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Entre l’autonomie et la protection

Loin d’être la fin de l’histoire pour l’ABC, les changements à la loi canadienne sur l’aide médicale à mourir ne font qu’ouvrir un nouveau chapitre.

Holding a patient's hand

L’entrée en vigueur, le 17 mars, des changements apportés à la loi canadienne sur l’aide médicale à mourir ne ferme pas ce dossier, dit David E. Roberge, associé dans le groupe de litige chez McCarthy Tétrault à Montréal et membre du Groupe de travail de l’Association du Barreau canadien sur la fin de vie. Plusieurs sections de l’ABC participent à ce groupe, y compris la Section du droit de la santé, la Section du droit constitutionnel et des droits de la personne, et la Section sur le droit des enfants. La promulgation du projet de loi C-7 ouvre un nouveau chapitre dont l’ABC a bien l’intention de continuer à influencer la progression.

Les travaux de l’ABC en matière d’aide médicale à mourir ont commencé avant que la Cour suprême du Canada ne rende son arrêt Carter en 2015 qui a affirmé que les lois pénales interdisant l’aide à mourir portaient atteinte aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes (art. 7 de la Charte) d’une manière dont il est impossible de démontrer la justification en vertu de l’article premier.

L’ABC a adopté plusieurs résolutions sur la question, en particulier pour inclure l’admissibilité des personnes atteintes d’un trouble psychiatrique à l’aide médicale à mourir, autoriser les demandes anticipées d’aide médicale à mourir à tout moment après un diagnostic d’affection grave et irrémédiable lorsque les souffrances deviennent intolérables, et à autoriser les personnes mineures dont il est établi qu’elles sont capables et consentantes (fréquemment appelées « mineurs matures ») à accéder à l’aide médicale à mourir sous réserve de l’existence de mesures de protection adéquates. L’ABC a été invitée à comparaître devant maints comités, y compris plus récemment les comités de la chambre des communes et du Sénat qui se sont penchés sur le projet de loi C-7.

La loi, telle qu’elle est promulguée, n’est pas encore la version définitive quant aux enjeux soulevés par l’ABC. Toutefois, l’évolution du cadre juridique en matière d’aide médicale à mourir au Canada correspond aux principes qui orientent les efforts de représentation de l’ABC sur ces questions, y compris l’abandon de l’exigence que l’un des deux médecins qui attestent de l’admissibilité à l’aide médicale à mourir soit spécialisé dans le traitement de l’affection particulière dont souffre la personne. « La préoccupation de l’ABC était que dans certaines communautés, certaines régions, il y a des délais d’attente pour avoir accès à des spécialistes ce qui pourrait donc forcer une personne à vivre de façon prolongée en souffrance, et même dans certains cas empêcher des gens d’avoir accès à l’aide médicale à mourir », dit Me Roberge.

L’exclusion des personnes ayant des troubles psychiatriques se prolongera pendant deux ans alors qu’un groupe d’experts indépendants examine la question à fond avant de présenter ses recommandations au Parlement d’ici mars 2022. L’ABC n’a pas demandé ce délai, mais cela l’encourage de constater que le Parlement reconnaît que l’exclusion pure et simple porterait atteinte aux droits à l’égalité tels que la Charte les garantit dans son article 15.

L’ABC est d’avis que bien que des mesures de protection doivent être mises en place, « supprimer le risque en excluant complètement les personnes atteintes de troubles mentaux ne pouvait pas être une solution raisonnable et proportionnée. On se doit d’avoir une méthode basée sur une évaluation individuelle qui certainement ne donnerait pas accès à l’aide médicale à toutes les personnes mais qui pourrait permettre à certaines gens qui répondent aux conditions d'éligibilité d’y avoir accès avec des mesures de sauvegarde suffisantes », dit Me Roberge.

L’ABC adopte la position selon laquelle il devrait être permis de faire une demande anticipée moyennant la mise en place de mesures de protection appropriées. La manière de veiller à ce que des mesures soient en place pour protéger l’intégrité de la volonté d’une personne, particulièrement lorsqu’elle n’est plus en mesure de communiquer ou se trouve dans l’incapacité de donner son consentement, est l’une des principales difficultés liées aux demandes anticipées, explique Shelley Birenbaum, présidente et avocate dans le cabinet Shelley R. Birenbaum Professional Corporation et membre de longue date du Groupe de travail sur la fin de vie.

Il faut en outre tenir compte de la question de savoir qui pourra décider du moment auquel les conditions prévues dans la demande anticipée sont réunies. « Nous devons nous assurer que tout comme des mesures de protection sont en place concernant les personnes habilitées à attester une demande d’aide à mourir, il faut s’assurer que celle qui prend la décision ne puisse pas être l’un des héritiers désignés par le testament. »

La question des personnes mineures matures ou compétentes est très émotionnelle, mais comme pour d’autres aspects de l’aide médicale à mourir, le rôle de l’ABC est de faire progresser le débat vers un résultat qui garantit l’autonomie des personnes au moyen de mesures de protection appropriées pour protéger celles qui pourraient être vulnérables.

« Un mineur pourrait avoir la capacité d’un adulte pour prendre ces décisions le concernant », dit Kim Jakeman, associée chez Harper Grey et présidente du Groupe de travail de l’ABC sur la fin de vie. « À mon avis, là où cela pourrait poser problème, c’est en cas de personne mineure mature et de maladie mentale », ajoute-t-elle, faisant remarquer que certains psychiatres chevronnés suggèrent que dans de nombreux cas, des troubles tels que la dépression et l’anxiété peuvent être traités, voire guéris, particulièrement chez les jeunes. « La bataille va être difficile. Nous devons veiller à ce que les mesures de protection appropriées soient en place. »

En ce qui concerne les efforts à venir, le Groupe de travail de l’ABC a constitué des sous-comités chargés d’examiner et de mettre à jour les écrits sur les questions qui restent en suspens. Les efforts de l’ABC pour influencer la question se poursuivent.