L'abus de la clause dérogatoire
Il y a lieu de s’inquiéter d’une utilisation non exceptionnelle de l’article 33 par nos élus.
Lorsque la disposition de dérogation a été intégrée à la Charte des droits et libertés, elle était considérée comme l’option nucléaire : un instrument à utiliser dans des circonstances urgentes et exceptionnelles.
Mais compte tenu de l’utilisation qui en a été faite ces dernières années, certains critiques affirment que l’article 33 est une bombe à retardement qui a maintenant explosé, présentant une menace de plus pour les relations entre les citoyens canadiens et leurs institutions.
Bien que le gouvernement du Québec l’ait initialement intégrée à chaque nouvelle mesure législative entre 1982 et 1985 dans le cadre d’une protestation politique contre la nouvelle Constitution qu’il n’a jamais ratifiée, ailleurs au Canada, elle accumulait la poussière sur une tablette. Pendant plus de 35 ans, il y a eu des occasions où d’autres provinces ont tenté et menacé de l’utiliser, mais la Saskatchewan a été la seule autre province à l’avoir fait. En 1986, le gouvernement y a eu recours lors d’un conflit de travail avec des travailleurs provinciaux pour protéger une loi de retour au travail.
Parmi les cas les plus connus, le Québec a invoqué la disposition de dérogation pour annuler les droits linguistiques des minorités à la suite de la décision de la Cour suprême de 1988 dans l’affaire Ford c. Québec (PG), qui a invalidé une partie inconstitutionnelle de la loi linguistique de la province qui restreignait l’affichage d’enseignes commerciales dans toute langue autre que le français.
La situation de la disposition de dérogation était calme jusqu’en 2017, lorsque la Saskatchewan a déposé un projet de loi invoquant la disposition afin que le gouvernement puisse continuer à financer les élèves fréquentant des écoles publiques ou catholiques séparées, quelle que soit leur appartenance religieuse.
Cet événement a semblé marquer un tournant, car depuis lors, elle est de plus en plus utilisée par les gouvernements qui cherchent à parvenir à leurs fins au moyen de mesures législatives, et on en entend souvent parler dans les campagnes et la rhétorique populiste.
En 2018, le gouvernement de l’Ontario a menacé d’utiliser la disposition après qu’un juge a invalidé une loi réduisant la taille du conseil municipal de Toronto. Puis, en 2021, Doug Ford est devenu le premier premier ministre de l’Ontario à utiliser l’article 33, l’invoquant pour faire adopter un projet de loi limitant la publicité électorale de tiers après qu’un juge eut conclu qu’il s’agissait d’une atteinte injustifiée à la liberté d’expression.
En 2019, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a inclus la disposition de dérogation dans une loi pour éliminer les exemptions non médicales aux règles concernant la vaccination, mais a ensuite retiré la disposition au stade de comité.
Toujours en 2019, le Québec a déposé le projet de loi 21 pour interdire le port de symboles religieux par les travailleurs du secteur public. En 2021, le gouvernement a déposé le projet de loi 96 pour réformer les lois linguistiques du Québec. Les deux lois comprenaient la disposition de dérogation comme protection préventive contre les contestations judiciaires.
Lors des courses à la direction du Parti conservateur de 2017, 2020 et d’aujourd’hui, les candidats n’ont pas tardé à dire qu’ils invoqueraient l’article 33 pour un éventail de dossiers. Et en Alberta, la candidate à la direction de l’UCP, Danielle Smith, a déclaré que sa première initiative en tant que première ministre serait d’adopter une loi sur la souveraineté pour permettre à la province d’ignorer les lois fédérales qu’elle n’aime pas — ce qui semblerait nécessiter un recours généralisé à l’article 33 — et de faire fi des domaines de compétence fédérale.
Qu’est-ce qui motive donc cette augmentation de l’utilisation de la disposition de dérogation et cette perception qu’elle peut faire disparaître des droits d’un seul coup de baguette magique?
« Honnêtement, je pense que ce n’est qu’une question d’imitation », déclare Leonid Sirota, professeur agrégé à la faculté de droit de l’Université de Reading au Royaume-Uni et fondateur du blogue Double Aspect axé sur le droit public canadien.
