Association du Barreau canadien a lancé en juin une trousse d’outils complète qui a pour but de les orienter.

John Brown, conseiller juridique et stratégique, Initiatives Autochtones, chez McCarthy Tétrault, a participé à l’élaboration de la trousse d’outils. Il conseille aux cabinets d’accueillir les étudiants autochtones en sortant les tables de la salle de conférence pour faire place à un cercle de discussion. Il s’agit selon lui d’un puissant signal de l’engagement du cabinet envers la réconciliation.

Maître Brown – dont la famille paternelle appartient au peuple Stó:lō de la vallée du Fraser, en Colombie-Britannique – raconte comment ses collègues et lui accueillent les Autochtones étudiant le droit lors des journées portes ouvertes du cabinet. « Nous commençons par une cérémonie de purification, puis nous faisons circuler un bâton d’orateur pour nous présenter à tour de rôle. Celui qui a le bâton d’orateur a le droit d’être écouté sans interruption, et l’obligation de parler avec sincérité. » Les autres membres du cercle, ajoute-t-il, ont l’obligation de l’écouter avec attention, respect et ouverture.

Les initiatives de McCarthy Tétrault comptent également un programme d’été pour Noirs et Autochtones de première année en droit (1L Black and Indigenous summer program). Ce programme a été conçu pour ouvrir les portes de l’organisation aux étudiants autochtones et « contrebalancer les obstacles structurels historiques auxquels les Autochtones se sont butés dans la profession juridique, tant dans l’accès aux études que dans l’accès à la profession », explique Nikki Gershbain, chef de l’inclusion.

Chaque cabinet peut concevoir des programmes et des initiatives adaptés à ses besoins et à ceux des communautés autochtones de sa région. La trousse d’outils de l’ABC propose des guides et des ressources pour aider les cabinets à attirer et à fidéliser les talents autochtones. Elle recommande notamment de veiller à ce que le processus d’embauche ne fasse pas obstacle aux candidats autochtones et de demander à des experts-conseils autochtones d’effectuer un examen de l’organisation.

Compétences culturelles

L’un des éléments qui devraient être au cœur de tout plan d’action est l’appel à l’action no 27 de la Commission de vérité et réconciliation, qui demande que les juristes reçoivent une formation appropriée en matière de compétences culturelles. La trousse d’outils de l’ABC a été développée avec NVision Insight Group, une société-conseil appartenant majoritairement à des Autochtones qui a créé le programme de l’ABC, Le Parcours : votre voyage au sein du Canada autochtone. Cette ressource en ligne et bien d’autres axées sur les compétences culturelles et la formation en matière de sensibilisation sont comprises dans la trousse d’outils. 

En juin 2020, Clark Wilson a été le premier cabinet régional de Colombie-Britannique à faire suivre une formation en matière de compétences culturelles autochtones à l’ensemble de ses juristes et de son personnel.

L’objectif de Clark Wilson, énoncé dans sa déclaration de réconciliation (disponible uniquement en anglais), est de « contribuer, par ses activités, à une réelle réconciliation entre les peuples, les entreprises et les pouvoirs publics au Canada. Sa haute direction élaborera le plan d’action pour la réconciliation, en consultation étroite avec deux membres du cabinet : Mike McDonald, c.r., associé, spécialiste du droit autochtone, membre du groupe de travail du Barreau de la Colombie-Britannique sur la vérité et la réconciliation et membre de la Première Nation de Peguis; et Saul Joseph, également spécialiste du droit autochtone, membre du Groupe de travail sur la vérité et la réconciliation de l’Association du Barreau canadien et membre de la Première Nation Squamish. »

La diversité et l’inclusion sont également au centre des priorités d’Osler, affirme Shuli Rodal, associée et présidente du Comité de la diversité du cabinet. « Nous devons nous instruire et participer à la discussion sur les conditions historiques et structurelles d’exclusion dans les collectivités où nous travaillons et vivons. »

Le cabinet estime que pour répondre aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, la formation et la sensibilisation sont fondamentales. « Nous avons eu la chance en 2018 de recevoir à Osler l’honorable sénateur Murray Sinclair pour une discussion avec tout le cabinet sur les Autochtones au Canada et sur ce que la réconciliation représente pour les Canadiens et les Canadiennes », ajoute Me Rodal. Cette discussion a été enregistrée et fait maintenant partie des activités annuelles du cabinet en matière de diversité. 

Soutien aux entreprises et artistes autochtones

Le plan d’action pour la réconciliation (disponible uniquement en anglais) du cabinet britanno-colombien JFK Law comprend la promotion des systèmes juridiques autochtones. Il soutient par ailleurs les artistes et galeries autochtones locaux « en exposant dans ses bureaux des œuvres choisies et en assistant à des événements de réconciliation », de même qu’en s’efforçant d’« opter pour des entreprises et des fournisseurs autochtones lorsque la chose est possible ».

Le plan de Miller Thomson comporte trois grands volets : « [L]e premier consiste à proposer à nos avocats, à nos étudiants et aux membres de notre personnel des ateliers de formation interne axés sur la culture autochtone et les enjeux d’accès à la justice; le deuxième consiste à veiller à ce que nos initiatives et programmes actuels soient plus amplement répandus dans l’ensemble du cabinet afin d’accroître le recrutement des Autochtones dans la profession juridique et leur fidélisation; le dernier volet consiste à faire la promotion des entreprises fondées par des Autochtones. »

Gowling WLG s’est engagé à créer des espaces inclusifs pour son personnel, ses professionnels et ses clients autochtones, notamment lors des événements du cabinet. Il compte par ailleurs « établir des collaborations stratégiques afin d’offrir une formation en compétences interculturelles aux membres du cabinet, d’accroître la disponibilité de services juridiques respectueux de la culture et d’offrir des services juridiques bénévoles qui favorisent la réconciliation ». 

Petits cabinets

Les dirigeants de petits cabinets, qui peuvent se demander comment contribuer de manière significative aux objectifs de réconciliation avec un budget relativement modeste, peuvent également tirer pleinement parti de la trousse d’outils. 

« On ne peut pas nier que le fait de disposer de ressources importantes facilite les choses et accélère les progrès », admet Nikki Gershbain, de McCarthy Tétrault. Mais toutes les organisations peuvent prendre part aux travaux. « La première chose que tout cabinet peut faire, c’est simplement d’affirmer ses valeurs. Pour ce faire, pas besoin d’argent. Il suffit que les dirigeants déclarent : “Cette cause nous tient à cœur, et nous allons y travailler.” »

Me Gershbain recommande ensuite d’adopter une feuille de route. La trousse d’outils de l’ABC propose une section détaillée sur la façon d’en concevoir une. « Un plan est très utile, car il peut guider votre travail. Il peut vous aider à rester sur la bonne voie et à ne pas vous laisser distraire par des questions qui ne feront pas avancer la stratégie. Si vos ressources sont limitées, il est vraiment important de les utiliser judicieusement, et je pense que l’on conviendra que la promotion de la réconciliation est l’affaire de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes. »

Ce qu’il est important de retenir, conclut John Brown, c’est que « le traitement réservé aux Autochtones par le Canada a brisé la relation des Autochtones avec le Canada. Et la réconciliation consiste à réparer cette relation brisée ».