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Les cabinets à l’heure du changement

Les vieilles habitudes ont la vie dure chez les avocats, mais peut-être pas cette fois-ci!

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La technologie numérique a été une planche de salut pour plus d’un cabinet durant la pandémie de COVID-19. Même si les grands cabinets s’affairaient déjà à améliorer leurs services en misant sur la technologie, la fermeture temporaire des bureaux pourrait bien faire changer pour de bon la façon dont les cabinets travaillent.

« À bien des égards, nous continuons de faire ce que nous faisons depuis des années, déclare Michael Fekete, responsable national de l’innovation à Osler. Toutefois, nous nous rendons compte que cette évolution est plus que jamais inexorable, chez nous comme dans toute l’industrie. »

D’après Matthew Peters, responsable national de l’innovation chez McCarthy Tétrault, il y a deux tendances de plus en plus soutenues dans cette nouvelle dynamique de travail.

En premier lieu, la pandémie a accéléré l’adoption des solutions d’infonuagique. « On voit s’accentuer la tendance qui s’éloigne du modèle classique du cabinet tentant de gérer lui-même sa technologie et, bien sûr, l’infonuagique se généralise à la vitesse grand V à l’heure de la COVID‑19 », explique Me Peters.

En deuxième lieu, celui-ci note un changement des mentalités et une gestion de ce changement dans une industrie réputée pour sa lenteur à s’adapter aux avancées technologiques. « On fait maintenant des choses qui semblaient impensables ou irréalisables hier, et on le fait très vite! On constate dans l’industrie que ces changements sont en fait bénéfiques pour la productivité. »

Craig Brown, associé du groupe de technologie émergente de Fasken, fait observer que les cohortes de son cabinet se sont mises au télétravail et aux procédés numériques. « On aurait pu penser que les jeunes juristes seraient les premiers à faire ce virage et que les cadres plus âgés auraient opposé une résistance, mais ça n’a pas été le cas. »

Bryson Stokes, associé directeur chez Blakes, dit que le cabinet avait déjà tout ce qu’il fallait pour que ses employés travaillent entièrement chez eux, mais qu’il a toutefois fallu accélérer certains projets afin d’en numériser les opérations. « La pandémie, ainsi que notre passage instantané au télétravail et aux solutions technologiques pour rester connectés entre collègues et avec nos clients, n’a fait qu’accélérer nos progrès dans la direction où nous allions déjà, écrit Stokes dans un courriel. Je prévois poursuivre dans la même voie et déployer d’autres technologies qui améliorent l’efficacité et la productivité. »

En outre, l’efficacité et la productivité n’ont presque pas souffert du passage au télétravail. « Nous avons sans doute vu la productivité diminuer d’environ une heure le premier lundi après la fermeture des bureaux, puis revenir dès le lendemain à son niveau d’avant, et elle s’y maintient toujours, raconte Me Peters. De ce côté-là aussi, les dirigeants devraient songer sérieusement à étendre les outils de flux de travail à l’ensemble de l’entreprise pour en favoriser l’efficacité. »

De son côté, Me Brown rapporte que les employés torontois de Fasken aiment ne plus avoir à circuler au centre-ville à l’heure d’affluence et sont heureux de voir leur employeur leur faire confiance puisqu’ils travaillent chez eux, sans la présence de superviseurs. Ils seront sans doute nombreux à vouloir continuer ainsi. « Dans l’ensemble, dit-il, on constate que les choses vont on ne peut mieux. Le travail se fait, et tout le monde est au moins aussi productif qu’avant. »

« Le premier mot qui vient à l’esprit, c’est l’harmonie : Fasken est passée au télétravail de façon plutôt harmonieuse », ajoute Robert Garmaise, chef de l’innovation à Fasken.

Une longueur d’avance

La technologie n’est pas qu’une bouée qui garde les cabinets à flot; elle s’impose comme un incontournable du service à la clientèle.

Par exemple, Osler possède une gamme complète d’outils technologiques, notamment Undertakings Management Tool, qui lui a valu un Prix de l’innovation du magazine Precedent en 2019. Le cabinet est aussi partenaire de la Legal Innovation Zone, un incubateur de sites Web à l’Université Ryerson. Par ailleurs, la société Blakes possède un cabinet spécialisé dans la technologie financière qui figurait au palmarès 2019 des meilleurs cabinets juridiques du Chambers FinTech Guide.

On a même vu McCarthy Tétrault convertir une salle de ses bureaux de Toronto (voir cet article) où se tenaient auparavant des audiences en personne; on y accomplit une foule de tâches juridiques différentes depuis mars : interrogatoires préalables, contre-interrogatoires, médiations, appels, procédures d’arbitrage, conférences préparatoires au procès, conférences préparatoires, motions débattues et (depuis peu) procès.

Fasken vient de lancer la toute dernière version de sa plateforme de collaboration en ligne Edge. Craig Brown rapporte que le portail client a remporté du succès auprès de la clientèle et des avocats et avocates en cabinet. Pour lui, le fait d’être à l’avant-garde de la technologie juridique constitue une proposition de valeur quand un client choisit à quel cabinet confier son mandat.

« C’est un simple reflet de la concurrence qui caractérise l’industrie. Il y a beaucoup de cabinets réputés avec un personnel bourré de talent. Nous devons exceller sur toute la ligne, et si nous avons des ressources technologiques que les autres n’ont pas encore, ça nous démarque encore plus », conclut Robert Garmaise.

Modernisation des procédures de règlement

La pandémie a soulevé une question technologique qui a grandement ébranlé le système juridique, surtout en ce qui concerne la modernisation et l’administration des tribunaux. Craig Brown connaît des juges qui ont pris l’initiative d’employer des solutions comme Zoom pour faire avancer les dossiers. Thomas Sutton, associé chez McCarthy Tétrault, dit que les avocats eux-mêmes et de nombreux juges travaillent fort à la modernisation du système.

« S’il y a quelque chose de bon qui ressort de cette crise de la COVID‑19 – et je crois que beaucoup de bonnes choses en ressortiront, malgré tout le chamboulement – c’est bien l’accélération des changements de mentalités sur certaines pratiques judiciaires, et pas seulement les audiences, mais aussi et surtout les interrogatoires préalables, explique Me Sutton. Le Barreau est prêt; les juges aussi. »

Les Règles des procédures civiles (Règle 1.08) autorisent les audiences et les témoignages par vidéoconférence. Selon Me Sutton, cela pourrait énormément accélérer les motions et les autres plaidoiries dans les affaires civiles.

« L’efficacité dans le système de justice civile laisse encore beaucoup à désirer de ce côté, précise Me Sutton. On aurait beaucoup à gagner en traitant à tout le moins certains types de motions de cette façon-là. C’est une problématique d’accès à la justice : la lenteur du traitement des dossiers en surprend plus d’un, et très franchement, on pourrait facilement accélérer les choses. »