Selon lui, compte tenu de l’ampleur des bouleversements qu’aurait entraînés la restructuration du financement des écoles pour le gouvernement de la Saskatchewan, le milieu académique et le public ont appuyé ce qu’il a fait en 2017. Cela a incité les gouvernements de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick à en prendre note.
« On semblait penser que certaines choses ne se faisaient pas, mais il s’avère que cette chose-là peut être faite. Rien de particulièrement grave ne s’est produit, le ciel n’est pas tombé sur nos têtes. Nous disposons de cet outil dans notre boîte à outils, dit Me Sirota. Je ne crois pas qu’on ait à chercher des explications plus loin. Les politiciens veulent toujours parvenir à leurs fins. »
Certes, le Québec est « un cas à part », puisqu’il n’a jamais ratifié la Charte. Le gouvernement provincial a appelé l’article 33 « la disposition de souveraineté parlementaire », et les projets de loi 21 et 96 l’incluent explicitement en tant que principe constitutionnel fondamental.
« Ils affirment que l’assemblée législative a le pouvoir de tout décider, ce que la Saskatchewan et l’Ontario n’ont jamais fait d’une telle manière, souligne Me Sirota. Ironiquement, il s’agit d’une affirmation de cette conception purement britannique de Westminster de la souveraineté parlementaire. »
Il mentionne que lors des débats sur le projet de loi 21, la façon dont le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, parlait de la question était digne de mention. Ce dernier a justifié l’utilisation de l’article 33 en disant que la province a la responsabilité et le pouvoir de décider de ces choses dans les limites de l’Assemblée législative sans se référer du tout aux tribunaux.
À l’Université de Sherbrooke, le professeur de droit constitutionnel Maxime St-Hilaire affirme que pendant longtemps, il y a eu un sentiment d’orthodoxie concernant la Charte et le pouvoir des tribunaux d’avoir le dernier mot. Il y avait un consensus concernant l’article 33 qu’il s’agissait d’un geste exceptionnel pour les législateurs de l’invoquer. Mais cette orthodoxie est soumise à des pressions et contestée à l’extérieur du Québec.
« Il y a aussi une montée du constitutionnalisme politique par opposition au constitutionnalisme juridique dans le milieu universitaire », soutient-il, notant qu’une partie de la première idéologie veut que les assemblées législatives doivent être considérées comme un substitut aux tribunaux lorsqu’il s’agit d’interpréter les droits.
« Ce n’est pas propre au Canada. C’est un phénomène mondial. Le populisme de droite comme de gauche en Europe en est un symptôme. Le Brexit en est un exemple. Il y a une réaction envers le modèle globalisé libéral orthodoxe des droits de la personne et du constitutionnalisme (hérité des suites de la Seconde Guerre mondiale). Certains en voient les limites — de la mondialisation, du libéralisme et du contrôle constitutionnel des lois par les tribunaux, surtout de ceux qui sont fondés sur des droits. C’est remis en question. Il n’y a aucune raison pour que le Canada y ait totalement échappé. »
Pour sa part, le premier ministre du Québec, François Legault, a défendu l’utilisation par son gouvernement de la disposition de dérogation pour outrepasser des droits avec les projets de loi 21 et 96, insistant sur le fait qu’ils expriment « la volonté d’une majorité de Québécois ».
Et pourtant, protéger les droits des minorités est au cœur même de la Charte — et les saper pour se plier aux caprices de la majorité est contraire à celle-ci.
« Le fait de simplement dire qu’il s’agit de la volonté de la majorité passe vraiment à côté de la raison pour laquelle nous avons une déclaration des droits enchâssée et un contrôle judiciaire de l’action gouvernementale », a dit Cara Zwibel, directrice du programme des libertés fondamentales de l’Association canadienne des libertés civiles.
