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Écoles séparées : un sens pour les identités au Canada

Le principe des écoles séparées est de plus en plus ébranlé à mesure que les groupes laïcs et les minorités religieuses gagnent en influence.

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Le droit et la Constitution du Canada reconnaissent d’emblée deux peuples fondateurs, cas unique parmi les États-nations. Ce concept, évidemment, passe sous silence le rôle des Autochtones. Nous y reviendrons.

Pour garantir la pérennité des identités française et britannique dans le « pacte canadien », l’article 93 de la Loi constitutionnelle consacre le principe du financement public d’écoles séparées pour les catholiques et les protestants là où ces écoles existaient avant l’entrée dans la Confédération.

Les choses ont bien changé depuis 1867. Le principe des écoles séparées est de plus en plus ébranlé à mesure que les groupes laïcs et les minorités religieuses gagnent en influence. De nombreuses provinces ont renégocié leur application de cette garantie.

Le Manitoba, d’abord, a aboli le principe du soutien intégral des écoles séparées dès 1890, au cœur de la « crise des écoles du Manitoba ». Le Québec, qui avait chassé l’Église de l’État, a entretenu des commissions scolaires protestantes et catholiques séparées jusqu’en 1997, pour ensuite instaurer un système laïc et linguistique.

À Terre-Neuve-et-Labrador, la chute des inscriptions aux écoles confessionnelles dans les années 1980 et 1990 a eu raison du régime. En 1997, la « clause 17 » est modifiée pour créer un réseau uniforme, public et non confessionnel.L’Alberta, la Saskatchewan et l’Ontario financent toujours des écoles catholiques.

L’an dernier, après examen de l’article 93, la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a déclaré que l’interprétation des droits religieux doit tenir compte de l’évolution des normes sociales depuis l’ère victorienne. Le juge Donald Layh a décrété que la protection constitutionnelle des écoles catholiques ne justifiait pas le financement public pour des élèves non catholiques dans la ville de Theodore. En déclarant la pratique discriminatoire, il a signalé que le pacte solennel entre l’Ontario et le Québec est devenu en fait un pacte sans partenaires depuis 1997.

Le gouvernement de la Saskatchewan a répondu en invoquant la clause nonobstant et porté la décision en appel.

Les projecteurs sont maintenant braqués sur la plus diversifiée des provinces canadiennes, où le traitement réservé aux écoles catholiques pose encore un dilemme. Les écoles financées par l’État en Ontario étaient séparées en deux : les écoles catholiques et les écoles non confessionnelles protestantes. Ces dernières, dites « publiques », étaient pourtant manifestement chrétiennes, ce qui s’avérait problématique pour les autres confessions. Finalement, des parents ayant contesté en justice la prédominance des enseignements chrétiens ont eu gain de cause, et les valeurs chrétiennes furent remplacées par les valeurs canadiennes.

Aujourd’hui, en Ontario, les inscriptions aux écoles catholiques sont en chute libre. Puisque leur financement dépend du nombre d’élèves, ces écoles sont en constante compétition avec les écoles publiques. Ainsi, plus de 8 % des élèves des écoles catholiques d’Ontario ne sont pas catholiques, et certains établissements offrent même le transport scolaire pour étoffer leurs rangs.

Comme il a été statué en Saskatchewan, il est plausible que l’inscription de non-catholiques à des écoles catholiques financées par l’État soit contraire à l’esprit du « pacte canadien ». Et bien que la Cour suprême ait reconnu plus d’une fois un « statut spécial à des catégories particulières de personnes » donnant lieu à un « statut privilégié […] aux minorités religieuses », l’utilisation de deniers publics pour l’instruction de non-catholiques accentue les effets discriminatoires sur les autres Canadiens.

Pendant ce temps, les écoles catholiques de l’Ontario se font remarquer en enseignant le créationnisme, en condamnant l’homosexualité et en interdisant toute coopération avec des groupes susceptibles d’appuyer l’avortement. En 2014, la Cour supérieure de l’Ontario a interdit l’obligation de participer à un programme religieux, et une plainte déposée l’an dernier en matière de droits de la personne n’a été réglée que lorsque l’école a accepté de ne plus exiger de justification pour les demandes d’exemption.

Personne ne dit que les catholiques – ou qui que ce soit d’autre – n’ont pas le droit à leurs croyances. Le problème, c’est que l’État finance des institutions dont les valeurs ne sont plus celles de la population.

Enfin, le rôle qu’ont joué l’Église et ses écoles dans le génocide culturel des peuples autochtones fournit une sérieuse motivation pour envisager l’abolition du financement des écoles religieuses. Il ne peut y avoir véritable réconciliation que moyennant une séparation complète de l’Église et de l’État, peu importe l’histoire.

La Commission de vérité et réconciliation a fait ressortir sans équivoque en quoi l’Église et les écoles religieuses ont servi d’instruments de l’État en vue d’un génocide culturel. Les deux peuples fondateurs non autochtones ont entièrement évacué les préoccupations et la protection des Autochtones et de leurs identités culturelles et linguistiques.

Si les fonds publics doivent servir à informer les Canadiens des patrimoines ethniques, c’est la contribution des Autochtones qui doit être privilégiée par-dessus tout.