« [M. Legault] ne démontre pas une bonne compréhension de la raison d’être de la disposition de dérogation. Pour moi, elle est là pour les cas où on a fait des allers-retours avec les tribunaux, on s’attaque à un enjeu difficile et il y a un désaccord sur un droit ou la portée d’une limite raisonnable et le gouvernement décide : “en fin de compte, nous sommes les mieux placés pour savoir quoi faire”. Mais ce n’est pas seulement, “c’est ce que les gens veulent, et nous ne nous soucions pas de la façon dont cela affecte les minorités”. J’aurais pensé que la Charte ne devrait pas permettre que cela se produise. »
« Nous avions des lois et des codes sur les droits de la personne et nous avions une déclaration fédérale, donc nous avions des lois quasi constitutionnelles sur les droits de la personne avant 1982, explique Me St-Hilaire. L’intérêt d’avoir la Charte était de protéger les droits à un niveau supérieur aux seules mesures législatives. »
En examinant les débats législatifs entourant l’invocation de la disposition, Me Sirota note qu’il a constaté un réel manque de réflexion ou de discussion au sujet des droits individuels qui sont bafoués dans le processus.
Il souligne que si les corps législatifs prenaient leurs responsabilités au sérieux, ils pourraient parvenir à la vérité philosophique à peu près aussi souvent que les juges le font lorsqu’ils examinent les lois.
« Mais ce n’est pas ce que je constate dans les débats. Ce que je constate, ce sont des arguments sur les raisons pour lesquelles ils veulent adopter une politique, mais aucune considération pour ce que cela signifie pour les droits individuels. Il n’y a qu’un seul côté de la balance. Je ne pense pas que les droits se fassent entendre dans les assemblées législatives. Et c’est un problème. Les politiciens seront toujours tentés de l’interpréter d’une manière qui leur accorde plus de pouvoir que la Constitution ne leur accorde réellement. »
Kerri Froc, professeure agrégée de droit à l’Université du Nouveau-Brunswick, affirme que l’utilisation préventive de l’article 33 par les gouvernements pour faire un pied de nez à la Charte et au contrôle judiciaire serait complètement étrangère aux rédacteurs et ratificateurs de la Charte. Les politiciens « se bouchent les oreilles et essaient de prétendre que la Charte n’existe pas », dit-elle.
Me Sirota pense que la distinction entre utilisation préventive et réactive est exagérée. Pour un nouvel enjeu, tel que la vaccination obligatoire, où il n’y a pas de précédent et personne ne sait quelle en sera l’issue, il affirme qu’il est possible d’arguer que l’affaire devrait être portée devant les tribunaux afin de la mettre à l’épreuve et d’obtenir une orientation. Ensuite, si une législature n’est pas d’accord et a sa propre conception de la situation constitutionnelle, elle peut invoquer l’article 33.
Pour cette raison, la tentative du Nouveau-Brunswick d’utiliser la disposition sans aucune orientation pour court-circuiter le processus judiciaire était « une mauvaise idée ».
Mais avec le projet de loi 21, « les conseillers juridiques du gouvernement du Québec savent parfaitement ce qu’il serait advenu de ces dispositions devant les tribunaux : elles auraient été invalidées, dit Me Sirota. Pourquoi exigerions-nous qu’ils passent par tout ce cirque consistant à plaider la question devant les tribunaux, à essuyer un revers, puis à adopter la loi à nouveau avec la disposition de dérogation? »
Me Zwibel est d’un tout autre avis. Selon elle, même si un gouvernement a invoqué la disposition pour se protéger, selon le principe de la responsabilité démocratique, un tribunal devrait toujours être en mesure de dire, en l’absence de la disposition de dérogation, qu’il s’agit d’une mesure qui, selon lui, viole la Charte d’une manière déraisonnable. De cette façon, les gens pourraient décider s’ils veulent voter pour un gouvernement qui a choisi de mettre en place une loi qui viole et restreint les droits.
« Même avec le projet de loi 21, même si le tribunal était d’avis qu’il ne pouvait pas l’invalider en raison de la disposition de dérogation, il a fait des déclarations sur le caractère raisonnable de la loi et sur le fait que certaines des mesures restreignent des droits, dit-elle.
Le gouvernement peut convaincre les gens qu’il ne s’agit pas d’une violation des droits de qui que ce soit, donc s’il y a une autre voix qui se fait entendre, je pense que cela peut être puissant. Cette voix changera l’avis de certaines personnes et les amènera à penser qu’ils ne devraient peut-être pas faire ça ».
En outre, l’utilisation accrue de la disposition alimente le scepticisme quant à la mesure dans laquelle la Constitution peut être un outil de protection. Et le fait que les gouvernements l’utilisent pour se protéger des critiques est « particulièrement préoccupant ».
« Les gens s’inquiètent à juste titre de savoir si nous jouissons vraiment des protections importantes, s’il suffit qu’une majorité dans une assemblée législative puisse faire en sorte qu’une certaine mesure ne soit pas examinée par les tribunaux de manière efficace, poursuit Me Zwibel.
Ma plus grande préoccupation est l’attitude du gouvernement à ce sujet (particulièrement en Ontario). Il est très désinvolte. C’est quelque chose que nous pouvons faire et c’est la volonté du peuple. »
Le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, a évoqué la possibilité de demander un renvoi à la Cour suprême sur l’utilisation de la disposition. Il a dit que l’intégrer de manière préventive dans les lois interrompait l’analyse juridique et le débat politique. « Dans une démocratie, ce n’est pas souhaitable », a-t-il déclaré.
Me Zwibel dit qu’elle ne peut pas imaginer à quoi ressemblerait un renvoi sur la disposition ou comment cela fonctionnerait.
« Il y a place pour une interprétation judiciaire quant au moment et à la manière dont la disposition peut être invoquée, mais j’ai tendance à penser qu’il serait préférable que les tribunaux énoncent ces principes lorsqu’ils traitent des cas où elle est invoquée. Je ne sais pas quelle serait l’issue si on posait les questions sans contexte. »
Étant donné que le projet de loi 21 est maintenant empêtré dans des procédures judiciaires et fait son chemin devant les tribunaux, Me Froc est d’avis que la question se retrouvera devant la Cour suprême d’une manière ou d’une autre. Selon elle, « le temps est venu pour un réexamen » de la décision de la cour dans l’affaire Ford, car elle a conclu que l’article 33 n’est soumis qu’à des exigences procédurales minimales. Les gouvernements n’ont qu’à évoquer la disposition de la Charte que leur loi cherche à outrepasser pour la protéger, ou ils peuvent faire une déclaration générale selon laquelle la loi s’applique nonobstant tous les droits mentionnés à l’article 33.
« C’était peut-être acceptable en 1988, mais plus aujourd’hui, où nous avons cette érosion potentielle de la légitimité de la Charte », affirme Me Froc, étant donné que le fait de parler de la disposition de dérogation est presque uniquement pour la forme si vous ne voulez pas vous y conformer.
Elle suggère qu’il devrait y avoir une obligation pour un gouvernement d’attirer l’attention du public sur son utilisation de la disposition et de solliciter des avis avant de le faire. Comme Me Zwibel, elle juge que le contrôle judiciaire est utile même lorsqu’il est invoqué pour parler de la façon dont la loi porte atteinte aux droits. Ce processus informerait les assemblées législatives ainsi que les citoyens.
En revanche, Me St-Hilaire pense que la cour, dans sa décision Ford, a vu juste. Si la cour juge bon de passer d’un contrôle judiciaire formel à un examen plus approfondi, les contestations actuelles à la primauté libérale du droit, ainsi que les critiques visant les reproches formulées par les juges à l’encontre du gouvernement, gagneraient encore plus de légitimité.
Au bout du compte, dit Me Sirota, les tribunaux ne peuvent pas faire grand-chose. Si le gouvernement fédéral renvoie ce dossier à la Cour suprême, ce sera « l’affaire la plus vite classée ».
Des voix se sont élevées pour réclamer que le Parlement, qui n’a jamais invoqué la disposition, déclare sans équivoque son opposition et s’engage à ne jamais l’utiliser. Cela pourrait se faire en adoptant une motion, une résolution ou une loi à la Chambre des communes, en établissant une politique générale contre l’utilisation de la disposition ou en s’engageant à intervenir lorsqu’elle est utilisée.
Me Sirota est d’avis qu’une loi serait probablement invalide, car la Constitution prévoit que le pouvoir d’utiliser la disposition existe. « Je ne vois pas comment le Parlement peut passer outre ce fait. »
Bien que l’adoption d’une motion soit faisable, elle n’exprime que le sentiment du Parlement actuel et n’est pas contraignante. Il en va de même pour une politique.
« J’ai l’impression que toutes ces théories avancées par des gens intelligents au sujet les limites implicites de la disposition de dérogation ne tiennent pas du tout la route, dit-il. Je pense qu’il s’agit d’une perte de temps pour s’accrocher au moindre espoir. »
En fin de compte, les changements formels ne sont pas ce qu’il faut.
« Le changement qui doit se produire est dans le cœur et l’esprit des gens, le sentiment que ce n’est pas chose faite, soutient Me Sirota. Cela dépasse la portée des lois, des motions parlementaires ou des prises de position de l’exécutif. »
Me Zwibel pense que ce serait un geste important pour le gouvernement fédéral de déclarer qu’il n’utilisera jamais la disposition, car elle est d’avis que son utilisation doit « redevenir coûteuse sur le plan politique ».
Si un gouvernement choisit de l’utiliser, il doit être prêt à affronter les tracas que cela causera ainsi que les procédures judiciaires qui s’ensuivront. Mais quoi qu’on dise en Alberta et lors des courses à la direction du Parti conservateur sur l’utilisation de la disposition, elle espère que ce n’est pas réellement le cas.
« Une grande partie des fanfaronnades dépend d’un public qui ne comprend pas nécessairement bien le fonctionnement réel de nos institutions, déclare Me Zwibel. Et une partie de cela est simplement basée sur l’ignorance de ce que prévoit réellement la Constitution ou sur l’espoir que le grand public ne sache pas ce qu’elle prévoit. »
Me Froc affirme que pour que l’article 33 redevienne coûteux sur le plan politique, les universitaires et les médias doivent mieux informer le public.
« Nous devons trouver des moyens de laisser de côté le superflu et de donner aux gens l’information dont ils ont besoin. Les personnes qui connaissent la Charte ont la lourde responsabilité de ne pas baisser les bras et d’informer le public. »
Cela signifie travailler pour trouver un terrain d’entente entre les suprémacistes législatifs et les suprémacistes judiciaires, un compromis qui équilibrera de manière appropriée tous les interprètes légitimes de la Charte, y compris le public et les législateurs.
« Des gens comme moi et des professionnels comme les juristes, nous dénigrons les personnes attirées par les mouvements populistes à nos risques et périls, dit-elle. Nous devons trouver un moyen de communiquer malgré les différences. Cela rend les choses plus difficiles quand il y a des politiciens qui jettent de la poudre aux yeux et qui alimentent cette désinformation au sujet de la Constitution. »
Me St-Hilaire a été déçu par la réponse des professeurs de droit constitutionnel à l’utilisation par le Québec de la disposition de dérogation. Les arguments contre cette utilisation ont été « faibles », et il dit qu’il est évident que les gens ont tenu pour acquis les arguments en faveur d’une révision constitutionnelle approfondie, fondée sur des droits, des lois.
« Ce dont j’ai été témoin au cours des dernières années est un argument beaucoup plus solide que je ne l’aurais imaginé en faveur d’une utilisation non exceptionnelle de l’article 33, dit-il. Nous avons besoin de moins d’arrogance de la part de ceux qui prônent l’orthodoxie. Elle est sérieusement contestée, et nous avons besoin d’une bien meilleure conversation. Les personnes qui ne sont pas d’accord avec cela devront proposer des arguments solides, pas seulement un discours dogmatique. »
Selon Me Sirota, pour la majeure partie de ceux qui font partie de l’institution juridique canadienne, la Charte est un arbre vivant qui peut changer avec la moralité dominante de l’époque. Maintenant, l’arbre pousse et porte des fruits qui ne plaisent pas à tout le monde.
« L’opinion dissidente est que les constitutions ne sont pas censées être des arbres vivants précisément pour cette raison, dit-il. Le changement dans la façon dont les gens les considèrent ne va pas toujours dans le sens de donner toujours plus de droits à toujours plus de personnes. »
Il se dit inquiet, car il est possible que la Charte devienne lettre morte.
« Nous ne savons pas quelle sera l’issue, mais il y a tout lieu de s’inquiéter. Si nous voulons qu’il y ait une quelconque retenue, elle doit venir de ce en quoi les gens croient. »